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Spécial retour : Jean-Louis Macoral, ingénieur environnement à la FRCA

Publié le 30 juin 2009

Comment rentrer après une période de mobilité ? Quelles sont les difficultés rencontrées sur le marché du travail local ? Comment trouver un emploi à la Réunion ? Après deux longues périodes de mobilité pour se former, Jean-Louis a réussi son retour. A 37 ans, il occupe un poste d’ingénieur environnement à la Fédération Régionale des Coopératives Agricoles (FRCA) à Saint-Pierre.

Jean-Louis Macoral

Quel a été votre parcours d’études et de mobilité ?

Je suis originaire de Bras-Panon, de parents ouvriers. J’ai quitté la Réunion en 1992 après le bac. Je voulais poursuivre mes études dans l’hexagone. J’ai décidé très rapidement de partir (billet d’avion avec le CNARM et inscription à la fac de sciences de Bordeaux réglés en une semaine) d’abord parce que la démarche était simple et ensuite parce que j’avais envie de voir autre chose. J’ai passé un DEUG MI et un BTS Gestion et Maîtrise de l’Eau à Bordeaux.

Racontez-nous vos débuts en métropole.

L’arrivée fut difficile. La faculté ne voulait pas accepter mon inscription et j’ai dû insister pendant deux semaines. L’anecdote : j’avais acheté un pull chez Ghanty (c’était la première fois que j’avais un pull). Quand je suis arrivé à Bordeaux, il pleuvait. Le vent traversait les mailles du pull et j’avais froid. Je me suis finalement habitué au froid et à vivre dans 9 m² en cité universitaire. Le sport (rugby) a été un facteur d’intégration sans conteste et j’ai appris à tout gérer comme un adulte.

Et au niveau des études ?

Je me rappel un jour, j’étais en cours de mécanique des fluides indéformables (imbuvable) et j’avais beaucoup de difficultés à suivre. Pendant quelques instants, je me suis rappelé quand j’allais pêcher à la rivière et que la vie n’était pas simple pour mes parents. A ce moment précis, je me suis accroché au cours et finalement j’ai réussi tous mes examens.

Et ensuite ?

Je suis rentré une première fois à la Réunion en 1998. Le marché de l’emploi (en tout cas dans mon secteur, l’eau) était en restructuration. A la Réunion tout était à faire. J’ai pensé que cela serait facile de se faire embaucher. Le coté amusant c’est que j’ai été embauché dès la première candidature à Mayotte. Je suis donc parti pendant trois ans sur cette île. En 2002, j’ai entamé et terminé une formation d’ingénieur en techniques agricoles (ENITA Clermont-Ferrand) avec en troisième année une spécialisation en mastère spécialisé en eau potable et assainissement à l’ENGEES de Strasbourg. Je suis revenu en 2005, le diplôme d’ingénieur en poche. En sept ans (1998-2005), la situation avait changé à la Réunion mais pas de manière significative. En 1998, je n’étais pas suffisamment formé et en 2005 trop diplômé...

Comment avez-vous pesé le pour et le contre avant de rentrer à la Réunion ?

Le contre : Dans le secteur d’activité où je suis, travailler ici n’est pas un gain en terme d’évolution professionnelle, notamment pour le salaire. Avant mon départ, j’avais eu une proposition en Alsace plus de deux fois mieux rémunérée.

Le pour : Restituer ce que j’ai appris et contribuer au développement de la Réunion. Le Département et la Région ont financé la quasi totalité de mes études, il me semblait normal de rendre la pareille.

Comment avez-vous préparé votre retour ?

En prospectant à distance pendant un an d’abord. Une fois sur département par relance téléphonique puis en démarchant les entreprises.

Avez-vous ressenti des difficultés à vous réinstaller ?

Professionnellement oui. J’ai passé une centaine d’entretiens aux quatre coins de l’île. Pour l’anecdote, j’ai souvenir d’un entretien marathon dans une entreprise située au Port qui a duré trois heures. J’ai eu droit à toutes les personnes du service auquel je pouvais être potentiellement rattaché. Finalement ma candidature n’a pas été retenue. Comme pendant toutes mes études j’avais travaillé pour financer mes études (en cabinet d’architecture) je candidatais avec de l’expérience. Les recruteurs avaient beaucoup de difficulté à définir un cadre adapté. Après le diplôme d’ingénieur j’ai pris le temps nécessaire pour postuler.

Dans quel « état » avez-vous trouvé votre secteur professionnel et plus généralement le marché du travail à la Réunion ?

Les personnes qui oeuvrent dans le domaine de l’eau ne sont pas toujours au fait des expériences réalisées ici et là sur le plan national. Dans la plupart des cas, ils appliquent un simple copier coller des pratiques hexagonales. Ceci explique sans doute pourquoi les investissements réalisés ne couvrent pas les attentes espérées notamment en fonctionnement. Cela peut paraître prétentieux de dire cela, mais je répète les paroles d’une pointure nationale venue travailler ici avec qui j’ai eu l’occasion de discuter et de travailler. Il y a donc beaucoup de travail en perspectives dans le domaine de l’eau même si pas mal de choses sont déjà en place. Tout le monde s’accorde à dire qu’il y a un potentiel énorme à La Réunion, ce que je pense aussi. Il faut juste sortir de sentiers battus. Eprouver d’autres schémas de développement. Bref oser.

En tant que Réunionnais expatrié de retour sur son île, ressentez-vous un "avantage concurrentiel" ?

Oui et non. Oui parce qu’au final les expatriés se fixent plus durablement, étant natifs et ayant la volonté de s’installer. Non du fait du syndrome de la "goyave de France". Heureusement dans beaucoup d’entreprises les mentalités évoluent, même celles qui sont sous tutelle de la maison mère basée à Paris.

Qu’est ce qui vous change le plus à La Réunion, par rapport à l’endroit où vous viviez en mobilité ?

J’habitais un petit village en Alsace et les habitants ne connaissaient pas beaucoup les départements français d’outre mer. C’est sans doute dû aux supports de communication peu nombreux sur le sujet (sauf lorsqu’il y a un cyclone !). Quand on a vécu dans les grandes métropoles hexagonales, on n’a pas l’impression que les choses évoluent nécessairement vite localement. La vraie question est la suivante : ne recherche-t-on pas en revenant un peu de ce que l’on a vécu avant ? Dès lors, a-t-on vraiment envie que les choses changent ? D’ailleurs, quelle est la principale motivation du retour ? C’est une question à laquelle il faut essayer de répondre avant de rentrer.

Avec le recul, tirez-vous un bilan positif de votre expérience de mobilité ?

Oui très bon bilan. J’ai gagné sur beaucoup de plans (humains surtout). Dans tous mes lieux de résidences j’ai toujours cherché à comprendre d’abord l’histoire des gens qui y vivaient. Dans la plupart des cas cette démarche m’a permis de comprendre beaucoup de choses.

Quels conseils donneriez-vous aux Réunionnais qui comme vous souhaitent rentrer sur l’île ?

Ayez de la persévérance, du dynamisme et mettez en valeur vos atouts et votre imagination. Ne baissez jamais les bras et soyer fiers de ce que vous êtes et d’où vous venez. Sachez sortir des cadres établis !

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