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Thomas Clopin : comment rentrer à la Réunion

Publié le 18 novembre 2021

A 24 ans, il a été recruté à un poste cadre à la Mairie de St-Denis, après des années d’études et de voyages où il a cumulé les diplômes. Faut-il rentrer ? Pourquoi rentrer ? Membres de l’association « Réunionnais de retour au péi » et du think-tank « Laboratwar Nout Zidé », Thomas partage le fruit de ses expériences et de ses réflexions dans cette interview "spécial retour".


Pouvez-vous vous présenter ?

Thomas Clopin, 24 ans. Je suis actuellement coordonateur du budget participatif à la Mairie de Saint Denis. J’ai grandi dans un milieu modeste, entre Deux Canons et Camélias, à Saint-Denis. Après un Bac ES, j’ai été étudiant au sein de l’Université de la Réunion où j’ai passé conjointement une licence d’économie gestion et deux diplômes universitaires : Langues & Civilisations Japonaise et le diplôme Ambition. J’ai continué ensuite avec un master à Sciences Po Paris intitulé « Stratégies Territoriales et Urbaines ».

Quel a été votre parcours de mobilité ?

J’ai quitté la Réunion pour la première fois lorsque j’avais 20 ans, en 2017, pour effectuer une année d’échange universitaire en Suède. Ma première expérience de mobilité n’est donc pas en métropole mais dans un pays européen. Une fois cette année effectuée, j’ai déménagé à Paris en 2018 pour mon master à Sciences Po. Ensuite, j’ai choisi de faire une année de césure en 2019 : pendant six mois, j’ai été en stage à Tours au sein de l’entreprise Vinci, puis pendant les six autres mois, j’ai fait du volontariat en hôtellerie et agriculture (culture du riz) au Japon. C’est à l’issue de mon Master 2 en 2021 que j’ai décidé de rentrer au péi. Mon retour s’est déroulé lors du deuxième confinement en métropole (novembre 2020). J’ai décidé de rentrer à la Réunion pour finir mes études en ligne. J’ai ainsi pu préparer ma recherche d’emploi post-diplôme dans de bonnes conditions.

Echange Erasmus en Suède

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à rentrer à la Réunion ?

Dès le début de mes études, j’envisageais un retour à la Réunion, mais je n’étais pas en mesure de définir quand ( à court terme ? à moyen terme ? à la retraite ?). J’ai décidé de revenir à la Réunion dès la fin de mes études pour les raisons suivantes :

La valorisation de l’identité réunionnaise : Ayant eu la chance de beaucoup voyager, j’ai eu l’occasion de découvrir de nombreuses cultures, toutes très fièrement portées par les populations (notamment en Islande, Suède et Japon). Cela m’a fait prendre conscience de la richesse culturelle et patrimoniale de la Réunion, mais aussi de nombreux problèmes : complexe d’infériorité, histoire peu valorisée, etc. Je pense que la Réunion a besoin de sa jeunesse pour les résoudre.


L’absence supposée de travail à la Réunion : Nous avons, pour beaucoup de Réunionnais, grandi avec cette impression qu’il n’y a pas de travail à la Réunion et qu’il est très difficile d’en trouver. Nous sommes poussés à prendre de l’expérience professionnelle en métropole pour pouvoir envisager un éventuel et incertain retour au péi. Dans mon domaine (aménagement du territoire), il m’a très vite semblé absurde d’obtenir de l’expérience en hexagone puisque le contexte réunionnais est très différent du contexte hexagonal.

Etre réunionnais en métropole : en Suède et au Japon, pays où j’ai vécu pendant au moins six mois, je n’ai rencontré aucune difficulté à vivre mon identité créole. Cette dernière fut perçue très positivement et sans préjugés. A l’inverse, la métropole ne m’a pas réservé le même traitement, ce qui m’a semblé très étrange pour un pays où je suis censé être « chez moi ». Je garde néanmoins un très bon souvenir de mon séjour en métropole !


Décrivez nous votre état d’esprit à l’atterrissage à Gillot.

Le soulagement de pouvoir enfin passer un été entier à la Réunion après plus de trois ans de mobilité... La vue des flamboyants m’a fait un bien fou ! J’étais également fermement motivé à rester à la Réunion, qu’importe l’évolution de la situation sanitaire.

Avez-vous eu des difficultés à vous réinstaller ?

J’appréhendais beaucoup la recherche d’emploi à la Réunion. Étant membre de l’association Réunionnais de Retour au péi, j’ai pu avoir de nombreuses infos concernant la réinstallation. J’étais donc préparé. En deux mois de recherche d’emploi, je n’ai pas échappé à la discrimination et aux contraintes du marché du travail réunionnais. Néanmoins, j’ai pu saisir une opportunité d’emploi grâce au réseau constitué sur place.


Dans quel état avez-vous trouvé le marché du travail en rentrant ?

Je dirais qu’une partie du marché du travail à la Réunion est “caché”. Il est essentiel de bien le connaître pour pouvoir trouver sa place. En tant que Réunionnais ayant fait de la mobilité, je dirais que nous sommes désavantagés, notamment du fait que le marché du travail n’est pas configuré pour les Réunionnais de retour au péi. A ce sujet, l’APEC Réunion et l’association Réunionnais de retour au péi travaillent sur la production de données sur le retour.

Plus généralement, qu’avez-vous trouvé de changé à votre retour à la Réunion ?

Je n’ai pas quitté le territoire très longtemps, mais je constate une évolution des mentalités lente mais certaine, et un réel élan de la jeunesse réunionnaise en faveur du développement de la Réunion, notamment par l’effervescence des associations telles que Réunionnais de Retour au péi, Laboratwar Nout Zidé, le projet citoyen Isopolis…


Avec le recul, tirez-vous un bilan positif de votre expérience de mobilité ?

La mobilité m’a ouvert les yeux sur mon projet professionnel, mes projets de vie et mes ambitions. Je pense qu’il n’y a pas meilleur moyen pour apprendre à se connaître soi-même. Il est essentiel de recourir à une expérience de mobilité mais il est tout aussi important de faire le lien avec l’île pour pouvoir appréhender réellement les enjeux sociétaux à la Réunion.

Qu’est ce qui vous surprend le plus par rapport à l’endroit où vous viviez en mobilité ?

A quel point l’identité et la culture sont les points de départ pour appréhender les enjeux de sociétés. Par exemple, les pays de Scandinavie sont très avancés sur les enjeux de développement durable, d’égalité homme-femme, de bien-être des ménages... Cette réussite est indissociable de l’identité nordique qui attache une importance capitale à la nature et à ses habitants. Au Japon, les religions shinto et bouddhiste accordent une importance majeure au respect d’autrui et des choses, ce qui se traduit directement dans l’aménagement du territoire et dans l’attitude des Japonais : valorisation des temples, espace public très agréable à fréquenter, sécurité…


Dans tous les pays où j’ai vécu, ce qui m’a beaucoup surpris également, c’est l’attachement des populations à leurs cultures. C’est cette fierté qui permet le rayonnement de cette même culture au Japon notamment. J’ai ainsi compris que la culture réunionnaise a un potentiel énorme de rayonnement international. Nous avons un travail à effectuer sur notre perception de l’identité et de la culture afin de révéler ce potentiel.

Quels sont les points de satisfaction / déception de votre retour ?

Je suis globalement satisfait de mon retour et j’ai conscience du challenge que représente le développement de la Réunion. De nombreuses personnes sont aujourd’hui sensibles à l’évolution des mentalités et veulent apporter des réponses aux enjeux sociétaux. Je suis très déçu toutefois d’une absence totale de volonté politique en faveur du retour des réunionnais au péi pour le développement de l’île.

Aujourd’hui quels sont vos projets ?

Par mes engagements associatifs, je souhaite contribuer à un développement soutenable et cohérent à la Réunion. Pour cela, la valorisation de l’identité et de la culture réunionnaise sont fondamentales pour penser un horizon à long terme. Je pense que nous sommes parfaitement capables, à la Réunion, de répondre aux enjeux sociétaux tels que l’autosuffisance alimentaire, la pression foncière ou encore le tourisme responsable . Nous avons un potentiel non négligeable qui nous permettrait de rayonner dans le monde entier !


Avec mon équipe au sein du bureau de l’association citoyenne Laboratwar Nout Zidé, nous souhaitons offrir l’opportunité aux jeunes réunionnais de penser les enjeux de politiques publiques en les adaptant au contexte local. Sans prérequis nécessaire, le projet s’adresse aux Réunionnais du monde entier désireux d’apporter leurs forces de propositions. Au terme de cette saison 2021-2022, L’association a l’ambition de produire un livrable de conseil en politique publique par thème (6 au total), qui seront des références auprès des acteurs du développement de la Réunion. Nous accordons aussi une importance majeure à ce que l’association peut apporter aux membres, grâce à la construction d’un véritable réseau qui peut faciliter la recherche d’emploi et permettre de nouvelles manières de penser la Réunion ! La période de recrutement est ouverte jusqu’au 31 novembre, profitez-en !

Quels conseils donneriez-vous aux Réunionnais qui comme vous souhaiteraient rentrer sur l’île ?

Je dirais qu’ils ont cette chance aujourd’hui d’avoir un véritable réseau qui se crée en faveur du retour. Nous devons travailler ensemble pour le renforcer et permettre à encore plus de Réunionnais de revenir au péi !


+ d’infos sur : www.facebook.com/thinktankreunionnais / www.facebook.com/retourpei

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