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Claudine Boyer, « Petite Marie » des Kerguelen

Publié le 9 septembre 2016

Originaire de Saint-Joseph - Les Lianes, Claudine achève sa 4e mission dans les TAAF en tant que personnel de salle en restauration. Femme parmi les hommes sur une île lointaine et isolée, elle nous décrit son histoire et sa motivation.

Portrait 7 de la série « En mission dans les TAAF : Réunionnais (du bout) du monde »


Mon parcours

J’ai 48 ans et je suis mère de quatre garçons âgés de 18 à 29 ans. J’ai commencé ma vie active par des petits boulots et je me suis mariée à 21 ans. Ma rencontre avec les TAAF remonte à très loin. Le copain de ma marraine venait ici comme ouvrier dans les années 80. Je me souviens avoir dit à mon maître de CM2 : « Quand je serai grande, je partirai aux Kerguelen ! ». Mais je me suis mariée jeune, j’ai élevé les enfants et c’est mon mari qui est venu travailler ici pendant dix ans. Aujourd’hui mes garçons sont grands et je suis en instance de divorce. Je suis libre. En 2012 j’ai décidé de franchir le pas et de postuler en tant que « Petite Marie »*.

Mes premières impressions

En prenant le bateau au Port, c’était comme un rêve d’enfance qui se réalisait. Je n’avais jamais quitté la Réunion, mis à part quelques séjours à Maurice. Mais ce premier voyage a été mouvementé et plus long que prévu… Au large de l’île de Crozet, le Marion Dufresne a heurté un haut-fond. Le choc avec la roche a ouvert une voie d’eau sur plus de 25 mètres. Je me souviens, l’alarme s’est déclenchée et les cloisons étanches du bateau se sont fermées. On nous a demandé de rester dans nos cabines. Il n’y a heureusement eu aucune victime mais nous avons été débarqués et immobilisés sur la base Alfred Faure de Crozet en attendant le secours d’autres navires. Nous étions 150 personnes à dormir à Crozet, à plusieurs dans les chambres, dans la bibliothèque, dans le cinéma... Puis nous avons eu le choix entre rentrer à la Réunion et effectuer notre mission comme prévu. J’ai choisi de continuer. Le navire Osiris est venu nous chercher pour nous déposer à Kerguelen… avec trois semaines de retard !

Mon travail

Il consiste à mettre le couvert, faire le service à table, débarrasser, faire la vaisselle, faire le ménage dans la salle de restauration, préparer le café, réapprovisionner les frigos, mettre en place le petit-déjeuner… Quand je suis partie en 2012, je voulais tenter l’aventure une fois pour voir comment c’était. Puis les missions se sont enchainées. Chacune est différente et nous met en contact avec des personnes différentes. Au bout de ma 4e mission, je me rends compte que « Petite Marie » est devenu mon travail permanent, et mes passages à la Réunion sont mes vacances...


Etre une femme

Il y a une grande majorité d’hommes sur la base, mais cela ne me pose pas de problème ; j’ai trouvé ma place ici. Je pars du principe que si une femme sait se faire respecter, tout le monde la respecte. A force de vivre ensemble, on est comme une grande famille.

Mes loisirs

Je fréquente la salle de sport, la bibliothèque, le « Club Réu » où on prépare des repas créoles le week-end. On partage nos petits plats avec les métros, on leur fait écouter nos chansons et eux nous font écouter les leur. Parfois on part en randonnée, à la pêche ou pour des « Manip » sur le terrain avec des scientifiques. On dort en cabane dans la nature, j’apprends beaucoup de choses auprès d’eux. Personnellement je suis impressionnée par les albatros, ils sont énormes, posés là. On peut les approcher, les toucher.

La famille

Je téléphone tous les deux jours à mes enfants, ce qui représente un budget d’environ 50 euros par mois. Même si on ne reste pas longtemps au bout du fil, j’ai besoin de savoir que ça va, que tout le monde est en bonne santé. D’entendre leur voix et qu’ils entendent la mienne, ça suffit. Quand je rentre à la Réunion je leurs décris la vie ici, la nature ; je peux tout visualiser en fermant les yeux. J’essaye de leur faire comprendre que les animaux, c’est précieux important. Ils me disent que j’ai l’air passionnée et dans une bulle.


Mon plus beau souvenir

Je crois que c’est une chasse au renne sur un endroit des Kerguelen qu’on appelle Saint-Malo. C’était lors de ma première mission (aujourd’hui on n’a plus le droit). Nous étions partis à dix pendant trois jours et nous avons rapporté à manger pour toute la base. Nous avons beaucoup marché, grimpé, et chassé six rennes, dépecés sur place, dont nous nous sommes répartis la viande dans les sacs à dos. Je n’avais jamais chassé mais je me suis tout de suite sentie bien dans cette expédition.

Mon souvenir le plus difficile

Manquer les anniversaires, les fêtes et surtout Noël loin de tout : sans famille, sans boutiques, sans rouge partout… J’avoue que les larmes coulent, mais on les essuie. On se dit qu’on est là pour le bien des enfants, pour payer leurs études. Il faut être fort dans sa tête et donner le meilleur de soi.

* Petite Marie (ou Petit Marion pour les garçons) : Terme affectueux désignant dans les TAAF la personne qui à tour de rôle ou en permanence s’occupe du service en salle.

Pour aller plus loin...

www.taaf.fr / www.facebook.com/TAAFofficiel


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