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Yannis Payet, fonctionnaire au Ministère de la Transition écologique et solidaire à Paris

Publié le 25 octobre 2019

« En attendant de rentrer sur mon "ti galet" dans l’océan indien, on profite avec me femme de ce que la vie parisienne nous offre : voyages, restos, théâtres, concerts, spectacles, musées, expos... » Après avoir réussi un concours de la fonction publique, une année de formation à l’IRA de Nantes, puis au ministère de la Justice, Yannis Payet occupe un poste de chargé de mission à la Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer. Il vit dans le 13ème arrondissement à Paris. Récit d’un parcours.


Pouvez-vous vous présenter ?

Yannis Payet, 34 ans, originaire de Saint Pierre, Terre-Sainte. Je suis l’ainé de trois frères et une soeur, et mes parents Hugues (ancien conducteur d’engin en reconversion) et Françoise (mère au foyer), vivent tous là-bas. Je suis le seul à avoir "sot’ la mèr" pour passer de l’île de la Réunion à l’Ile-De-France. Depuis 2014, je suis marié à Virginie mon épouse.

Racontez-nous votre parcours.

Après mon bac, j’ai commencé mes études à l’Université de la Réunion, tout en travaillant dans le secteur privé à temps partiel comme accompagnateur scolaire pour des associations telles que l’UDAF ou Saint-Denis Enfance, ou encore comme secrétaire juridique pour un cabinet d’avocat à Saint Pierre. En 2009-2010, j’ai fait mes classes dans le milieu associatif en matière de communication publique, d’assistance juridique, d’entraide et d’accueil des publics, comme bénévole aux côtés d’un grand monsieur auprès de qui j’ai beaucoup appris : M. Noor-Olivier Bassand, de l’association Roul Pa Nou. Ces premières expériences professionnelles et personnelles, m’ont permis d’apprendre à donner du sens à ce que je faisais.

Dans quelles conditions avez-vous quitté l’île ?

Mon départ de l’île fait suite à la réussite à un concours de la fonction publique, pour lequel je devais venir sur la région parisienne pour prendre mes fonctions. Je me souviens que le trac était à la hauteur du défi : s’installer en métropole. Je me souviens d’avoir dû lutter pour m’endormir dans l’avion pour ne pas trop y penser. Ce qui a facilité les choses, au delà du soutien inconditionnel de ma famille et de mes amis, c’était de me remémorer les conseils qui m’ont beaucoup servi pour gérer ce grand changement, et qui me servent d’ailleurs, encore aujourd’hui...

Promotion Jeannette Guyot à l’IRA de Nantes

Après la réussite au concours d’entrée, un an de formation à l’Institut Régional d’Administration (IRA) de Nantes et l’obtention d’un Master 2 en Management et Administration Publiques, je suis aujourd’hui Attaché des Administrations de l’État au Ministère de la Transition Écologique et Solidaire à Paris La Défense, comme chargé de mission sur le contrôle des transports routiers - spécialité fraudes sociales.

Que vous a apporté l’expérience de la mobilité ?

Ce qu’on apprend le plus vite dans des changements tels qu’une mobilité de cette ampleur, c’est le courage… Car on peut être très vite tenté de "larg lo corps" face aux premières difficultés et rentrer trop vite sur l’île, en passant à côté de nombreuses expériences intéressantes. On fait face aux premières difficultés (finances, logement, transports et même parfois la gestion de l’autonomie et de la liberté). Comme on dit, "kan na pu papa maman derièr, ou doi en sort’ a ou tout seul". C’est aussi là qu’on apprend à faire preuve de dépassement de soi, et pour peu qu’on persévère, on peut réussir.


Malgré l’avantage que représentent ces apprentissages inhérents à tout oiseau qui quitte le nid pour voler de ses propres ailes, il est évident que l’éloignement de la famille et des amis peut être difficile à gérer dans les premiers mois. Puis on finit par intégrer que les vacances sont toujours possibles pour rentrer à la Réunion, voire même peut-être plus tard, y retourner vivre et travailler...

Quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

En arrivant ici, Paris et la métropole en général n’étaient pour moi qu’un point de passage, une étape obligée en attendant de pouvoir rentrer chez moi. Mais par la force des choses et les circonstances faisant, c’est devenu un endroit que j’ai fini par trouver intéressant et dont il faut profiter le temps que je devrai y habiter avec ma femme. On en profite le plus possible : travail, voyages, restos, théâtres, concerts, spectacles, musées, expos...

Quels sont vos projets ?

Il y a beaucoup de projets que j’avais et qui ont évolué. Aujourd’hui avec mon épouse, on a décidé de voyager quand on pourra, d’explorer au maximum les opportunités professionnelles et familiales. On ne sait pas combien de temps cela prendra, mais on n’écarte pas non plus de pouvoir un jour rentrer sur mon "ti galet" dans l’océan indien. Mais le temps n’est pas encore venu au moment où je parle. En attendant, plutôt que de jouer le "chronos", je trouve plus sage de jouer le "kairos". On garde la devise de vivre ce qu’on a à vivre, là où on est, pour le temps qu’on y est, tout en faisant connaître la Réunion à tous ceux que nous croiserons… En référence à la devise latine de notre île : "florebo qumquoque ferar" (je fleurirai partout où j’irai).

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

Il y a de tout. Je peux tout aussi bien croiser des personnes qui y ont été, et qui ont aimé ou pas, comme je peux croiser des personnes qui n’y ont jamais mis les pieds, qui ne connaissent absolument pas et qui prétendent en savoir plus que moi sur La Réunion. Face à ces dernières, je préfère sourire et même parfois me taire. Kom di gramoune, "laisse la mer bat’, la lang na poin le zo".


Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

J’ai beaucoup de contacts avec des Réunionnais, rencontrés ou retrouvés par le travail, ou les réseaux sociaux. Je suis même très heureux d’avoir retrouvé une grande partie de mes amis d’enfance qui, eux-aussi, sont aujourd’hui établis de ce côté de la planète. On se retrouve souvent à l’occasion de week-ends, de fêtes ou lors d’un Noël 9-7-4, autour d’une bonne tablée et de plusieurs kilos de letchis ramenés par l’un des nôtres rentrant de vacances.

Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

En venant à Paris, il y avait exactement : les deux tomes de l’histoire de la Réunion par Daniel Vaxélaire, ma Bible, des bouquins de droit, mes vêtements d’été bien sûr (je ne doutais de rien à l’époque), des saucisses, du boucané, une bouteille de rhum charrette et du piment la pâte (l’essentiel). Évidement les produits pei ont été consommés depuis très longtemps, mais il est heureux de constater qu’ils se retrouvent ici en métropole, et il est également possible de commander sur internet. Donc je dirais que la trop grande nostalgie a son remède en 2019 !

Qu’est-ce qui vous manque de votre île ?

Au delà du pain bouchon gratiné sur le front de mer de Saint pierre et les vendeurs de poulet grillés sur les bords de route, c’est surtout la famille, les amis et l’île elle-même qui me manquent, les paysages, les odeurs, les ambiances familiales, les fêtes...

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

S’il est vrai que la Réunion s’est beaucoup développée et continue de le faire de manière impressionnante, le chômage là-bas, en particulier de la jeunesse, reste très inquiétant. Je suis reconnaissant d’avoir un travail et une situation qui me permette de vivre correctement, même si ce n’est pas non plus extraordinaire. Mais je trouve dommage que tant de potentiels se gâchent et n’aient d’autre choix que de partir de la Réunion pour trouver un emploi ou une formation qui leur permette de se trouver professionnellement. Beaucoup de Réunionnais ne voient pas leur situation changer, tant au niveau de l’emploi que du coût de la vie, alors que paradoxalement, on voit pousser comme des champignons des centres commerciaux, des crédits à la consommation, des dossiers de surendettement et autres phénomènes qui n’arrangent rien.

C’est pourquoi je pense que le politique a un rôle important à jouer pour améliorer cette situation. Si comme on nous l’apprend en fac de droit, "tout procède du Politique", c’est par ce moyen que viendra le déclic pour une amélioration visible et durable, pour peu que l’engagement soit sérieux et qu’il soit vraiment axé sur les intérêts d’avenir de la Réunion et des Réunionnais, plutôt que sur des intérêts particuliers ou électoraux.


Voir son profil : www.reunionnaisdumonde.com/membre/yannis-payet

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