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Sophie Godard , 34 ans, docteur en biologie cellulaire à Nyon (Suisse)

Publié le 7 avril 2006

Après son Bac au Lycée Roland Garros, Sophie prend la direction de la métropole pour des hautes études en biologie. Elle poursuit jusqu’à la thèse et travaille pour de grands instituts de recherche dans plusieurs domaines : génétique animale, cancer du cerveau, maladies de la vigne. Elle est aujourd’hui mère de trois enfants et travaille à l’agroscope de Nyon en Suisse (l’équivalent de l’INRA en France), sur les mécanismes de résistance de différentes variétés de vignes au mildiou.

Sophie Godard
Sophie Nativel (de son nom de jeune fille) et sa petite famille au milieu d’un magnifique paysage suisse : cliquer sur la photo.

Racontez-nous votre parcours.

"Je suis originaire de la Plaine des cafres, fille unique de petits fonctionnaires. J’ai quitté l’île après le Bac, un peu naturellement pour suivre des études. Je suis arrivé en métropole en 1989 pour deux ans de classes préparatoires bio au Lycée Sainte Geneviève à Versailles. J’étais interne, ce qui a sans doute facilité mon intégration. Puis j’ai été admise à l’ENSAR, l’école Nationale Supérieures d’Agronomie de Rennes. J’ai passé trois ans en Bretagne, ce qui m’a permis de découvrir cette région magnifique. En 1993, j’ai suivi en même temps que ma dernière année d’Agronomie, un DEA à l’université de Rennes. En 1994, j’ai obtenu mon diplôme, je me suis mariée et j’ai commencé ma thèse".

Et ensuite ?

"De 1994 à 1998, j’ai coutume de dire que j’ai fait une thèse et deux enfants. J’ai travaillé à l’INRA de Jouy en Josas sur un projet de cartographie du génome du cheval. J’ai beaucoup aimé cette période intense de stimulation intellectuelle et de travail, mais après avoir profité en couple de Paris, nous ne souhaitions pas nous établir en région parisienne avec des enfants. J’aurais souhaité rentrer à la Réunion à cette époque, mais après avoir prospecté à l’occasion de vacances, mon mari et moi n’avons pas trouvé de perspectives d’emplois, dans nos domaines respectifs".

Qu’avez-vous fait ?

"Mon mari étant franco-suisse, nous avons eu l’opportunité de venir nous installer près de la Suisse. En 1999, nous nous sommes installés près de Genève, mais coté français. J’ai fait un premier postdoc à l’hôpital de Lausanne, sur la classification de tumeurs du cerveau. J’y ai travaillé trois ans, jusqu’à la naissance de mon fils, fin 2002. Aujourd’hui, je travaille pour quatre ans sur un projet de recherche à l’agroscope de Changins, à Nyon en Suisse (un peu l’équivalent de l’INRA en France). Nous étudions les mécanismes de résistance de différentes variétés de vignes au mildiou".

Quelles difficultés avez-vous éprouvé en quittant la Réunion ?

"Les deux premières années ont été très dures, non seulement à cause de l’adaptation, mais aussi à cause du rythme et du volume de travail. Mes parents ont pu me faire rentrer à la Réunion pour Noël et aux grandes vacances, ce qui m’a aidé. D’autre part, la vie sociale riche de l’internat a permis que je ne me retrouve pas seule face à moi-même. Néanmoins, je me souviens qu’au bout de quelques mois, un soir j’ai craqué et éclaté en sanglot. Un camarade m’a alors pris par les épaules pour me consoler : je me souviens encore du bien que cela m’a fait : en cinq mois personne ne m’avait simplement touché ! A la Réunion, on a le contact physique beaucoup plus facile. En famille, entre jeunes, entre copines on est toujours proche, bras dessus, bras dessous. On se fait la bise ! "

Quels sont vos projets ?

"Après avoir consacré huit ans à mes études et huit ans à la maternité et la petite enfance, je souhaiterais consolider mes acquis, et m’établir dans la durée dans la région ou je vis".

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

"La mobilité est toujours quelque chose d’enrichissant : partir de chez soi, se prendre en charge et découvrir un ailleurs différent. Il faut aussi quitter la Réunion pour se rendre compte des conditions de vie exceptionnelles dont on bénéicie là bas. Je veux parler du climat, de la richesse et de la diversité des paysages, d’une certaine mixité ethnique et religieuse. Beaucoup de Réunionnais découvrent le racisme en métropole. Ensuite, il y a tellement de choses à découvrir en Europe (et ailleurs) ! "

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

"Il y a 10 ans, quand j’étais encore étudiante, j’étais frappé par la morosité ambiante : beaucoup de jeunes avec moi au lycée ne faisaient rien, changeaient x fois de filière et étaient dans des plans galères, sans perspectives et sans aucune envie de travailler. Aujourd’hui, avec le développement du tourisme, on sent un nouveau dynamisme, visible même ici (il y a quinze ans personne ne connaissait la Réunion, aujourd’hui presque tout le monde connaît !). J’espère beaucoup que le chômage baisse et que les Réunionnais se prennent en main aussi. En métropole, on voit beaucoup de gens se démener dans les transports et dans la vie pour un petit salaire. Certains, même diplômés, touchent moins que des Réunionnais qui ont les sur-salaires de la fonction publique ! "

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