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Khadigea Klingele, 29 ans, juriste en Allemagne

Publié le 11 février 2008
Khadigea Klingele
Khadigea (avec son mari Matthias) vit dans la Sarre, près de la frontière avec l’Alsace. Elle travaille à la fois en France et en Allemagne.

Racontez-nous votre parcours.

"Je suis née á St-Denis mais j’ai grandi á Ste-Marie. Mes parents sont commerçants. J’ai deux soeurs et un frère qui sont tous en métropole. Je suis allée au Lycée Leconte de Liste de St-Denis, le "Butor" comme on l’appelle".

Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter l’île ?

"Après mon bac, j’ai fait mon Deug de Droit á la Réunion, puis j’ai décidé de quitter l’île pour continuer mes études en Métropole, à Montpellier. Je voulais me spécialiser en droit privé puis en droit notarial. Cela n’existait pas á l’époque á la Réunion. Ma soeur cadette faisait médecine á Montpellier, alors j’ai choisi d’aller aussi là-bas".

Comment cela s’est-il passé ?

"Je suis arrivée á Montpellier en 1998 et il a fallu très vite s’adapter : nouvelle fac, nouvelle ville, nouveaux amis. Ma soeur était déjà à Montpellier, et il y a pas mal de Réunionnais sur place ! Il a fallu tout de même apprendre á organiser son quotidien : courses, ménage, cours á la fac. J’ai ressenti une ambiance bizarre á la fac : méfiance, concurrence... Ce qui m’a dérangé á Montpellier, c’est le racisme latent, les préjugés, du genre "quoi, vous ne faites pas cours sur une plage avec des cocotiers ?".

Et ensuite ?

"J’ai fait une année à l’Institut d’Etudes Judiciaires pour finalement aller faire une DEA de droit comparé de la consommation á Chambéry et à Lausanne (2002). Puis une année d’échange á Mayence en Allemagne pour enfin commencer une thèse en cotutelle (Montpellier-Sarrebruck, Allemagne). J’en suis á ma 5e année. Je travaille comme chargée de Travaux Dirigés á la Fac de droit depuis octobre 2005. Je suis ATER (Attaché Temporaire d’Enseignement) á l’Université de Robert Schuman á Strasbourg depuis septembre 2006".

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

"La flexibilité et l’adaptation. Je sais maintenant qu’il faut toujours aller de l’avant. J’ai pas mal bougé. J’ai fréquenté différents systèmes universitaires (suisse et allemand). J’habite désormais en Allemagne et je suis mariée á un Allemand".

Quels sont vos projets ?

"D’abord terminer ma thèse, puis devenir Maître de conférences á la Fac. J’aime l’enseignement, la transmission de savoirs. J’aimerais rester dans la région".

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

"Mes parents, la cuisine créole, le soleil".

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

"C’est difficile de décrire la Réunion sans tomber dans la caricature. Cela fait presque dix ans que je suis partie. On a l’impression qu’il y d’un côté l’assistanat, et de l’autre ceux qui réussissent. Entre les deux, il n’y a plus grand monde. Ce qui me fait peur c’est l’insécurité, le chômage, et la montée du racisme. Les jeunes baissent souvent les bras, mais est ce qu’on leur donne toutes les chances de s’en sortir ?"

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

"Venir de la Réunion, ce n’est ni avantage ni un désavantage. En Allemagne, les gens sont souvent surpris quand j’explique d’où je viens. C’est vrai que pour les entretiens, cela permet de lancer la conversation".

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

"Depuis quelques semaines, par le biais de votre site Internet, j’ai des contacts avec des Réunionnais installés en Allemagne. D’ailleurs je vais rencontrer une Réunionnaise á Berlin á la fin de la semaine".

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

"En Allemagne, les gens ont cette image d’une île paradisiaque. Ici, on n’a pas entendu parler du Chik. Les gens sont curieux. Ils sont souvent surpris de cette terre de métissage, de brassage de cultures, bref de notre "melting-pot".

Vous même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

"Je vis en Allemagne depuis cinq ans et cela fait quatre années que je suis dans le Land de la Sarre. On est frontalier avec la France et le Luxembourg. En Sarre, on est en Allemagne tout en étant un peu en France. Les gens sont accueillants, civiques, mais prennent le temps de vivre. Ici, on fait la queue sans se poser de questions, on ne traverse pas au feu rouge, on ne met pas de clôture à sa maison et on mange bien..."

Cela a l’air parfait.

"On a souvent l’image en France, des Allemands comme étant très "carrés". C’est en partie vrai. Mais ce n’est pas la Sarre ! Je dois dire que j’apprécie de vivre ici, même s’il fait froid en hiver mais on a de la neige...Certes, au début, c’était difficile car je ne parlais pas l’allemand couramment, je ne connaissais personne et c’était déprimant d’aller en cours á la fac et ne pas comprendre grand chose ! Mais on s’adapte".

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

"Il faut bouger, voir d’autres horizons. D’ailleurs cela vaut aussi pour nos Métropolitains. J’en connais beaucoup qui n’ont jamais quitté leur région. Bouger, cela permet de s’adapter, de devenir autonome et indépendant".

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?
"Très bon site. Il nous permet de garder un lien avec la Réunion".

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