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Nicolas Vidot : cuisinier des TAAF

C’est la 23e et dernière mission. A 63 ans, Nicolas est affecté pour huit mois sur une base de 20 personnes sur l’île d’Amsterdam dans les Terres australes et antarctiques françaises. L’occasion de partager quelques souvenirs et de faire le bilan d’une vie professionnelle bien remplie.

Portrait 3 de la série « En mission dans les TAAF : Réunionnais (du bout) du monde »


Mon parcours

Je viens de Villentroy à la Saline-les-Hauts, d’une famille de cinq sœurs et trois frères. J’ai commencé tout jeune dans les cultures de géranium, mais j’ai rapidement entendu parler des TAAF par mes cousins et mon frère, qui a travaillé sur le Gallieni* dès 1972. Alors j’ai tenté l’aventure ! C’était en 1977, à Kerguelen, en tant que garçon de salle. C’était mon premier voyage, la première fois que je quittais La Réunion, ma première fois sur un bateau. Ça s’est bien passé…

Ma carrière

J’ai effectué 22 ou 23 missions au total. Il m’est arrivé d’hiverner sur base pendant 18 mois (2001-2002). Il m’est aussi arrivé entre deux missions, de ne rester que trois jours à La Réunion et de repartir aussitôt. J’ai fait quelques pauses, pour assister au baptême ou à la communion des enfants. Je travaillais un peu en cuisine à La Réunion, mais ça paye moins qu’ici. Dans les TAAF, on ne dépense rien pendant la mission ; on met de l’argent de côté.

Mon boulot

Je suis passé de la salle à la cuisine, en tant que second. C’est un travail très polyvalent. On touche à tout : boucherie, boulangerie, pâtisserie… Le lundi on fait le menu de la semaine et toute l’organisation en découle. Avant, le ravitaillement arrivait moins souvent, les missions étaient plus longues, les gens mangeaient souvent la même chose. Aujourd’hui on a plus de choix dans les menus. On cuisine même un peu de langouste et de légine ramenées sur l’île par les bateaux qui pêchent dans la zone. Mais il m’arrive de regretter l’époque où nous avions du bétail sur les îles**. D’ailleurs, c’est moi qui ai abattu et dépecé la dernière vache !

La dernière vache...

Une journée type à Amsterdam

- 4h30 : Réveil, cuisson des baguettes, préparation du petit-déjeuner. « Je prends aussi un peu d’avance sur la cuisine de la journée ».
- 6h : « Je prends mon café avec tout le monde à la cantine. C’est un moment de discussion de de convivialité ». Puis travail en cuisine.
- 12 : « Je passe à table avec le reste de l’équipe. Quand tout le monde mange ensemble, la mission est plus soudée ».
- 13h30 : Détente, sport
- 15h30 - 17h30 : Préparation du repas du soir
- 19h : Repas ensemble puis café au bar et petit film dans la chambre

Les jours de repos, je lave mes vêtements et ma chambre. On s’organise une balade sur l’île (toujours à trois au minimum, pour des raisons de sécurité) ou une petite fête dans le local commun : à tour de rôle chaque groupe cuisine et invite le reste de l’équipe. Mes loisirs, c’est aussi la pêche à la truite sur Kerguelen et la pose de casiers sur Amsterdam.

La vie de famille

Je suis marié depuis 1981. J’ai deux enfants de 30 et 32 ans, et maintenant trois petits enfants à Saint-Paul ! Au début c’est un peu dur de quitter toute sa famille mais l’habitude vient rapidement. Je me suis fait installer le téléphone dans la chambre. Une fois par semaine, pendant six à sept minutes, tout le monde est là au bout du fil : femme, enfants, petits-enfants… On se souhaite aussi Noël et les fêtes. C’est important d’entendre la voix de ceux qu’on aime. Ça donne du réconfort, ça encourage bien.

Mes souvenirs

Je garde de ces années de beaux souvenirs, même quand je n’étais pas là : le permis de mes enfants par exemple. Grâce à mes économies, j’ai pu acheter un terrain, le partager et construire des maisons à mes enfants à côté de la mienne. Il y a aussi des souvenirs plus difficiles, comme cette mission 1986 à Amsterdam, assez tendue au niveau de l’ambiance. En 2004, le médecin de la base a glissé et s’est cassé la jambe en sortant du restaurant après un bon couscous. Il a dû attendre un mois sur place avec un plâtre de fortune avant de pouvoir être évacué...

Avec deux "VAT", volontaires scientifiques sur l’île

Son conseil à ceux qui voudraient se lancer

Mon boulot je l’aime et je ne peux que le conseiller. Mais attention, je le dis souvent aux jeunes à La Réunion : ici il n’y a pas de magasins, pas d’animations, pas de ville. Il faut aimer l’aventure et surtout être patient, cool, bien avec tout le monde. Le plus gros danger c’est l’alcool. Boire tous les jours, boire seul pour tenir le coup, tout dépenser dans les fêtes… J’ai vu toutes sortes de dérives au cours de ces années. Le risque, c’est de rentrer à La Réunion sans rien de côté, on fout sa mission en l’air.

Pour aller plus loin...

www.taaf.fr / www.facebook.com/TAAFofficiel / www.amaepf.fr (Amicale des Missions Australes Et Polaires Françaises)


Plus d’actus / portraits / offres d’emploi dans les TAAF

Article paru dans Le Quotidien (août 2016)


Le Gallieni ravitaille les TAAF

* De 1956 à 1972, le navire Gallieni a assuré le ravitaillement des TAAF.

** Pour limiter les épidémies et la prolifération, l’introduction d’espèces extérieures est interdite et limitée par les mesures de biosécurité mises en place par la réserve naturelle des Terres australes françaises.

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