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Thierry Bressure, 32 ans, informaticien près de Paris

Publié le 1er décembre 2008

Issu d’un milieu modeste, Thierry grandit dans une famille où l’école est présentée comme « l’unique moyen de s’élever ». Après une Maîtrise à l’université de la Réunion, il quitte l’île pour suivre des études d’ingénieur. Aujourd’hui informaticien dans une entreprise éditrice de logiciels en Essonne, il n’envisage pas de rentrer sur son île natale.

Thierry Bressure

D’où êtes-vous à la Réunion ?

J’ai grandi dans une "SIDR" dans un quartier populaire de Saint-Denis : les Camélias. Je viens d’un milieu ouvrier, mais ma mère m’a toujours présenté l’école comme l’unique moyen de s’élever.

Dans quelles conditions avez-vous quitté l’île ?

N’ayant pas bénéficié de bonnes informations sur les études supérieures, j’ai découvert après le bac que nous n’étions que deux élèves (réunionnais modestes) à ne pas partir en métropole faire une classe préparatoire. Je suis donc allé à l’université et après la Maîtrise, j’ai choisi de faire un DEA. Comme celui de l’université de la Réunion est « co-habilité », je suis allé à Marseille pour suivre les cours.

Comment cela s’est-il passé ?

Je dois dire que le système m’a permis de quitter la Réunion de façon très confortable. D’abord j’ai eu droit à une bourse de l’université, à laquelle se sont ajoutés une bourse de la Région et un prêt bonifié du Département, ainsi qu’un billet d’avion grandement subventionné.

Racontez-nous vos débuts à Marseille.

Nous étions mi septembre dans « le midi » mais je fus bien surpris du froid. Je suis allé rapidement acheter un pull car mon blouson en jean "té i fé pitié". J’ai toujours ce pull d’ailleurs. Une fois en DEA, je me suis vite rendu compte du potentiel d’emploi offert dans le domaine de l’informatique. J’ai alors changé mon fusil d’épaule en abandonnant l’idée de faire de la recherche.

Thierry Bressure
Thierry lors de ses études près de Marseille.

Qu’avez-vous fait ?

Je voulais être ingénieur et grâce à un professeur qui était directeur de l’école d’ingénieur de Luminy, j’ai effectué un stage en R&D à Gemplus en lieu et place d’un stage de recherche dans un laboratoire d’informatique. Mon diplôme obtenu, j’ai commencé à travailler en région parisienne. J’ai d’abord fait de la prestation informatique, ce qui m’a permis de travailler dans des environnements aussi divers que TF1 ou Renault. Puis je suis allé chez des éditeurs pour rejoindre une entreprise éditrice de logiciels.

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

Dans mon cas c’est une sorte d’expatriation car mon parcours est passé de la mobilité avec un retour programmé à un retour peu probable. L’ouverture vers le nouveau est sans doute l’apport essentiel de la mobilité pour moi. J’ai pris conscience de la finitude de l’île, en toute objectivité et en mettant de côté le chauvinisme qui fait que tout le monde voit midi à sa porte. La mobilité permet de relativiser ses certitudes et finalement ouvre l’esprit.

Quel est votre regard sur la situation à la Réunion ?

Par des témoignages divers j’ai l’impression que la Réunion ne va pas dans le bon sens. Des signaux inquiétants remontent malgré l’apparente modernisation des infrastructures par exemple. Le peuple réunionnais profite-t-il de cela ? Qui possède le foncier ? Combien de descendants d’esclaves dans la "jet set" réunionnaise ? Ce sont des questions qui dérangent mais il faut les poser pour prétendre être lucide.

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

Je n’ai pas rencontré d’incidence sur mon parcours du fait de venir de la Réunion. Toutefois l’origine des diplômes a une certaine importance.

Quelle est l’image de l’île là où vous vivez ?

Quand ce n’est pas l’ignorance de la localisation géographique de l’île (que certains plantent dans les Caraïbes), les gens ne connaissent de la Réunion que le côté touristique. Cela me chagrine car peu de personnes s’intéressent aux origines de l’île et à l’histoire de ses habitants. Les gens vont à la Réunion uniquement pour se détendre alors imaginez bien que l’histoire des peuples ne les intéresse pas…

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

Partir tôt. L’île et trop petite pour absorber les jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi. Aujourd’hui je sais que d’avoir quitté la Réunion seulement après la Maîtrise a retardé ma progression professionnelle. Si j’avais un conseil à donner à un proche, ce serait premièrement de faire des études. Deuxièmement les voyages forment la jeunesse, surtout quand on grandit dans une île. Enfin il faut être souple. Le monde change de plus en plus vite donc il faut être capable de revoir ses objectifs et ne pas s’enfoncer dans des impasses.

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