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Laurence Rassaby, directrice des ventes pour une société américaine en Suisse

Publié le 20 avril 2006

A 30 ans, Laurence porte une double casquette de scientifique et de femme d’affaires. Docteur en pathologie (six ans de recherche sur les maladies infectieuses à travers le monde), elle est aujourd’hui directrice des ventes en Suisse pour une multinationale américaine fondée en 1907 et spécialisée dans le domaine médical. Basée à Zurich, elle dirige la division cardiologie de la société pour la Suisse. On lui a aussi confié le suivi de quelques clients à la Réunion, car le développement de son île lui tient beaucoup à coeur.

Laurence Rassaby
Laurence lors d’un congrès de cardiologie à Prague.

Racontez-nous votre parcours.

"Je viens d’une famille modeste originaire de l’Est de l’île. J’ai habité Sainte-Suzanne pendant les 21 premières années de ma vie. J’ai quitté l’île après ma licence de Biologie pour terminer mes études. J’ai eu l’occasion d’y revenir de temps en temps pour mon travail, mais je suis toujours repartie faute de débouchés professionnels".

Quels sont vos diplômes ?

"En 1996, j’ai décroché une maîtrise de Biologie à l’Université de Toulouse, suivie par une école d’ingénieur à Angers. J’ai ensuite intégré un institut de recherche agronomique à Montpellier où j’ai fait ma thèse sur une maladie de la canne à sucre (retours réguliers à la Réunion car j’avais une bourse de thèse de la Région). En 2001, j’ai obtenu mon Doctorat en pathologie et j’ai fait mon post-doctorat sur les viroses de la vanille. J’ai ouvert un laboratoire de biologie moléculaire au Ghana pour étudier une maladie du cocotier".

C’est alors que vous avez quitté le milieu de la recherche...

"J’ai été déçue par ce milieu : réalité trop éloignée de la théorie et des objectifs, peu de moyens, lenteur administrative... En 2004, j’ai posé ma démission et j’ai intégré peu après une société américaine spécialisée dans le secteur médical. J’ai été mutée à Zürich en Suisse avec une hiérarchie allemande (sans parler un mot d’allemand !). Je dirige aujourd’hui la division cardiologie pour toute la Suisse".

Vous êtes passé du monde de la recherche à celui des affaires.

"Ce que je trouve vraiment dommage, c’est que le monde du travail en France est si rigide et conservateur, qu’on ne m’a pas fait confiance à l’époque de mon changement de carrière, prétextant un parcours professionnel atypique et des diplômes trop élevés et donc difficile à recaser. Il était impensable pour eux que je puisse réussir en passant de la recherche au monde des affaires, si bien que j’ai dû m’expatrier à nouveau pour retrouver du travail. Les Anglo-Saxons sont, sur ce domaine, plus ouverts d’esprit car ils donnent plus de poids à l’individu. La France perd ainsi beaucoup de gens qu’elle a formés".

Laurence Rassaby
Dans une plantation au Ghana...

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

"Grâce à mes deux expériences professionnelles (six ans dans la recherche et deux ans dans le monde des affaires), j’ai énormément voyagé dans le monde. J’ai pu ainsi avoir une vision plus objective de la société actuelle. Je me suis rendue compte que ce que nous voyons à travers les médias ne représente pas tout à fait la réalité".

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

"Je ne rate jamais l’occasion de préciser à mes interlocuteurs que je suis originaire de la Réunion, un tout petit point dans l’Océan indien. Je suis fière de dire que mon île n’est pas qu’une destination touristique où l’on ne trouve que des cocotiers, des plages et des maisons en paille. J’insiste sur le fait que la Réunion fait partie de l’Europe et que l’’île est bien développée. Malheureusement le fort de taux de chômage, les problèmes d’axes routiers et maintenant le chik n’aident pas à voir l’avenir économique en rose. J’espère que ces problèmes ne seront que passagers".

Quelle est l’image de l’île là où vous vivez ?

"Les Suisses voyagent beaucoup en général et ils aiment assez les îles en tant que destinations touristiques. Ils connaissent et situent assez bien la Réunion. Malheureusement avec le chik, les remarques ne sont pas positives ; la télévision suisse a beaucoup parlé de l’épidémie et ils ont à présent peur de venir à la Réunion. Ils s’interrogent sur les mesures prises pour éviter la contamination des autres régions. Ce qui m’énerve avec les médias, c’est qu’ils parlent beaucoup des morts, du nombre de contaminés, etc., mais quand cela va mieux, ils oublient complètement de le dire".

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

"Inconvénients :
- avoir peur de l’espace : quand on vient d’une petite île, il est difficile d’appréhender les grands espaces, on se sent vite perdu (du moins au début).
- devoir se battre davantage pour être crédible : le côté "exotique" n’est pas toujours un avantage, on doit se battre plus que les autres pour affirmer sa personnalité et faire valoir ses diplômes.
Avantage : dans le milieu des affaires plus que dans la recherche, je joue justement sur le métissage et le côté "exotique" pour exprimer ma différence et captiver mes interlocuteurs. Je marque plus les esprits, c’est important dans les métiers liés à la communication".

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