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Viola Nourry, cadre chez BNP Paribas au Bahreïn

Publié le 31 mars 2022

Elle a suivi son mari dans un royaume où elle n’a pas eu de mal à trouver un emploi dans le secteur bancaire, florissant dans ce pays situé entre l’Arabie Saoudite et le Qatar. Originaire de Sainte-Suzanne, Viola nous décrit son parcours et le lien qu’elle maintient avec la Réunion.

"La vue de mon bureau"

Pouvez-vous vous présenter ?

Née en Allemagne de père réunionnais et de mère allemande, j’ai passé une partie de mon enfance et de mon adolescence à Sainte-Suzanne, ville de mon père. Je travaille depuis 16 ans pour le pôle banque d’investissement et de financement de BNP Paribas à Bahreïn, d’où je couvre la zone Moyen-Orient et Afrique.

Racontez-nous votre parcours.

Après de brèves études en commerce international, je me suis rapidement lancée dans une activité commerciale en free-lance dans la zone Asie du Sud-Est et Pacifique pour une marque de luxe française de vêtements. Ensuite pause bébé en Australie et retour à La Réunion avec mon mari. Nous voulions que notre fille commence sa scolarité à La Réunion...

"Journée internationale" au bureau

Quand mon mari a voulu repartir de la Réunion en 2006 pour monter une affaire à Bahreïn, j’ai démissionné de mon poste chez BNP Paribas sur l’île pour le suivre. Notre fille avait tout juste 10 ans. J’ai pris quelques mois de pause professionnelle pour être plus présente pour elle, et m’assurer que son intégration se passe bien. Une fois rassurée sur ce point, j’ai commencé à ressentir l’envie de reprendre une activité professionnelle. J’ai tout naturellement frappé d’abord à la porte de BNP Paribas. La banque recherchait un « Business Manager » pour soutenir ses équipes commerciales et monitorer la performance du portefeuille clients et me voilà.

Comment se sont passés vos débuts au Bahreïn ?

J’ai dû apprendre une nouvelle langue ! Je ne parle pas de l’anglais mais du jargon professionnel d’une banque d’affaires. Mon premier « marketing meeting » était un dimanche matin - au Moyen-Orient, la semaine de travail commence le dimanche et se termine le jeudi. Il réunissait les commerciaux chargés de relation et experts produits. Alors que tout le monde parlait en anglais, j’ai été assez choquée de ne comprendre que des bribes d’échanges, tant les sigles et les noms de produits m’étaient inconnus.


Passé le premier choc du jargon, je me suis lancée passionnément dans l’apprentissage de mon nouveau métier. J’ai adoré la transversalité des tâches : monitoring des performances commerciales, du management de projets avec l’implémentation de nouvelles initiatives locales ou celles dirigées par le groupe, le support technique de certaines applications et formation des équipes, la conception et l’organisation d’offsites dans la région qui m’a donné l’occasion de rencontrer les équipes à travers la région : de Bahreïn à Johannesburg en passant par l’Arabie Saoudite et les Etats Arabes Unis…

Et ensuite ?

Il y a cinq ans, la banque m’a proposé un nouveau défi : créer de toute pièce une petite structure de data analytics au Bahreïn pour couvrir la région. J’ai dû démanteler mon équipe et transférer nos tâches à d’autres services pour créer cette structure. Là aussi, j’ai dû apprendre une nouvelle langue, celle des datas et des nouveaux outils de préparation de données, data blending et de visualisation de données. Ça a requis un énorme investissement personnel mais le jeu en valait la chandelle. Je suis fière de ce que j’ai pu construire avec ma toute petite équipe pour nos collègues de la région. En 2018, la banque a transféré l’équipe qui avait repris les tâches de mon ancienne équipe à nouveau sous ma responsabilité. Depuis, ces deux équipes complémentaires travaillent en parfaite synergie.    

 

Quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

Bahreïn est une île située entre l’Arabie Saoudite et le Qatar. Il y règne une certaine douceur de vivre. Les Bahreïnis sont un peuple très ouvert et très agréable. C’est sûrement dû à leur passé commerçant. Situé entre l’Indus et la Mésopotamie, Bahreïn est un carrefour commercial depuis plusieurs siècles avant l’ère chrétienne. De nombreux vestiges archéologiques attestent d’un passé extrêmement riche. Il y a aussi une large population d’expatriés qui vivent tous en harmonie les uns avec les autres. Ce melting-pot me rappelle La Réunion.

Quelle est la situation économique du royaume ?

Après la crise de 2008, celle du printemps arabe de 2011 et la chute du prix de pétrole en 2014, la crise du COVID finit de mettre à mal l’économie du Royaume. L’économie bahreinie est largement dépendante de la manne pétrolière (55% des recettes budgétaires et 42,6% des exportations) même si elle est une des plus diversifiée du Golfe. Les services financiers constituent le deuxième secteur de l’économie du royaume. La fintech est un secteur en croissance. Le pays compte aussi fortement sur le tourisme. Nombreux sont les Saoudiens qui, les week-ends, traversent le pont qui relie les deux pays. La construction de celui qui doit relier l’île au Qatar devrait commencer prochainement. Le secteur manufacturier est également un poids lourd de l’économie bahreïnienne (fonderie d’Aluminium of Bahrain (Alba) et le complexe pétrochimique de Gulf Petrochemical Industries Co). Leur activité impacte malheureusement souvent la qualité de l’air dans le Royaume.


Aujourd’hui quels sont vos projets ?

Je veux continuer encore quelques années à développer mon activité actuelle. Il y a toujours quelque chose de nouveau à faire, de nouveaux projets à soutenir pour la banque d’un monde qui change... Nous voulons donner à nos utilisateurs toujours plus d’accès aux données de différentes sources, de mises en perspectives et leur fournir des plateformes en ligne, bien sûr dans le respect de la protection des données. Les besoins d’aujourd’hui ne sont pas ceux de demain et il faut constamment s’adapter aux besoins du business pour donner la plus grande valeur ajoutée à nos utilisateurs.

 

Que vous a apporté l’expérience de la mobilité ?

Cette mobilité m’a permis d’arriver à des fonctions et d’obtenir une expérience que je n’aurais pas eu la chance de trouver dans un petit territoire comme la Réunion. Je me rappelle d’anciens collègues sur l’île, frustrés de ne pouvoir accéder à de plus hautes fonctions en local, mais pas prêt à quitter leur confortable environnement. Je savais déjà alors que qui ne tente rien n’a rien. Il faut oser aller chercher ailleurs et se dépasser si on sent que son potentiel peut encore être développé et que l’on a plus à offrir. Je dirais que c’est encore plus vrai pour une femme. 

Pipeline de pétrole

Qu’est-ce qui pourrait vous convaincre de revenir habiter à la Réunion ?

Le temps... je prévois bien de revenir un jour. J’y ai investi dans l’immobilier. D’ici là, j’espère que des solutions auront été trouvées pour fluidifier la circulation dans l’île. Les embouteillages incessants sont prohibitifs à toute envie de revenir m’installer dans l’île ! 

Qu’est-ce qui vous manque de votre île ?

D’abord les parents et les amis puis l’incroyable nature, les reliefs et la biodiversité, sa cuisine et une partie de la culture créole. J’ai gardé contact avec certains de mes dalons du collège et du lycée, et des amis que je me suis fait à la banque à La Réunion ou au Moyen-Orient. Beaucoup sont partis à l’autre bout du monde aussi, en Europe, Costa Rica, Canada, Asie du Sud-Est. 

Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

Mon panier de plage "Ile de La Réunion" vient du marché de Saint Paul, mon paréo margouillat d’une boutique de Saint Gilles… C’est ma façon à moi de faire la promo de mon île les week-ends. Bien sûr, des épices reviennent avec nous à chaque voyage à La Réunion ainsi que des pièces de boucanés et des saucisses fumées. Et j’ai aussi ramené avec moi les CD de Dominique Barret, Davy Sicard et Maya Kamaty !


Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

La Réunion est très peu connue au Moyen-Orient, contrairement aux Seychelles que les familles régnantes de la région fréquentent régulièrement. L’accès en avion y est plus simple que La Réunion et les Seychelles sont anglophones. 

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

Il est contrasté. L’hyper-consumérisme, l’obésité des jeunes réunionnais, la culture sucrière au glyphosate, les interminables embouteillages et le manque de perspective pour beaucoup de jeunes sont extrêmement navrants. L’évolution d’un territoire est plus frappante quand on ne la voit pas au quotidien mais que l’on revient régulièrement au pays.


D’un autre côté, je vois avec intérêt l’émergence de toute part de recherche de solutions plus écologiques et durables mais aussi innovantes. Beaucoup plus de politiques et d’acteurs économiques intègrent ces considérations dans leur stratégie et actions. Lors de ma dernière visite à La Réunion, en pleine restriction de déplacement liée au COVID, j’ai fait plus de ballades sur le littoral de l’Est et j’ai pu réaliser à quel point celui-ci a été embelli !

Je souhaite succès au collectif Oasis Réunion qui milite pour une agriculture raisonnée. J’espère que leur manifeste récoltera énormément de signatures. Je me réjouis de la création du téléphérique Papangue. Le test PCR RunCov développé par le CIRAD et Reuniwatt qui exporte son savoir-faire en permettant, grâce à leurs instruments de prévisions, de mieux gérer la production d’énergie de centrales solaires peuvent rendre les Réunionnais fiers. La Réunion a de tels atouts... c’est les tropiques en Europe !


Voir le profil de Viola Nourry / + de portraits de Réunionnais dans le secteur de la BANQUE

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