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Dolène Clerville, chargée de mission nationale sur la mobilité des jeunes

Publié le 11 octobre 2009

Originaire d’une famille de 13 enfants de Saint-Joseph, Dolène occupe à 29 ans un poste spécifique et multiple au sein de l’Education Nationale. Conseillère d’Orientation Psychologue de formation, elle travaille au Centre d’Information International à Lyon en tant que chargée de mission nationale dans le cadre des Centre Nationaux de Ressources sur la mobilité des jeunes et du réseau euroguidance (www.euroguidance-france.org), ainsi que pour la mission de CIO Relais Europe de son académie. Dolène participera au 1er village de la diaspora réunionnaise du 14 au 16 octobre 2009 à Saint-Denis.

Dolène Clerville
« C’est une photo de moi au Canada, entre deux portes : la porte du bureau de la Conseillère d’Orientation et la porte de la Psychologue. En France c’est une seule et même personne qui fait le métier de deux personnes différentes au Canada ».

D’où êtes-vous à la Réunion ?

Ma famille est de Saint Joseph, plus précisément de Vincendo. Je suis la treizième et dernière de la famille ! Mes parents sont de milieu modeste, ma mère était femme au foyer et mon père ouvrier agricole saisonnier. Ma mère n’a pas eu la chance d’aller à l’école et mon père a pu y aller que pour le primaire. Une partie de la famille habite toujours à la Réunion et l’autre partie habite à divers endroits en Métropole.

Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter l’île ?

J’ai quitté l’île juste après le BAC au Lycée Pierre Poivre en 1998. Je n’avais que 2300 francs en poche (suite à 15 jours de travail à la bibliothèque de Saint Joseph). Je suis arrivée à Lyon le 3 septembre pour rester trois jours chez mon frère en banlieue, puis dans un appartement de 25 m2 avec un ami. Nous n’avions pas d’argent pour acheter un réveil. Les trois premières semaines, je me levais donc à plusieurs reprises dans la nuit pour être sûre d’arriver à l’heure en cours. Voir ci-dessous : chronologie d’un parcours.

Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

Avec moi, j’avais amené des photos de mon enfance et de ma famille et quelques vêtements. Je garde précieusement encore aujourd’hui les photos, mais en règle générale, je préfère ne pas m’attacher aux objets. Nous risquons un jour où l’autre de perdre les objets. Ce qui me construit, je l’intériorise : l’amitié, la confiance en les gens que j’aime… j’en dispose à chaque moment et ce n’est lié à un objet particulier.

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

Tout d’abord une réflexion constante sur moi même et sur mon identité. C’est en étant confronté à la différence qu’on se rend compte de nos spécificités. Je me suis plus documentée sur la Réunion, sa culture, depuis que je suis partie. J’ai pratiqué la capoeira ici à Lyon pour pouvoir parler plus facilement du Moring à mon fils. J’ai acheté des livres de cuisine réunionnaise mais aussi des livres sur la flore de la Réunion pour faire partager la beauté de l’Ile à d’autres… Et puis viennent ensuite tous les apports plus objectifs, la maitrise des langues, l’ouverture d’esprit, des capacités d’adaptation à l’inconnu, un réseau de personnes et surtout de merveilleuses rencontres. Aujourd’hui, j’ai la chance de faire de la mobilité mon métier. J’aide les jeunes à construire leur projet pour partir peu importe où.

Parlez-nous de votre travail au Centre d’Information International.

Le Centre d’Information International est un service unique en France et en Europe, entièrement dédié à la mobilité. Service public, donc gratuit, nous sommes rattachés au Rectorat de Lyon. Créé en 1993, il a la double mission de Centre National de Ressource pour les professionnels de l’orientation (il en existe 4 en France : Lille, Strasbourg, Marseille et Lyon) et service d’accueil pour le public, majoritairement des étudiants mais de plus en plus de lycéens ayant un projet de mobilité en Europe.

L’activité du CII s’étend au-delà des frontières de l’Europe.

Le centre est aussi un point REAC (Regional Educational Advising Center) et collabore avec les autorités américaines et plus particulièrement la Commission Fulbright à Paris pour offrir un service pour les mobilités en direction des Etats Unis. De fait, depuis sa création, le centre a donc une dimension internationale au sens large, et la documentation disponible est directement liée aux demandes des consultants auxquelles nous nous adaptons. C’est la raison pour laquelle nous travaillons régulièrement avec la CREPUQ, Cegep International ou encore le réseau des TAFE en Australie.

Quels sont vos projets ?

Mon expérience m’a appris que ce qui était prévu arrive très rarement et que le hasard des rencontres pourvoit en général plutôt positivement à mon parcours de vie. Toutefois, j’ai l’habitude d’avoir plusieurs projets qui sont malléables et surtout ouverts à toute variation du temps. Mon travail me plait même si les contraintes institutionnelles sont fortes. J’aimerais continuer à voyager et à me sentir utile. Je garde ma double fonction, qui est une spécificité française, je suis psychologue et je fais du conseil. De plus mon poste spécifique m’amène à faire des activités qui n’étaient pas à priori évidentes pour moi, à savoir l’organisation de manifestations (conférences ou visites d’études) ou de cycles de formation pour un public international, la rédaction d’articles, etc. Je prends ce que la vie me donne et tire le meilleur de ce qui arrive, tout en étant prête à changer du tout au tout. Peut-être un jour, serai je amené à avoir une activité qui me permettra d’être plus souvent à la Réunion et plus proche de ma famille et de mes amis.

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

Les saveurs, les odeurs, l’ambiance. C’est un peu comme la madeleine de Proust. Quand j’ouvre ma petite boite de vanille séchée dans ma cuisine, ce sont d’innombrables souvenirs qui me reviennent. L’air lourd des après midi des vacances d’été près de la rivière Langevin, le bruit de la pluie sur la tôle la nuit, l’odeur du café que ma mère grillait au feu de bois, ou encore les chansons d’OUSANOUSAVA au coucher du soleil avec mes amis.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

J’ai du mal à définir mon avis sur la question. Je sais que la Réunion est un département très dynamique en matière de création d’entreprises. A chaque fois que je rentre, je vois des aménagements nouveaux, des routes qui modernisent l’économie. En même temps je connais beaucoup de gens qui n’arrivent pas à trouver un emploi. Je crois que la situation est très complexe et qu’il faudrait plus de concertation quand aux solutions à apporter. Beaucoup d’argent public est dépensé mais les résultats ne sont pas à la hauteur de ce qu’on pourrait espérer.

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

Les avantages sont essentiellement affectifs. Les collègues d’autres pays ont très souvent une idée tout à fait idyllique de la Réunion, et ça me permet très souvent d’engager une conversation et des relations amicales. Le plus souvent on nous demande de quel pays on vient, et la question suivante est "de quelles ville" ?. Je réponds alors que j’habite à Lyon mais que je suis de la Réunion. Et c’est un sujet qui peut passionner des gens qui paraissaient à l’origine plutôt discrets. Les désavantages, je ne les vois pas forcément, je préfère croire qu’il n’y en a pas.

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais à Lyon ?

J’ai toutes sortes de contacts avec des Réunionnais : une secrétaire au rectorat est réunionnaise, on discute souvent, je vais à des concerts de groupes réunionnais très souvent, j’ai de la famille pas loin, j’appelle mes amis de la Réunion au téléphone ou sur msn, etc.

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

Tout dépend des gens. Certains y vont régulièrement et connaissent les aspects positifs et négatifs, d’autres ne connaissent que les restaurants réunionnais à Lyon. C’est plutôt positif mais très partiel.

Vous même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

J’aime beaucoup la ville de Lyon. C’est une ville dynamique, un carrefour de l’Europe mais en même temps moins stressante que Paris. Bien sur c’est moins convivial que la Réunion mais j’y trouve mon compte, notamment avec la population cosmopolite qui y vit.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

Soyez indépendants et allez à l’étranger, ça développe tellement sur le plan personnel et professionnel que ça serait dommage de s’en priver !

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Chronologie d’un parcours : Dolène Clerville

Mon parcours est parsemé de rencontres et d’occasions qui m’ont fait dévier de projets que j’avais pu construire, et je ne m’en plains pas. En terminale, je voulais m’inscrire en sciences politiques à Lyon mais l’inscription ne se faisait alors que par minitel et la date limite d’inscription était fixée avant la remise des résultats du BAC à la
Réunion. Malgré l’intervention de mon chef d’établissement à l’époque, rien n’y a fait (heureusement aujourd’hui les dates de résultats du BAC sont harmonisées partout en France).

J’ai donc atterri sur un second choix : une classe préparatoire aux grandes écoles au lycée Du Parc à Lyon. Ca ne m’a pas plus du tout, je me suis retrouvée au mois d’avril à vouloir réintégrer la Fac. J’étais inscrite administrativement en DEUG d’Anglais mais la directrice de cycle, malgré mes courriers, ne me répondait pas. Je me suis rendue à son bureau sans rendez vous, je l’ai suivie dans les couloirs, elle a donc accepté que j’intègre les cours malgré les trois semaines restantes pour finir l’année, à condition qu’un autre département m’accepte en dominante B.

Je me suis alors adressée à la fac de Psychologie, un domaine qui m’avait toujours intéressée, et monsieur Petit, un homme extraordinaire, m’a autorisé le jour même à venir en cours. J’ai donc passé les examens de la session de mai en récupérant des cours et les examens de janvier, que je n’avais pas passé en janvier étant donné que j’étais en classe préparatoire, aux rattrapages du mois de juin. J’ai réussi les examens des deux départements et je me suis inscrite en double DEUG Anglais - Psychologie pour le mois de septembre suivant.

Ce fut une étape importante pour moi, qui m’a permis de réfléchir. J’ai pu par la suite profiter de mes années d’études et me diriger vers des domaines qui m’intéressaient. J’ai fait un mémoire sur l’origine de l’identité réunionnaise en cours d’informatique. J’ai poursuivi mes études en licence de psychologie à dominante clinique et sociale. J’ai pu alors travailler sur l’interculturalité, l’identité, etc. Une rencontre dominante à ce moment là, fut une enseignante en psychologie sociale madame Vijé Franchi, d’origine sud africaine, qui a beaucoup influencé ma façon de d’étudier et mes besoins d’interdisciplinarité.

J’ai alors fait un stage dans une crèche bilingue, puis pendant mon année de maîtrise, un an au service d’aide aux demandeurs d’asile de la Croix Rouge, ce qui me permettait d’appliquer mes cours de psychologie, tout en ayant des approches interculturelles et en travaillant en plusieurs langues, principalement l’Anglais et ponctuellement en Allemand. Je me rappelle d’un réfugié tchétchène qui devait remplir sa demande d’asile pour l’OFPRA. Je lui posais des questions sur sa famille afin de remplir au mieux le dossier. Je devais inscrire les noms de ses parents avec leurs dates de naissance et de mort. Cependant je ne me rappelais plus de la formule pour dire "sont-ils toujours en vie ?". Je lui demandais donc à chaque fois pour les membres de sa famille "ist er (ou sie) töt ?", et au bout de la quatrième fois il m’a regardé en souriant et m’a demandé pourquoi je voulais que tous les gens qu’il connaissait soient morts. Je lui ai expliqué et ça a été l’occasion d’une rigolade et de l’instauration d’un climat de confiance entre nous.

Les stagiaires à la Croix rouges ont pu bénéficier du soutien de deux psychologues de Médecins du monde et de Forum Réfugiés. L’une d’elle était co-présidente de l’association
"Appartenances", association suisse à l’origine sur la recherche, l’échange de pratique et la santé mentale des populations migrantes. J’ai fait parti du Comité d’Administration de l’association l’année qui a suivi, ce qui m’a permis de participer au colloque à Lausanne "Après l’impensable, les passeurs de monde" et me pencher que les écrits de Francis Maqueda et de René Kaës. Parallèlement j’ai effectué un stage de quatre mois à Santé Mentale et Communautés dans une communauté thérapeutique à Villeurbanne, puis un stage d’un mois à Dakar au Sénégal à l’Hôpital Fahn, période où j’ai commencé à m’intéresser à la thématique de l’a transmission transgénérationnelle.

Alors que je terminais ma maîtrise de psychologie, j’ai répondu à une petite annonce pour un emploi de Conseillère d’Orientation Psychologue à temps partiel. A ma grande surprise, j’ai été prise pour le poste, un mi-temps dédié à la base à l’accueil et au positionnement des élèves nouvellement arrivés en France. Je n’avais que 21 ans mais ma bonne connaissance du milieu associatif, notamment en ce qui concerne la population migrante a été, je le pense encore aujourd’hui, un élément décisif dans mon recrutement. Cependant, à mon entretien d’embauche, j’ai affirmé à la directrice qui me recevait, que mon projet était de devenir Conseillère d’ Orientation Psychologue, ce qui n’était pas vraiment mon projet à ce moment là.

J’ai du m’inscrire pour le concours l’année suivante, et le hasard a fait que j’ai réussi ce concours. Je partais donc pour deux années supplémentaires de formation, à l’INETOP
(Institut National d’Etude du Travail et de l’Orientation Professionnelle) à Paris. Les deux années de formation ont été l’occasion pour moi de travailler sur les transitions, le thème de mon rapport de stage se dénommait ainsi : "le rôle du COP dans l’accompagnement des transitions". J’ai pris en compte des situations concrètes telles que la VAE, la mobilité géographique en faisant mon stage au Centre d’Information International, la transition entre le collège et le lycée à travers la liaison 3°/2nde, ou encore l’étude d’un bilan de compétences option mobilité abordé lors de mon stage entreprise à la Réunion.

Ma directrice de mémoire à l’INETOP était canadienne, l’année suivant ma titularisation, j’ai eu une opportunité de participer à une conférence au Canada organisé par l’OFQJ. Mes premiers contacts pris lors de l’élaboration de mon mémoire m’ont aidé à remplir le dossier, et c’est avec plaisir que je me suis rendue à Sherbrooke en 2006.

Depuis septembre 2008, j’occupe le poste spécifique académique au Centre d’Information International, ma collègue de travail Josiane Zambardi autre personne extraordinaire, m’a beaucoup aidé à intégrer un grand nombre de choses très rapidement, et depuis, je me suis rendue en avril en Grande Bretagne pour des visites d’études et en mai aux Pays Bas pour une formation au cours de laquelle j’ai obtenu une certification CHQ.

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