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Valérie Chane Tef : pianiste réunionnaise à Bordeaux

Publié le 29 mars 2021

« Après 20 ans dans l’hexagone, la Réunion me manque énormément ! » A la tête du trio Akoda (jazz créole), Valérie a renoué avec son île à travers la musique. Elle fait un point d’étape sur son parcours.


Pouvez-vous vous présenter ?

Valérie Chane Tef, 42 ans, diplômée du Conservatoire National de Région à Bordeaux en piano et en formation musicale, diplômée en Musicologie à la faculté de Bordeaux. Je suis pianiste, musicienne professionnelle et compositrice, intermittente du spectacle.

Racontez-nous votre parcours.

J’ai grandi jusqu’à l’âge de 8 ans à Saint-Benoit (l’âge où j’ai commencé le piano), puis de 8 à 17 ans à Saint-Denis. J’ai quitté l’île juste après l’obtention du Baccalauréat pour poursuivre mes études de musique à Bordeaux. Je suis arrivée avec un oreiller confectionné par ma grand-mère maternelle, que j’ai toujours aujourd’hui ! J’ai ensuite enseigné la musique en Collège pendant deux ans en Dordogne, avant de devenir pianiste professionnelle dans diverses formations. De nombreuses rencontres musicales m’ont permis rapidement de partir en tournée dans de nombreux pays et de me former sur le terrain avec des artistes reconnus.


Avez-vous des anecdotes à partager ?

J’ai été sélectionnée en 2017 pour représenter La Réunion en tant que pianiste-compositrice sur la scène nationale de La Martinique. C’était un honneur pour moi de défendre la culture réunionnaise aux cotés d’artistes étrangères et de partager ma musique avec d’autres musiciens. En 2018 et pour mes 40 ans, j’ai présenté le premier album ade mon groupe AKODA au public réunionnais. Un moment inoubliable… et un rêve réalisé pour moi de venir jouer ma musique dans l’île où je suis née ! Après des EP, le trio Akoda a sorti en 2019 son premier album 100% jazz créole, intitulé "Muzik Pou Lo Kèr".

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

D’abord les avantages : j’avais une volonté de m’émanciper du haut de mes 17 ans, de prendre mon envol ! Ce départ m’a aidé à à m’adapter rapidement à toutes situations et être autonome en-dehors du carcan familial. Ça m’a permis de découvrir d’autres univers, d’autres cultures et d’autres musiciens. En tant que Réunionnaise, on arrive avec une culture forte à défendre, et avec d’autres coutumes. Le point fort de la Réunion c’est la pluralité et la mixité culturelle. L’éloignement m’a fait prendre conscience de cette mixité, de l’importance de mes racines et de la richesse de mon héritage culturel, son impact sur ma personnalité...


Les inconvénients : venant d’une « petite île », j’ai été confrontée à pas mal de stéréotypes négatifs. Donc j’ai du me défendre parfois. Cela a aussi déclenché en moi cette volonté de porter haut et fier ce que je suis. Ça a suscité l’envie de m’affirmer. Au départ par souci d’intégration, j’ai adapté inconsciemment ma personne à l’environnement. Mais au fil du temps je me suis aperçue que je m’étais éloignée de ma culture. La maturité et mon parcours de musicienne m’ont amené à réfléchir sur mes origines et à me questionner sur mon identité culturelle. J’ai dû apprendre à redécouvrir ma propre culture...

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Je vis dans la région bordelaise, une région très attractive et qui a l’avantage d’être près de la frontière espagnole, des Pyrénées et de l’océan. Je garde contact avec ma famille et quelques amis d’enfance. La famille, le métissage culturel, la richesse culinaire me manquent…


Quels sont vos projets ?

Voyager ! Rencontrer des personnes venant d’autres cultures, tourner dans divers pays, composer ma musique, la partager au maximum. Rester en contact avec ma culture !

Qu’est-ce qui pourrait vous convaincre de revenir habiter à la Réunion ?

Il n’y a pas à me convaincre ! Je suis en train de m’organiser professionnellement parlant pour revenir petit à petit sur l’île.


Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

Depuis ces 20 dernières années, l’île est pleine mutation et on assiste à une évolution des mentalités. L’essor du tourisme et l’arrivé massive de personnes engendre deux points différents : D’un coté le développement de l’économie (emplois, besoins en compétences...), la rénovation d’infrastructures, l’ouverture vers l’extérieur, l’accessibilité et la visibilité du patrimoine. D’un autre côté une saturation des axes de communications, une occidentalisation des pensées amenant une perte des valeurs, des coutumes. Donc, je perçois une forme de clivage entre les défenseurs du tourisme de masse et ceux qui pensent que ça étouffe la culture réunionnaise.


+ d’infos : https://valeriechanetef.com / www.facebook.com/valeriechanetefmusic / https://soundcloud.com/user-729097076/sets/muzik-pou-lo-ker

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