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Wilson Martial : « La vie peut basculer à tout moment »

Publié le 31 mars 2013

Séropositif depuis 2009, Wilson a décidé d’arrêter un traitement en trithérapie trop lourd. Installé à Rillieux-la-Pape près de Lyon, ce jeune Réunionnais de 28 ans aujourd’hui atteint du sida adresse un message de prévention à tous, à l’occasion du Sidaction 2013.

Wilson Martial : « La vie peut basculer à tout moment »
"J’ai décidé de ne plus suivre de traitement. Pour moi, ce n’est pas un abandon face à la maladie, c’est une décision réfléchie."

« Je suis Jean Wilson MARTIAL et je vais vous raconter mon histoire… Je suis né à La Réunion le 20 avril 1984 à 04h20 du matin. J’y ai passé toute mon adolescence. A l’âge de mes 18 printemps, je n’ai pas choisi la France Métropolitaine, mais j’ai fuit La Réunion. Je m’explique. En effet, je savais pertinemment que je n’allais pas être heureux juste parce que j’aimais les hommes. Pour moi, il était impossible de tricher avec une femme pour les simples us et coutumes de mon Île. En 2002, sûr de mon choix, j’arrivais à Lyon pour y effectuer des études d’anglais et de sciences politiques, mais aussi pour prendre de l’assurance et vivre librement une belle histoire d’amour et ma vie. Après mes études, je commençais une carrière chez McDonald’s en septembre 2005. En parallèle, je menais une sorte de double vie car j’encadrais des jeunes catholiques durant leur parcours spirituel. J’y ai consacré trois années au cœur de la banlieue de Rillieux-La-Pape (autour de Lyon). En juillet 2009, je décide de me consacrer un peu temps après ces trois années intensives, mais tellement riches en expériences humaines. Les gens de Rillieux et les jeunes savaient que je voulais réfléchir quelques années sur ma volonté de devenir prêtre…

… Mais le destin a décidé de se mêler du sort de cette liberté tant recherchée. Avant de développer le reste, je tiens à affirmer que j’ai mis mes parents au courant de mon homosexualité mais on n’en a plus reparlé jusqu’à cette date fatidique du 7 Septembre 2009. De plus en plus fatigué, je me suis dit que ça allait passer. Mais ce qui s’est passé, c’est qu’en faisant le test de séropositivité, alors que j’étais avec un homme rencontré en juin 2009, je suis tombé de haut lorsque le Dr spécialiste m’a affirmé que j’étais bel et bien séropositif. Ce jour là, c’est comme si la nuit arrivait avec son lot de nuages grisonnants. A 25 ans, j’apprenais que la fellation peut être contaminante… Au moins, je peux affirmer aujourd’hui que je le sais. Mais malgré tout, j’ai l’intime conviction que beaucoup de couples font la fellation sans aucune protection…

Depuis ce rdv du 07 Septembre 2009, s’est enchaîné un parcours du combattant certainement trop lourd pour mes jeunes épaules. Mon infectiologue d’origine Ivoirienne m’a déconseillé d’en parler aux gens qui seraient susceptibles de me juger, par la peur mais aussi par la non-connaissance de cette maladie. Pour moi, en vérité, il fallait annoncer la terrible nouvelle à mes parents. Je ne pouvais pas vivre avec ce nouveau fardeau tout seul. J’ai préféré être honnête et surtout transparent pour ne pas avoir des réactions ou des questions à longueur de temps...

Je comprends aussi que c’est un choc d’apprendre qu’un membre de sa famille est très malade. On pense toujours que ça n’arrive qu’aux autres mais lorsque l’on y est confronté, c’est totalement différent. Aujourd’hui l’expérience de la vie m’a fait comprendre que le temps et les événements sont nécessaires dans le processus d’acceptation et de non jugement. J’étais aussi et il faut le dire, dans une période de crise et de colère mêlées à l’éternelle question ‘Pourquoi moi’. J’ai donc préféré garder mes distances afin de me protéger et de ne pas tomber dans la spirale puissante de dépression suite à une nouvelle très grave.

Si je dois imager ce que j’ai ressenti à l’époque, c’est comme-si j’étais accroché au bord d’un précipice et que je n’avais aucune main qui me venait en aide… J’en avais marre d’entendre à la Réunion comme en Métropole, les préjugés ou les paroles dénuées de sens comme ‘Si tu as le Sida c’est parce que tu es homo’ ou encore ‘C’est une punition divine…’ Il ne faut pas croire qu’en Métropole les gens sont forcément plus tolérants à l’égard ce fléau qui nous ronge et met l’amour à mort. C’est pour cela qu’avec l’énergie qui me reste, je me bats pour informer les gens sur cette maladie et soulever ce voile de la peur qui peut gêner les gens qui veulent nous soutenir mais ne savent pas comment faire. J’ai institué volontairement une coupure car je savais que j’allais perdre pied et il fallait que je me concentre sur l’aspect physique de cette maladie.

Pour la santé physique, les complications de la maladie ont pointé le bout de leur nez. Aujourd’hui en 2013, je suis au stade avancé de la maladie ou au stade Sida, qui est la phase terminale de ce virus. Attention, on ne meurt pas du Sida mais d’autres maladies opportunistes qui nous attaquent quand on n’a plus de système immunitaire.

Avec le recul des années, j’ai vu la réaction des gens qui n’est pas facile à supporter en plus. J’ai assisté, à ce que j’appellerai, un décès social (plus de travail, moins d’amis, finances réduites…). La maladie n’est pas que physique... C’est une goutte d’eau qui fait vibrer l’océan de votre vie mais aussi de celle des autres à qui vous êtes liés et reliés par le sang et/ou par le coeur. Aujourd’hui, j’accepte mon destin et je sais que je me suis battu de toutes mes forces contre cette maladie et toutes ses affections et infections… Mais je n’en peux plus de toutes ces souffrances et je sais que je n’aurai pas la force nécessaire de vivre avec tout ça. Alors, je le dis, persiste et signe, je préfère partir pour l’au-delà…

Alors, j’ai décidé de réaliser mes rêves les plus fous en parcourant pour la deuxième fois la planète… La personne humaine et l’amour étant des valeurs essentielles à mon bien être, j’ai gardé contact avec mes amis étrangers rencontrés à la résidence Universitaire de Lyon 5ème entre 2002 et 2005. J’ai de la chance de les avoir à mes côtés. Ils sont au courant de mon état de santé dans tous les détails. Il faut dire que je suis un livre ouvert et pense que la sincérité est une grande qualité qui nous permet d’éviter bien des déboires... Je n’ai jamais été aussi bien accueilli chez eux. D’ailleurs, sur les huit derniers mois, ils m’ont permis de les revoir en Allemagne, au Brésil, au Canada et à Las Vegas…

Je tiens aussi à remercier de tout mon cœur, ma sœur, son mari et aussi à mon petit Dadounet. Ils représentent, pour moi la concrétisation de l’esprit familiale et d’entraide. Merci aussi à mes deux ‘mamans’, Frédérique et Mi-Jo, deux dames âgées de 60 ans et plus, avec qui nous avons créée des liens très forts. Merci à mes amis, Régis, Benjamin, Pédro, Mikhail, Alexandre, et toutes les personnes qui m’entourent et m’accompagnent comme mon Père Spirituel, L’abbé de Morand. Merci aussi à toute ma famille et à mes liens de cœur que j’aurais pu oublier. Pour finir, je tiens à remercier de tout cœur, mon compagnon qui me soutien sous toutes les formes et qui est dans l’ombre et la lumière notre Amour. Je suis heureux d’avoir pu vivre une très belle histoire d’amour quelquefois secouée par la maladie. Si cela n’est pas de l’amour, alors je me serais trompé sur son sens.

Je n’attends pas la mort sur mon lit et essaie de réaliser et de vivre mes plus grands rêves afin de ne pas avoir de regrets et de partir le plus en paix possible... Je suis donc allé deux fois à Las Vegas pour voir Céline Dion (dont je suis un grand fan) au Ceasars Palace. C’est certainement la raison pour laquelle je suis toujours là, j’attends de pouvoir rencontrer la star internationale ! Et ça, ça serait juste incroyable… mais même la tête dans les étoiles, j’ai bien compris avec ce fléau, la valeur et l’importance des gens autour de moi. J’ai aussi appris à réécouter mon corps et à être attentif à son état…

Aujourd’hui, je me sens mieux et beaucoup plus en paix avec moi-même grâce à l’aide de mon équipe médicale, qui continue à me suivre et avec laquelle j’ai développé d’autres liens que de l’amitié…
Alors, j’ose mettre quelques rayons de soleil dans ce même ciel de nuit orageux et gris qui marque la naissance de ce virus au plus profond de moi et qui ne me quittera certainement plus jamais… Je vous écris de l’hôpital où j’ai du me faire opérer en urgence hier de plusieurs complications. Il est 05h30 du matin et j’essaie de me reposer le plus possible. Les interventions se sont bien déroulées alors, je remercie tous ces médecins qui m’ont donné la possibilité de vivre mes derniers moments sans trop de souffrance.
J’espère que ce témoignage traversera les frontières et aidera les gens à mieux comprendre la maladie dans son ensemble…

Aujourd’hui, mon corps est ma prison et je vais le quitter sans regret. J’ai déjà organisé mes obsèques ; je serai enterré au cimetière de Rillieux-la-Pape. J’ai eu le temps de vivre une belle histoire d’amour, de voyager, de rencontrer des gens de tous les pays. Et j’espère que mon message de prévention me survivra. »

Jean Wilson MARTIAL, 28 ans


Lire aussi :
Wilson Martial, choisi pour représenter McDonald’s France aux JO de Pékin (2008)
Article paru dans le Quotidien du 11 juin 2009

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