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Julien Phalip, 25 ans, étudiant chercheur à l’Université des Technologies de Sydney

Publié le 20 octobre 2006

Originaire de Saint-Pierre, Julien a étudié l’informatique à Toulouse, d’où il est reparti avec un DESS en Interaction Homme-Machine. Installé en Australie depuis deux ans et demi, il vient de commencer une thèse dans un laboratoire de Sydney, qui consiste à étudier l’aide des technologies de pointe à la créativité dans la composition des musiques de films. Un sujet qui lui permet de joindre son cursus professionnel à sa passion pour la musique et le cinéma.

Julien Phalip

Racontez-nous votre parcours.

"Je suis né à Saint-Denis, puis ai grandi dans la ville de Saint-Pierre. J’ai étudié la musique (solfège et clarinette) au Conservatoire de Région de Saint-Pierre, et j’ai participé à plusieurs ensembles, notamment l’Harmonie du Conservatoire et les Orchestrades de l’Océan Indien. J’ai également pratiqué pendant de nombreuses années le rugby au Rugby Club de Saint-Pierre".

Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter l’île ?

"A l’âge de 18 ans, mon Bac scientifique en poche, j’ai quitté la Réunion pour faire mes études à l’Université de Toulouse (ville et région originelles de ma famille). J’y ai étudié l’informatique et l’Interaction Homme-Machine pendant cinq ans, et ai finalement obtenu un DESS. A la fin de mon DESS je suis parti pour Sydney en Australie, pour effectuer un stage de cinq mois au CSIRO (Commonwealth Scientific and Industrial Research Organization), un vaste laboratoire de recherche multidisciplinaire, un peu l’équivalent du CNRS français. J’ai alors participé à des recherches pour améliorer la plate-forme d’observation des contrôleurs aériens. A la fin de mon stage on m’a offert une prolongation de contrat de sept mois".

Et ensuite ?

"J’ai eu la formidable opportunité d’effectuer une thèse (en trois ans, que j’ai démarrée en avril 2006) en Interaction Homme-Machine pour l’Art, aux Creativity and Cognition Studios. C’est un laboratoire de recherche de Sydney, dont les travaux concernent principalement l’étude de l’apport des nouvelles technologies pour la créativité artistique. Mon sujet de thèse, lui, se focalise sur la composition de musique de film. Ce qui me permet de joindre mon cursus professionnel à ma passion pour la musique et le cinéma".

Quelles sont vos impressions sur l’Australie ?
"Je n’ai habité qu’à Sydney, mais ai eu la chance de visiter d’autres régions (celles de Melbourne, Brisbane, Cairns, Alice Springs). J’ai fait de nombreux "road trips" dans ma gigantesque et vieille Ford break (300 000 km au compteur et pas une ride !). Ces longs voyages en voiture m’ont apporté une nouvelle perception du voyage et même des distances : enchaîner 1000 km dans la même journée ne me fait plus peur ! L’Australie est un pays fantastique et unique en son genre. Les plages paradisiaques, les déserts de sable rouge, les cotes sauvages, la faune, etc. Je n’en ai finalement vu qu’une petite partie, et il me reste bien des excursions à organiser".

Quels sont vos projets ?

"Mon projet professionnel est de devenir enseignant-chercheur, c’est pour cela que je me suis engagé dans une thèse. Quand j’aurai fini cette thèse, dans trois ans, je verrai en fonction des opportunités qui s’offrent a moi : continuer à mêler voyage et carrière professionnelle, ou pourquoi pas retourner dans mon île !"

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

"Ce qui me manque de la Réunion, ce sont les caris ! Bien que je sache cuisiner un peu, rien de remplacera jamais le bon vieux cari réunionnais au feu de bois. Sinon, plus sérieusement, c’est ma famille, mes vieux amis d’enfance, kozer kreol avec les dalons, la douceur et la nonchalance de la vie réunionnaise".

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

"La mobilité est un peu devenu ma raison d’être. Il y a trois ans j’avais déjà passé un séjour mémorable de cinq mois au Canada. J’ai eu aussi le grand privilège de beaucoup voyager avec mes parents quand j’étais plus jeune. Tous ces voyages m’ont apporté une certaine ouverture d’esprit ; permis de rencontrer des dizaines de gens et de me faire beaucoup d’amis dans les quatre coins du monde, de maîtriser une langue étrangère (l’anglais). D’une manière générale, ils m’ont permis de me forger un caractère et une expérience de vie".

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

"Je suis très attentivement l’actualité de la Réunion par le biais de ma famille et du site clicanoo.com. Et en ce moment, l’impact du chikungunya sur l’économie et la vie quotidienne des Réunionnais me touche profondément. J’espère que les choses vont vite basculer positivement".

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

"Je ne vois absolument aucun inconvénient au fait de venir de la Réunion, mis à part quelques préjugés auxquels j’ai fait face en Métropole (du genre "les gens des îles sont fainéants"), mais cela reste très marginal. Au contraire, je pense même que c’est un grand avantage ! Je dois avouer que c’est en quittant la Réunion que j’ai réellement pris conscience de la chance que j’avais d’y avoir grandi. D’abord en Métropole pendant mes études, puis encore davantage ici en Australie. La société australienne est encore jeune, et toujours en quête d’identité. Les Australiens le déplorent d’ailleurs ouvertement. Venant de la Réunion, j’ai vraiment l’impression de bénéficier d’une riche double culture franco-réunionnaise, qui m’apporte au quotidien".

Julien Phalip

Séance de travail dans les laboratoires Creavity and Cognition Studios, où Julien effectue sa thèse depuis avril 2006. Son travail consiste à étudier l’aide des technologies de pointe à la créativité pour la composition de musique de film.

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

"Mon arrivée en Australie a été facilitée par le fait que Steeve Body, un grand ami d’enfance avec qui j’ai grandi à la Réunion, habite depuis près de cinq ans à Sydney. Il m’a donc donné de bons conseils en arrivant, et nous nous voyons depuis très régulièrement pour se remémorer les bons moments passés sur notre île ! Aussi, depuis que j’ai débuté ma thèse, je développe des contacts avec le monde universitaire (notamment le laboratoire de recherche IREMIA) à la Réunion. Toujours dans le cadre de ma thèse, je souhaite développer des contacts avec les artistes et praticiens locaux, pour bénéficier des spécificités de la culture musicale péi".

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

"Malheureusement la Réunion est très peu connue ici, mis a part dans le cercle des surfeurs. L’île Maurice bénéficie d’une plus grande notoriété. D’ailleurs quand on me demande où se trouve la Réunion, je répond souvent que c’est à côté de Maurice, et les gens arrivent alors mieux à situer. Sinon je m’attache à faire connaître la Réunion autour de moi. D’ailleurs toute ma maison (je vis en collocation avec des Irlandais) est recouverte de photos, de cartes postales et de peintures de l’île. Et demandez à mes amis ici, ils savent maintenant tous où se trouvent "Reunion Island" tellement je les bassine avec mes histoires ! Beaucoup ont maintenant envie de decouvrir l’Ile..."

Vous même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

"Je me suis petit à petit intégré à la vie Australienne. Ce n’est pas bien difficile, la douceur du climat aidant. Mais ce n’est pas évident non plus. Bien qu’ils s’en défendent, les Australiens ont une culture anglo-saxonne (à la fois britannique et américaine) très prononcée. Bref, c’est une mentalité bien différente de la nôtre, et même après plus de deux ans passés ici, persistent encore de nombreux chocs culturels et certains moments d’incompréhension. Mais justement, ces différences culturelles me fascinent vraiment !
A ce propos, souvent je me réfère à cette anecdote, empruntée à mon ancien professeur d’anglais à l’Université, irlandais d’origine et vivant en France depuis plus de 30 ans. Il m’avait alors dit que les Anglo-saxons (contrairement aux Français) ouvraient facilement leurs bras aux étrangers, et qu’il était donc très facile de se faire de nouvelles relations. Alors que les Français, bien qu’étant assez méfiants au premier abord et mettant plus de temps à ouvrir leurs bras, une fois qu’ils les avaient ouverts, ils les refermaient ensuite autour pour faire une accolade et ainsi sceller leur amitié. Bref, on peut faire ici un grand nombre de rencontres en peu de temps, mais il est plus difficile d’approfondir les relations.
Je suis néanmoins très heureux de vivre à Sydney, qui est une ville splendide, et dont la région regorge de richesses naturelles (montagnes, vignobles, côtes et plages magnifiques). J’ai aussi maintenant un grand cercle de très bons amis de toutes les nationalités, et je ne m’ennuie jamais !"

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

"On dit que les voyages forment la jeunesse, et il n’y a rien de plus vrai ! Voyager, cela permet d’apprendre sur les autres, sur le monde, et sur soi-même. Alors mon meilleur conseil serait de dire : lancez-vous ! Forgez-vous une expérience en Métropole ou à l’étranger, découvrez un pays, une nouvelle culture, apprenez une langue, et faites valoir votre identité réunionnaise. Quand vous rentrerez à la Réunion, vous aurez un nouveau regard sur le monde et sur vous-même, qui ne pourra qu’être bénéfique pour votre carrière professionnelle et votre vie en général.
Avant de quitter la Réunion, j’appréhendais un peu : comment allais-je me débrouiller loin du cocon familial ? Puis en partant pour l’Australie, je me demandais comment je ferais pour m’adapter à une nouvelle culture. Et puis finalement, à chaque fois, on prend confiance en soi, on se découvre de nouvelles capacités, et on sort grandi de toutes ces expériences !"

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?

"C’est une formidable entreprise ! Tisser des relations entre expatriés pourra sans aucun doute participer au dynamisme et au développement de l’île. Je souhaite sincèrement bon vent à ce site Internet !"

En savoir plus sur le travail de Julien.

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