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Yannick Vandomel, ingénieur chez Airbus à Toulouse

Publié le 9 novembre 2021

Il travaille sur le F10X, nouveau Jet Falcon de Dassault Aviation sur le marché des avions d’affaires haut de gamme. Yannick Vandomel nous décrit son parcours et le lien qu’il garde avec la Réunion.


Pouvez-vous vous présenter SVP ?

Yannick Vandomel, 45 ans. Je suis originaire de Saint-Denis où j’ai vécu jusqu’à l’âge de 22 ans, avant de quitter la Réunion et commencer mon exil. Aujourd’hui, je suis Ingénieur Aéronautique et je travaille chez Stélia Aerospace au sein du groupe Airbus. Je suis en charge du développement et de la définition technique de certains éléments du futur Falcon F10X de Dassault Aviation. Plus globalement, j’interviens sur différents projets en phase de développement ou en suivi série de la production, en tant qu’ingénieur chef de projet en France et dans le cadre de collaboration avec des partenaires à l’étranger.

Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter l’île ?

J’ai terminé mon BTS en Mécanique et Automatismes Industriels en 1997 et je me posais beaucoup de questions sur les choix d’orientation qui s’offraient à moi. Est-ce que je continue mes études en Licence à la Fac ? Est-ce que je pars faire une école d’ingénieur en métropole ? Ou est-ce que je cherche un emploi ? C’est là que mon meilleur ami m’a parlé de la possibilité de faire une formation en Aéronautique au Québec. Le Conseil Régional de La Réunion avait créé un partenariat avec l’OFQJ (Office Franco-Québécois pour la Jeunesse) permettant à 12 jeunes Réunionnais de pouvoir se former aux Métiers de l’Aéronautique.

Photo : Dassault Aviation

Qu’avez-vous fait ?

Mon meilleur ami et moi avons postulé et avons été sélectionné pour cette première promotion. C’est ainsi que début janvier 1998, je suis parti pour un premier long exil loin de mon île. Cette période de l’année correspond à l’été à la Réunion mais à l’hiver au Québec... Mais surtout 1998 fut l’hiver de la grande tempête de verglas au Québec. Pour l’anecdote, dans l’avion qui nous menait au Québec, nous avons eu la diffusion du film « Rasta Rocket ». Nous avons été marqués par la scène où les Jamaïcains sortent de l’avion alors qu’il y a une tempête de neige à l’extérieur et rentrent dans l’aéroport de Calgary pour enfiler tous les vêtements disponibles dans leurs valises. A l’arrivée sur place, nous avons eu l’impression de revivre nous-même cette scène ! On s’est tous regardé et on s’est dit « voilà le remake » !

Et ensuite ?

Ce fut une année hyper enrichissante à tout point de vue. La formation était vraiment complète et d’excellent niveau, me donnant les outils que j’allais utiliser tout au long de mon parcours professionnel. Après cette solide formation, j’avais la possibilité de trouver un emploi au Québec et de m’y installer. Mais j’avais besoin de rentrer pour me ressourcer. J’ai repris mes études à l’Université de la Réunion en Licence Techno Mécanique à la rentrée de septembre 1999. Puis en janvier 2000, mon ami m’a de nouveau sollicité pour un emploi à Poitiers... comme quoi la diaspora réunionnaise fonctionne.


J’ai envoyé mon CV et j’ai passé mon entretien par téléphone, ma candidature a été retenue. J’ai sollicité le CNARM pour m’aider dans cette mobilité, tout est allé très vite. Une semaine plus tard, j’étais à Poitiers et je commençais à travailler : d’abord sur la conception des outillages de contrôles pour l’automobile, puis six mois plus tard au Havre chez Hurel-Hispano dans le développement d’un Inverseur de poussée innovant pour l’A380. Un an plus tard je suis arrivé à Toulouse où j’ai été embauché chez Airbus pour faire de l’Installation des Systèmes dans les Mât moteur de l’A380. Depuis, j’ai travaillé sur différents projets au sein d’Airbus, des programmes séries comme la famille des monocouloirs A320-A321, des longs courriers A330-A340 ou des programmes en développement comme l’A380 et l’A350. Et maintenant sur ce nouveau projet de Business Jet pour Dassault Aviation : le F10X.

Aujourd’hui quels sont vos projets ?

Mes projets sont de continuer à m’épanouir dans ma ville d’adoption, « Toulouse », participer aux nombreux projets à venir dans le domaine de l’aéronautique, un secteur très impacté par la crise sanitaire, mais qui j’en suis certain a encore un avenir prometteur. Des progrès sont attendus dans bien des domaines : technologique, énergétique, environnemental, social et sociétal. J’espère faire partie de cette génération qui va œuvrer pour améliorer la performance des avions et par la même réduire l’empreinte carbone.

Photo : Dassault Aviation

Qu’est-ce qui pourrait vous convaincre de revenir habiter à la Réunion ?

Un projet professionnel ambitieux dans le domaine de l’Aéronautique, qui me permettrait de mettre au profit de mon territoire mes expériences et mon savoir-faire. J’ai la volonté de transmettre. C’est important pour notre jeunesse de disposer de retour d’expérience bien vécu et assumé. La Réunion doit s’intéresser à ses forces vives qui font sa fierté sur tous les continents pour construire le monde de demain, j’en suis certain.

Quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

Je vis à Toulouse, dans une région dynamique en constante évolution. C’est une ville attachante à bien des égards où j’ai noué de fortes amitiés chaleureuses et fraternelles. La vie est agréable et on s’y sent bien. Géographiquement, on est proche des Pyrénées et quasiment à mi-chemin entre la Méditerranée et l’océan Atlantique. Les Toulousains sont très chauvins surtout en ce qui concerne le Stade Toulousain. Heureusement pour moi, je suis aussi un fan de rugby que j’ai pratiqué dans ma jeunesse en suivant les traces de mon frère ainé. J’ai plaisir à regarder les matchs du Stade Toulousain.

Quels liens gardez-vous avec la Réunion ?

La musique me suit toujours, la cuisine que je fais découvrir autour de moi, et cette joie de vivre si communicative que nous îliens partageons bien volontiers. J’ai des contacts avec des Réunionnais sur Toulouse avec qui je travaille. D’autres sont des amis proches et certains sont rentrés s’installer à La Réunion fort de leurs expériences. Malheureusement, on ne se voit pas aussi souvent que l’on voudrait. La Réunion me manque, sa chaleur, sa beauté, ses couleurs, sa diversité et surtout sa tolérance. Nous avons un art de vivre ensemble qu’il faut préserver. Il faut aller plus loin aujourd’hui et développer davantage le « faire ensemble ».

Photo : Dassault Aviation

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

La Réunion a de nombreux atouts de développement économique de par sa situation dans l’Océan Indien. Elle est au confluent de deux continents : l’Asie qui joue un rôle majeur dans l’économie mondiale et l’Afrique en plein développement. La situation géopolitique de La Réunion est très intéressante, nous sommes sur un axe maritime et aérien très stratégique. Longtemps nous avons bâti notre relation et nos échanges avec le continent et l’Europe. Fort de cette richesse et des progrès sociaux acquis, la Réunion doit faire davantage avec son environnement géographique proche, elle doit être une plaque tournante dans la région et le porte-drapeau de La France et de l’Europe. Cela passe par une plus grande ouverture sur les marchés de la zone (Afrique du Sud, Madagascar, l‘Ile Maurice, l’Inde, la Chine…). Elle doit axer ces efforts en faveur de la Recherche et de l’Innovation en s’appuyant sur ces atouts : une jeunesse de mieux en mieux formée et le soutien dont elle bénéficie de La France et de l’Europe. La stratégie doit être davantage régionale, avec des collaborations dans tous les domaines à forts enjeux : économiques, environnementaux et sociaux qui auront un impact significatif pour le territoire.

Avez-vous un exemple ?

Je suis ravi de voir que la Réunion porte aujourd’hui par le biais de l’association Aérotech-oi un projet ambitieux pour le secteur de l’aéronautique qui fédère à la fois des acteurs de l’avion civil et militaire. Les travaux d’agrandissement et de modernisation de l’aérogare passager et du fret montrent aussi une volonté de renforcer et de sécuriser la connectivité aérienne, essentielle au développement économique, grâce à des infrastructures de niveau internationale.

Que vous a apporté l’expérience de la mobilité ?

La mobilité m’a permis de me développer professionnellement et personnellement. J’ai quitté le cocon familial pour me découvrir moi-même en tant qu’homme. Je me suis ouvert aux autres et j’ai beaucoup appris sur moi. Je me suis enrichi des différences sociales, sociétales, et culturelles. Le fait d’être originaire de la Réunion a beaucoup facilité mon insertion. Avoir été imprégné de tant de diversité culturelle et de tolérance a été une vraie force pour comprendre mon environnement et m’intégrer partout où je suis allé. Il faut aussi reconnaître que tout cela a été possible grâce aux dispositifs mis en place à La Réunion pour permettre aux jeunes de partir se former et s’installer. L’inconvénient, si on peut parler d’inconvénient c’est le déracinement violent qu’on peut ressentir loin de l’île. C’est une vraie difficulté à surmonter, mais nous sommes une famille très unie. J’ai pu compter à chaque étape de ma vie sur le soutien de mes proches. Je ne serais pas arrivé là si je n’avais pas eu le soutien de ma famille, de mon frère ainé qui a été par son parcours très inspirant.


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