Publicité

Stécy Robert, infirmière jeune diplômée à Toulouse

Publié le 10 novembre 2020

Drôle d’année pour décrocher son diplôme… Sur le terrain, cette jeune Panonaise travaille dans l’une des régions les plus touchées par l’épidémie, l’Occitanie. Elle raconte son parcours et son quotidien.


Pouvez-vous vous présenter ?

Stécy Robert, 22 ans, originaire de Bras Panon. J’ai toujours vécu dans cette ville, et c’est à 17 ans et demi que j’ai quitté mon île, juste après le Bac, pour rejoindre la métropole. J’ai décidé de me lancer dans la Première année commune aux études de santé à Marseille. Après deux ans de PACES, j’ai loupé le concours pour intégrer l’école de dentiste. Je me suis réorientée vers un cursus infirmier. Je me suis retrouvée dans une ville beaucoup plus petite : Valence dans la Drôme. Direction l’institut de formation en soins infirmiers de la Croix Rouge à Valence.

Avez-vous quelques anecdotes d’étudiante à partager ?

Oui, beaucoup ! Une parmi celles qui m’ont le plus marqué, c’est la découverte de la neige. J’étais à Valence et j’ai vu pour la première fois la neige tomber. Ce jour là j’étais en cours et les formateurs avaient du retard à cause de problèmes de circulation. Je me suis rendue compte qu’il neigeait et j’ai dit à mes copines : "Mais venez, il faut qu’on aille dehors !". Personne n’a compris pourquoi j’étais si exaltée, tout le monde s’est mis à rigoler et je leur ai dit que je n’avais jamais vu la neige tomber. Alors nous sommes toutes allées dehors pour profiter de ce moment ! Les premiers pas dans la neige, les flocons dans les cheveux… C’est un moment inoubliable pour moi.


Une autre fois, lors d’un stage dans un petit village assez inaccessible, je me suis retrouvée coincée l’après-midi car je n’avais pas de pneus neige et que ma voiture ne tenait pas la route ! J’ai appelé ma maman à la Réunion en pleurs, car je pensais que j’allais être forcée de dormir à L’EHPAD ou dans ma voiture. Elle m’a dit : "Ben cossa ou veut mi fait pou ou ? Nous lé à 10 000km". Je remercie ma maman de m’avoir soutenu pendant ce moment. Ah ah !

Ou encore, à Londres avec mon compagnon pour passer les fêtes de fin d’année. Dans le métro, au moment d’acheter notre ticket, nous entendons des gens parler... créole ! Nous avons pu discuter avec eux et c’est à ce moment là que je me suis dit que le monde est vraiment petit et que les Réunionnais sont partout !

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Cela fait plus de cinq ans que je suis installée en métropole. Diplômée en juillet 2020, je suis infirmière et j’ai déménagé il y a quelques mois à Toulouse. L’Occitanie est actuellement l’une des régions les plus touchées par le coronavirus. En tant que soignante, je ne suis pas confinée, mais bien sur le terrain. J’ai fait le choix de travailler en intérim pour le moment. Je n’ai pas de poste fixe mais je travaille un peu partout : en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), en soins, suite de réadaptation, en oncologie, en maison d’accueil spécialisée (MAS)… Je me rends compte des difficultés de chaque terrain : manque de personnel, fatigue, burn-out, souffrance du personnel mais aussi des patients, manque de matériel, manque de place, manque de temps...


Quel est votre analyse de la situation ?

En tant que jeune diplômée, je n’ai pas beaucoup de recul. J’ai commencé à travailler en plein contexte de crise et j’ai l’impression que cela sera mon quotidien pour un bout de temps. Mes amis de promotion travaillent aussi dans des lieux variés et c’est la même chose pour tous : nous devons isoler les personnes fragiles dès qu’elles présentent des symptômes. Ce n’est pas toujours simple quand vous êtes par exemple face à une personne en situation de polyhandicap moteur et mental, qui ne comprend pas pourquoi elle doit être isolée de tous les autres. C’est difficile d’imaginer cela, mais en EHPAD par exemple, les personnes âgées isolées se retrouvent à demander aux soignants s’ils vont sortir vivants de cette histoire. Il y a une vraie détresse psychologique sur le terrain. Heureusement que les conversations sont possibles par visioconférence, ou par téléphone par exemple ; cela permet de maintenir un contact avec l’extérieur lorsque l’on se retrouve isolé sur n’importe quel lieu de soins.

Que faut-il faire pour se protéger du virus ?

Je dirais qu’il est important que chacun y mette du sien pour se protéger et protéger les autres. Pour ma part, je devais rentrer pour les fêtes de fin d’année à la Réunion (cela fait cinq ans que je ne l’ai pas fait) et j’ai tout annulé par précaution. C’est une grande déception, mais étant donné la situation, je préfère que cela se calme pour profiter pleinement de ma famille et mes vacances. Mais si la situation se complique vraiment à la Réunion, je n’hésiterai pas à proposer mon aide en renfort sur mon île.


Qu’est ce qui vous manque de la Réunion ?

La nourriture ! Ça manque tellement quand on est loin. Je donnerais tout pour pouvoir manger des produits réunionnais quand j’en ai envie… un bon carry tangue ! Il y a aussi le fait d’être loin de la famille. Je ne peux pas être présente pour les moments importants, et vice versa. J’ai l’impression de passer à côté de plein de choses en étant loin d’eux.

Quels sont vos projets ?

J’ai pour projet de continuer mes études en faisant un Master en recherche clinique dans quelques années. Par ailleurs, je souhaite continuer à visiter diverses régions et découvrir l’Europe puisque tout est beaucoup plus accessible en partant de la métropole.


Que vous apporte l’expérience de la mobilité ?

Mon parcours mobilité m’a beaucoup apporté. Il m’a permis de m’autonomiser, de prendre confiance en moi, d’avoir une certaine ouverture d’esprit… J’ai eu l’opportunité de vivre à Marseille deux ans, à Valence trois ans et maintenant à Toulouse, de découvrir les spécificités de chaque région. Il y a tellement de beaux paysages à découvrir dans chaque coin, des climats différents, de la nourriture différente, du vocabulaire différent (on connaît tous le débat sur les fameuses chocolatines par exemple, ou on connaît tous le fameux accent toulousain ou marseillais). A Marseille, le côté provençal, les calanques, la plage tout cela est magnifique. Dans la Drôme et l’Ardèche, les rivières et les forêts sont splendides. Je n’ai pas été trop dépaysée car j’ai retrouvé un peu de la Réunion dans ces paysages ! A Toulouse, je découvre mais je dirais que tous les endroits où j’ai vécu ont une forme de convivialité.

Le fait d’être réunionnaise est-il selon vous un avantage ou un inconvénient ?

Le fait d’être réunionnaise, je l’ai toujours vécu comme un atout. Cela m’a permis de me faire rapidement des amis. En général, les gens sont très curieux, demandent pourquoi nous avons décidé de quitter notre île. Ils me posaient plein de questions sur la Réunion, ils voulaient en savoir plus et valider ou non les stéréotypes qu’on a sur les gens des îles ! Cela permet donc de sociabiliser rapidement, et grâce à ça j’ai pu m’intégrer facilement.


894 membres et infos autour de Toulouse !

Publicité