Publicité

Vincent Robert : entrepreneur à Lyon, Tunis, la Réunion

Publié le 14 novembre 2019

Il a entrepris de valoriser la terre familiale à Saint-André en créant « Les Arrangés de Bellevue », après une carrière de sous-officier et de nombreux voyages. Portrait.


Pouvez-vous vous présenter ?

Vincent Robert, 35 ans, originaire de Saint André. Ma famille est une famille des hauts, agriculteurs depuis plusieurs générations. J’ai grandi dans les champs de canne, sacré terrain de jeu pour un enfant. Puis c’est devenu à l’adolescence un devoir familial d’entraide. J’ai un frère et une sœur, respectivement à Paris et à Saint André. Mes parents vivent une retraite bien méritée dans la maison familiale. Je suis diplômé de l’école supérieure et d’applications des transmissions (Cesson Sevigné), multi-entrepreneur.

Quel a été votre parcours de "mobilité" ?

Ne trouvant pas de modèle d’études supérieures adapté, et après avoir enchaîné des petits boulots assez ingrats, j’ai quitté l’île à l’âge de 18 ans. Je me suis engagé comme sous-officier dans l’armée de terre et j’ai dit adieu à ma famille. Je n’avais à cette époque jamais quitté l’île. J’ai le souvenir de mon arrivée à Roissy et d’un trajet avec les autres réunionnais et ultra marins (tahitiens, guadeloupéens, martiniquais…). On aurait dit un vrai remake du film Rasta rocket !

Quelles ont été vos premières impressions ?

Je n’avais jamais envisagé que le territoire métropolitain puisse être aussi diversifié, avec des régions marquées de différentes cultures, accents, langues, terroirs… J’ai eu cette chance en tant que jeune « expatrié », de résider dans une caserne et de profiter des invitations récurrentes de mes camarades métropolitains. Plus je rencontrais ceux qui allaient devenir mes amis, plus je me rendais compte que nous étions proches, tous persuadés d’être originaire du plus bel endroit en France. J’ai pu faire l’apprentissage de ces cultures, tout en partageant la mienne, ce qui m’a valu un accueil extrêmement chaleureux.

Père et fils

Et ensuite ?

L’expérience s’est renforcée aux fils des années, car ma carrière militaire m’a amené à vivre à l’étranger : Kosovo, Liban, Guyane, Brésil… Aujourd’hui, je vis encore cette pluri culturalité à travers mes voyages d’affaires, notamment au sein de ma société basée à Tunis. Après avoir quitté l’armée de terre, je me suis en effet orienté vers l’aménagement du territoire. Je voulais laisser une trace de mon passage et contribuer à l’amélioration du bien-être général. En 2013, METIS bureau d’études spécialisé a vu le jour. Aujourd’hui il compte 42 collaborateurs repartis en France et à Tunis. Je suis particulièrement attaché au développement d’un plateforme collaborative nommée GOTMI, permettant la coordination des travaux sur les territoires, qui a récemment remporté un pris à la Ville de Paris (DATACITY).

Où habitez-vous ?

Je suis principalement basé à Lyon. Bien que la vie en ville commence à ne plus correspondre à mes attentes, j’apprécie encore de travailler au cœur d’une des métropoles françaises les plus dynamiques. Lyon est une ville agréable et riche en opportunités ! Au passage, je recommande le collectif Ti Kaniki basé à Lyon, groupe de maloya qui joue régulièrement dans la ville en compagnie d’artistes du monde et de la Réunion !

Qu’est-ce qui vous manque de votre île ?

Mes parents, ou du moins pouvoir être présent au moment où ils commencent à en ressentir le besoin. Passer de moments avec mon frère et ses enfants. Aujourd’hui encore, le pilon de mon grand père ainsi que la marmite de ma grand-mère, accompagnent presque tous mes caris du dimanche. Il me reste encore pas mal de choses à faire et à voir, mais comme je le dis souvent : «  ma ferme mon zieu ou ça ma lé né, mais seulment laisse mon cheveu blanchi enkor un peu… »


Parlez-nous de votre projet à la Réunion.

Il est arrivé naturellement, par mes retours dans l’ile, et me permet de devenir un ambassadeur de la Réunion. « Bellevue » est le nom du domaine familial, qui produisait essentiellement de la canne à sucre à l’usage de l’industrie sucrière de l’île. La valeur ajoutée réalisé sur la vente de la récolte était faible, car les produits étaient non transformés. Mon souhait est de revaloriser les activités artisanales et familiales en les revalorisant. L’ensemble du projet repose sur cette vision mêlant tradition, innovation et engagement.

Présentez-nous les « Arrangés de Bellevue ».

En créole réunionnais « arrangeur » signifie « qui répare ». Un arrangeur de tradition, prend donc deux significations : L’une pratique, car l’objet de la société est de composer des rhums arrangés, c’est-à-dire élaborer des compositions de rhum et de fruits ou épices qui seront l’objet d’une macération contrôlée. L’autre symbolique, car l’arrangeur, « répare » les procédés ancestraux, en mettant en valeur des savoir-faire en voie de disparation ou innovants.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

J’ai porté longtemps un regard assez critique sur ce point, ayant personnellement dû quitter l’île pour entrevoir d’autres opportunités. Je remarquais que le peu valeur créée localement disparaissait au profit des métiers instables des services, un niveau de vie dopé par des fonds européens, une situation de l’emploi catastrophique et des orientations d’aménagement en contradiction avec mes valeurs, plutôt orientées mobilités douces, environnement, économie circulaire… Mais depuis deux ans, je me réconcilie avec l’île, car j’observe des hommes et de femmes qui portent des projets inspirants (exemple Alexis Payet et Rivière), un retour à un consommation raisonnée, et des politiques publiques en accord avec mes principes.



- + d’infos sur https://rhum-bellevue.fr / www.facebook.com/contactbellevue
- Voir le profil de Vincent Robert : www.reunionnaisdumonde.com/membre/vincent-robert
- Plus d’infos sur les entrepreneurs réunionnais dans le monde / les portraits "Spécial Retour"


Publicité