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Stéphanie Nourry : un volontariat plein de sens à l’île Sainte-Marie

Publié le 3 août 2020

Alimentation, environnement, co-développement… Les chantiers gérés par Stéphanie à Madagascar sont nombreux, en tant que Volontaire de solidarité internationale auprès de la Circonscription Scolaire (CISCO) à l’Ile Sainte-Marie. Sa mission consiste à préparer les jeunes générations à s’engager pour le développement durable de leur île. Un enjeu crucial, notamment en contexte de crise sanitaire, qui permet, selon elle, de se recentrer sur les besoins essentiels, et de se révéler au travers de l’engagement et de la solidarité à différents niveaux. Interview.


Qui es-tu ?

C’est à Saint-Benoit, sur l’île de La Réunion, que j’ai eu la chance de grandir, plus précisément à Grand-Étang, sur le domaine agricole de mes parents qui m’ont transmis l’amour de la Nature et le respect du vivant sous toutes ses formes. Je suis aujourd’hui Volontaire de solidarité internationale (VSI) avec France Volontaires1, en mission au sein de l’équipe de la Circonscription Scolaire (CISCO) de Sainte-Marie, à Madagascar, que j’accompagne dans sa politique et ses activités liées à l’éducation à l’environnement. J’interviens également auprès des communautés via la PCADDISM (Plateforme de Concertation et d’Appui au Développement Durable de l’Ile Sainte-Marie).

Quel a été ton parcours ?

Du haut de mes 39 ans, je porte un regard plein de gratitude sur le parcours divers et riche que j’ai choisi et pu réaliser : diplômée d’une licence d’anglais LLCE qui m’a permis de voyager durant mes études, j’ai ensuite choisi de retourner aux sources de ce qui m’animait, en me formant dans les chevaux, avec comme spécificité le « Horsemanship » (méthode dite des « chuchoteurs »). J’ai ainsi passé mes diplômes d’instructrice en équitation éthologique, d’accompagnatrice de tourisme équestre, ainsi que mon BP JEPS activités équestres que j’ai enrichies de modules et d’expériences pour un meilleur accompagnement bienveillant auprès d’un public porteur de handicaps, d’enfants, d’adultes et de scolaires.


Et ensuite ?

Expatriée dans plusieurs pays anglophones et en France hexagonale entre 2001 et 2006, l’appel du pays, le retour aux sources et à mes origines s’imposait comme une évidence. J’ai rejoint mon père au sein de l’entreprise familiale avant de choisir de devenir moi-même chef d’entreprise pendant cinq ans. L’expérience la plus précieuse qui a forgé en grande partie celle que je suis aujourd’hui, c’est auprès des chevaux que je l’ai vécue : j’ai aimé accompagner chevaux et cavaliers, j’ai aimé former et enseigner tout en continuant à grandir dans mon métier, ma pédagogie et mes relations.

Avant un nouveau départ...

Après 11 années passés à La Réunion, ressourcée de mes racines et de ma créolité, j’ai choisi, en 2017, de reprendre mes valises pour un poste en éducation à l’environnement à l’île Sainte-Marie, à Madagascar. J’ai d’abord travaillé deux ans avec le Département de La Réunion dans le cadre de leur programme de coopération et j’ai eu la chance de poursuivre ma mission sous le statut de VSI avec l’antenne France Volontaires basée à La Réunion.


En quoi consiste ta mission de VSI à la CISCO ?

J’interviens auprès des enseignants, mais surtout auprès des élèves, ainsi que des communautés locales. J’ai proposé de consolider certains projets déjà existants (reboisement, biodiversité, changement climatique) et d’en mettre en place de nouveaux, tels que des potagers scolaires, l’amélioration de la gestion des déchets dans les écoles, l’écriture d’un conte sur les mangroves ou de plaidoirie… Grâce à la PCADDISM, j’ai appris à connaitre les communautés, et cette mise en réseau entre acteurs du développement durable de l’île a ouvert des opportunités et une cohérence sur le terrain. Mes compétences ne serviraient pas à grand-chose et ne pourraient pas être accueillies positivement sans le respect et l’appui des connaissances et les volontés locales. Cette organisation de la société civile est une force pour l’île sur des projets d’alternatives aux pressions, de plaidoirie auprès des autorités pour l’intérêt des communautés et la préservation des biens communs.

Et la suite ?

Cette année sera notamment consacrée au renforcement du projet Tsara Kobaby (financement Maison du Monde sous l’appui du GRET) sur les pépinières, le reboisement forestier et des mangroves, l’équipe de patrouilleurs en forêt de Kalalao, la 3ème édition de la foire agricole, l’étude socio-économique pour le dossier de la NAP (Nouvelle Aire Protégée), dont le processus de création a démarré il y a un an et demi. Je prépare également une convention entre la CISCO et la PCADDISM pour que les jeunes soient davantage intégrés aux projets, mis en lien avec les acteurs de terrain, informés des opportunités et préparer les jeunes générations à s’engager pour le développement durable de leur île.


Un projet auquel tu es fière d’avoir contribué ?

« Prenons soin de notre Terre » est le projet qui me tient le plus à cœur. Il consiste à créer des potagers dans les écoles pour alimenter des cantines scolaires. Je suis née de la Terre de par mon parcours de vie et je crois sincèrement que notre relation à soi, aux autres, au monde dépend de notre lien avec notre Terre nourricière. À travers ce projet, j’essaie de reconnecter les jeunes à quelque chose d’essentiel : le respect du vivant qui inclut l’humain dans ce cycle de Vie. Ce projet permet d’aborder et d’expérimenter l’agroécologie, l’agroforesterie, la vie sur terre et dans la terre, la résilience, l’autonomie alimentaire, l’impact des pratiques humaines sur les milieux (qualité des sols de l’eau et de l’air, la vie animale…), la qualité de notre alimentation, etc.

Un projet fédérateur...

Des collaborations locales et extérieures sont nées de ce projet : j’ai reçu le soutien de l’association Kokopelli qui a fait don de 12 kg de graines libres de droit et reproductibles. La mise en place d’une banque semencière permettra la pérennisation du projet en assurant l’autonomie en graines et le parrainage d’autres écoles. Camille, ancienne VSI à la Commune urbaine de Sainte-Marie, y a participé en valorisant sa station expérimentale de compost par le don de sacs de compost pour démarrer les semis, le temps de créer notre propre compost. D’autres partenariats sont en pourparlers avec le Département de La Réunion et la Fondation Antenna pour une dotation financière afin d’améliorer les conditions de réalisation du projet (outils, matériels, diversification des graines, formations, agents de terrain pour le suivi des potagers, obtention de serres et aussi limiter les aléas de la météo sur les pépinières...). Mon père a également prévu de s’investir dans le projet en mettant à disposition ses expériences sur le lombricompostage, l’agroécologie, l’apiculture. Des restaurateurs sont prêts à valoriser nos produits en accueillant les élèves pour des cours / dégustations de cuisine. Je n’ai pas toutes les compétences requises pour ce projet qui s’est étoffé au fil de ma mission, et il est important de s’entourer des idées et partenaires locaux et extérieurs pour que ce projet prenne toute sa valeur ; et si en lisant ces lignes, de bonnes âmes souhaitent rejoindre notre initiative, sachez que toute aide sera la bienvenue !


Au cours de ta mission, as-tu été personnellement affectée par la crise sanitaire actuelle ?

Je pense que la situation sanitaire actuelle ne peut laisser personne indifférent. Je suis en télétravail depuis bientôt trois mois mais il m’arrive de me déplacer pour des réunions importantes et pour maintenir du lien avec mes collègues qui eux ont repris un service minimum depuis deux mois. Concernant les projets, certains sont en suspens mais je prépare les semis sur mon potager à la maison, même si j’ai peu d’espace, dans l’idée de fournir des légumes pour les repas des élèves en examen et de produire plus de semences à partir des dons de Kokopelli et créer une banque semencière à petite échelle et les mettre à disposition des écoles une fois que les activités reprendront.

Comment as-tu adapté ta mission de volontariat ?

Je revois mes projets et tente de les réadapter à la situation actuelle en approfondissant la notion de résilience. Je participe aux réflexions des communautés et j’écoute leurs préoccupations. Je me rends également disponible pour aider en dehors de ma mission première : j’ai fait don de 100 masques, je mets en réseau des personnes qui souhaitent aider localement la population (parrainage, dons…). L’association 974 Action souhaite mettre en relation des jeunes de La Réunion et de l’île Sainte-Marie sur un projet culturel né du contexte sanitaire de Covid-19. Je leur sers de relai sur place au sein de la CISCO et de l’Alliance Française qui s’est intégrée au projet. Et puis, c’est également le moment de prendre soin de moi à un rythme différent (méditation, cuisine…).

La crise sanitaire change-t-elle ta vision de l’engagement et de la solidarité ?

Cet épisode sanitaire a confirmé mon choix de l’engagement. Il m’a bien évidemment poussé à une réflexion sur moi-même d’abord, et sur le monde, la mondialisation, la sécurité alimentaire, l’isolement, le lien social, la vie et la survie, l’essentiel... J’ai toujours cru en une forme alternative de la société dite moderne ou occidentale, une société de consommation et de l’outrance, de la normalisation, de plus en plus individualiste. Bien que difficile, anxiogène pour certains, cette expérience de crise sanitaire révèle du bon et des limites : dans beaucoup d’endroits, les gens ont appris la solidarité de proximité au sein du cercle familial, du quartier. Ils ont réappris un rythme de vie différent, réévalué leurs besoins essentiels, réduit certaines activités (sortir, acheter…) en faveur d’autres (cuisiner, potager, passer du temps en famille, coudre…). Ils ont expérimenté la peur aussi pour certains, l’isolement, la frustration, la colère… C’est une étape de l’humain qui peut permettre de réveiller en chacun de nous le potentiel de faire mieux, autrement, de repenser sa relation à soi, à l’autre et sa place dans la société. Chacun de nous porte une clé en soi, des solutions qui peuvent se révéler au travers de l’engagement et de la solidarité à différentes échelles.


Je suis reconnaissante que France Volontaires ait permis que les missions se poursuivent en gardant un lien étroit pour s’assurer de notre bien-être, en adaptant les conditions de mise en œuvre des projets tout en nous permettant d’élargir nos missions pour répondre aux besoins et à l’urgence que soulèvent cette crise sanitaire.

Quels sont tes projets post-volontariat ?

Je pense que le Monde, les gens, se préparent à redéfinir de nouveaux contours sociétaux, sociaux, politiques, économiques, environnementaux, et c’est avec les chevaux et ma famille, mon île aussi, que j’ai envie de construire ce passage de l’Histoire. Je pense que des allers-retours entre La Réunion et l’île Sainte-Marie se mettront en place pour des projets et pour garder le lien. Je réfléchis aussi à la possibilité d’accueillir un volontaire de réciprocité malagasy en mission à la Ferme Équestre du Grand-Étang. Et puis, confidence intime, des projets plus personnels, celui de porter la Vie et de guider ses petites mains à mettre en Terre ses propres petites graines...


* Mission de volontariat cofinancée par France Volontaires, le Département de La Réunion et les fonds européens Interreg V OI

Voir : LES OFFRES DE MISSION FRANCE VOLONTAIRE DANS L’OCEAN INDIEN

Basé sur l’île, France Volontaires propose toute l’année des missions indemnisées de 12 à 24 mois en Afrique Australe et dans l’Océan Indien. Plus de 50 Volontaires de Solidarité Internationale originaires de La Réunion sont en permanence en mission dans des pays de la zone, en appui à des structures locales œuvrant pour la coopération régionale. Sur quels postes, dans quels pays et comment postuler ? Cliquez ici pour en savoir plus : De la Réunion, France Volontaires recrute toute l’année pour l’océan Indien

D’autres infos et portraits de Volontaires réunionnais dans l’océan Indien / La page Facebook

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