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Les ravages de l’alcool à La Réunion

Publié le 25 mai 2017

Une analyse historique et économique des raisons pour lesquelles l’alcool fort est vendu trois fois moins cher dans les DOM que sur le territoire national et qu’il y cause bien plus de dégâts. Par Stephanie Marqui, diplômée de l’EHESS - École des hautes études en sciences sociales et de l’Université de la Réunion, enquêtrice INSEE.


Stephanie Marqui : Vous trouverez ci-dessous* le courrier que j’envoie petit à petit aux élus, associations et personnalités publiques. La fiscalité sur l’alcool est dix fois inférieure dans les DOM. A budget égal on peut y consommer quatre fois plus d’alcool pur, devenir dépendant plus vite et faire plus de dégâts : psychoses, violences, accidents, rixes, viols, homicides, suicides, enfants porteurs de pathologies...

Le prix des rhums bas de gamme dans nos départements est 3 à 4 fois inférieur à celui de toute autre spiritueux revendu sur le territoire national. Notre taux de consommateurs à risque chronique – buveurs quotidiens ou amateurs d’ivresses ponctuelles – est cependant inférieur à la moyenne nationale. Mais, ici, avec le même pouvoir d’achat, les personnes dépendantes peuvent consommer 3 à 4 fois plus d’alcool pur que s’ils vivaient dans l’Hexagone. Les dégâts sur leur santé sont 2 à 4 fois plus importants qu’en métropole, mais ils sont également responsables de 2 à 7 fois plus de souffrances causées à des tiers : violences intra-familiales, agressions, viols, accidents, homicides…

Un alignement de la fiscalité réunionnaise sur celle appliquée en métropole se traduirait par une augmentation de 8,2€ du prix du litre de rhum à 40 % vol., de 10,14€ sur le litre à 49 % vol. et 11,43€ sur le litre à 55 % vol. Soit 16 à 50€ de plus sur le budget alcool d’un ménage ordinaire, qui achète 2 à 5 bouteilles de rhum par an pour sa consommation personnelle ou offrir à ses hôtes – sous forme de rhum arrangé ou de punch. Une personne dépendante atteindra ce même différentiel en quelques jours.

Alors que le schéma économique actuel gratifie la revente locale, l’application d’une fiscalité de droit commun encouragerait l’export et en particulier la production de rhum agricole. L’aide indirecte dont bénéficie l’industrie du rhum, grâce à ces fiscalités dérogatoire – d’environ 55 millions par an – pourrait, par exemple, être reversée sous forme d’aide directe, sans condition de revente locale. Elle permettrait à l’ensemble de la filière canne de se tourner vers l’innovation, la qualité et la conquête de nouveaux marchés, avec la démultiplication des emplois qui en découlerait. Dans la mesure où nous ne ciblerions que des pays dont les pratiques de prévention et de prise en charge des addictions sont respectueuses des Droits Humains, pourquoi pas ? Moins de morts, moins de souffrance, et plus d’emplois.

http://nobargain.org / www.facebook.com/Equal-rights-equal-taxes-1894478810780017


* Madame, Monsieur,

Depuis quelques années je travaille sur une série documentaire sur le commerce de psychotropes dans l’océan Indien. Rapidement j’ai intégré les boissons alcoolisées au propos. Jusqu’à très récemment, j’attribuais l’abus d’alcool dans notre département à un héritage comportemental : l’eau-de-vie de canne à sucre était un résidu – au sens littéral – de la production de sucre, distribuée aux esclaves pour leur donner le cœur à la tâche, ou revendue à perte. Avec l’Abolition de l’esclavage, le rhum acquiert une valeur relative. Parmi les nouveaux citoyens, certains ont été rendus dépendants et rachètent désormais du rhum à leurs anciens maîtres dans la mesure de leurs maigres moyens – les affranchis ayant rejoint la masse des indigents et petits-blancs dans l’extrême misère. Entre 1848 et 1852, la vente de rhum passe de 500 000 à 1 600 000 litres par an.

Forts de leur expérience, et peu désireux de payer salaire et billet retour à leurs nouvelles recrues, des travailleurs engagés en meilleure forme physique que les 62 000 « meubles » auxquels ils devaient jusque-là nourriture et foyer, les grands propriétaires terriens abreuvent gratuitement leur main d’œuvre immigrée, 16h par jour, 6 jours par semaine. Puis déduisent – jusqu’à 25 francs par litre – leur consommation dominicale sur le solde promis. Sur la base d’un salaire annuel de 100 francs, une grande partie des travailleurs libres se retrouvent endettés à vie. Pour enrayer les suicides, les maîtres arrachent les yeux des cadavres, persuadant les Indiens qu’ils ne retrouveront pas le chemin pour se réincarner sur leur terre natale.

A cette époque, au moins 78% des « violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner » entre hommes et au sein du couple sont commises sous – forte – influence alcoolique. Cet élément n’est pas systématiquement apporté aux 220 autres dossiers étudiés et n’a donc pas pu faire l’objet d’une étude statistique. En revanche, sur les 1500 affaires d’homicides et de viols jugés par la cour d’assise de La Réunion entre 1980 et 2000, les chiffres sont fiables : 65% des auteurs étaient sous influence alcoolique au moment du passage à l’acte, dont 59% en état d’ivresse très avancée ; 40% de ces crimes ont été commis par des personnes souffrant de dépendance alcoolique très avancée, en particulier 68% des viols d’un père sur son enfant.

A aucun moment au cours de ces recherches je n’ai même imaginé – ni les experts judiciaires d’ailleurs – que cette consommation excessive en rapport avec le passage à l’acte criminel était à mettre en lien avec une inégalité des taxes, et donc des prix. C’est-à-dire la possibilité, à revenu équivalent, pour un citoyen français résidant à La Réunion de consommer 10 fois plus d’alcool pur qu’un citoyen français vivant en métropole. A condition de porter son dévolu sur les boissons locales à base de canne à sucre.


Enquêtrice Insee depuis deux ans, affectée une fois par semaine aux relevés de prix, je notais des différences d’au moins 10€ entre le prix moyen du rhum local et les spiritueux importés en période promotionnelle. J’ai vu des hommes et des femmes se planter devant le rayon des alcools forts locaux, comparer attentivement les prix au litre, sortir de la monnaie de leur poche, la compter et la recompter, puis finalement repartir avec la boisson dont le prix du centilitre d’alcool pur était le plus bas. Le tout de tête, sans prendre de notes ni utiliser de calculette.

Lorsqu’ils n’en avaient pas les moyens ils se rabattaient sur des volumes ou des taux inférieurs mais toujours dans l’optique d’optimiser l’achat d’alcool pur en fonction de l’argent à leur disposition immédiate. Ça je ne l’ai pas compris toute seule, c’est en leur demandant, gentiment, pourquoi ils avaient passé 5 minutes à tenir et retourner le litre à 49 % vol. pour finalement le déposer et attraper sèchement un Esprit de Canne ou un Bourbognac, respectivement à 36 et 35% vol. mais moins cher. Je me suis mise à observer et à prendre des photos de passages en caisse, en faisant semblant d’écrire un texto. Lorsque la bouteille ou la pile-plate n’est pas achetée seule, c’est avec de la lessive en poudre et des sardines à l’huile à 0,69€, parfois 0,68. Là encore j’ai tapé la causette, ceux qui ont un domicile font aussi cuire du riz, les autres mangent à même la boite.

A force d’enquêtes personnelles dans les hyper, supermarchés, commerces de proximité et petites boutiques, basées sur des produits de consommation usuelle, j’ai réalisé qu’un litre de rhum coutait le même prix que 5kg de riz, 4 steaks hachés, 6 poissons pané, 12 yaourts aux fruits, moins cher qu’un poulet surgelé, etc. Je n’ai commencé à faire le lien avec des questions fiscales qu’en mars dernier.

Dans le droite lignée de son Livre Blanc et de la Charte contre l’usage nocif et abusif de l’alcool mise en place avec la directrice de cabinet du Préfet Madame Julie Bouaziz en 2015, le Docteur David Mété, en sa qualité de président de la Fédération régionale d’addictologie de La Réunion (FRAR) organisait un colloque « Pour un usage responsable de l’alcool » réunissant producteurs de rhum, médecin, associations et décisionnaires politiques pour envisager le développement de la filière rhum dans le contexte d’un alignement des droits à la santé et à la sécurité des citoyens vivant en outre-mer avec ceux vivant en métropole.


D’après les informations dont il disposait à l’époque – et qui n’ont pas été démenties par les membres de l’assistance informés de leur caractère erroné – il s’agissait de multiplier par deux les droits de consommation sur l’alcool et d’aligner la cotisation de sécurité sociale de 0,4 €/l. sur celle de la métropole de 557,9 €/HLAP.

En 2016, au lendemain d’un dramatique accident de la circulation, la demande par Madame Bareigts d’un rapport sur le lien entre la fiscalité des rhums et la santé publique dans les départements d’outre-mer m’a laissé croire, espérer, qu’elle profiterait de son statut de secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre pour l’informer ainsi que les autres membres du gouvernement au sens large et l’administration centrale, de cette situation de non-droit et de ses effetssur la santé et la sécurité des personnes mais aussi sur l’équilibre économique et social des départements ultramarins.

Le rapport « Réduire les inégalités face au risque alcool à La Réunion » lui a été remis au moment de son installation rue Oudinot. J’ai pensé qu’elle pèserait avec encore plus de poids pour la défense de nos droits les plus élémentaires. Au bout de quelques semaines, et même quelques mois d’exercice, elle n’a toujours pas accusé réception du rapport alors qu’elle encense, à la fois sur le site web de son ministère et lors des assemblées publiques, l’industrie du rhum comme un « pilier de l’économie outre-mer ».

Désorientée, je contacte un ami qui a intégré son cabinet. Il me dit qu’il ne se passe pas un jour sans que Madame Bareigts n’évoque les problèmes de suralcoolisation dans son île. Il se dit surpris qu’aucun message n’ait été adressé au Docteur Mété et m’assure qu’il ne s’agit que d’un oubli ou d’une erreur. Il insiste sur la priorité qui est donnée par le Ministère à la question et sur la nécessité de négocier avec les producteurs et distributeurs de rhum, très fortement représentés dans les deux assemblées. Selon lui, ils seraient prêts, en échange d’une augmentation de leurs quotas à accepter l’alignement de la cotisation de sécurité sociale.

J’étais sans doute dans l’attente qu’on me rassure, qu’on me rendorme. J’avais été validée dans ma croyance, simpliste et aveugle, que les éléments de droit – et de fiscalité notamment – résultent d’examens minutieux et font l’objet de décisions mûrement réfléchies de la part des élites économiques et politiques auxquelles nous avons pour habitude, en démocratie, de déléguer les décisions relevant de l’intérêt collectif.

Jusqu’à un soir de novembre. Le Docteur Mété, lui-même sous le choc, m’a transféré un récapitulatif de la fiscalité sur les spiritueux revendus à La Réunion. D’après son auteur, un douanier en exercice, les rhums fabriqués localement ne seraient soumis qu’à 38,11€ de droit d’accise, 106,71€ de droit additionnel à l’octroi de mer et une cotisation de sécurité sociale de 0,4€ le litre. Contre un taux plein de 1737,56 €/HLAP de droit d’accise et 557,90 €/HLAP de CSS.

Un mois plus tôt, dans le JIR, le Docteur Mété avait estimé à 80 le nombre de décès directement imputable à la fiscalité dérogatoire sur les alcools locaux. Sur la base du différentiel de 557,90 €/HLAP – 0,4 €/l. de cotisation de sécurité sociale (soit une économie de 476,30 €/HLAP sur le rhum à 49 % vol) mais surtout d’« une réduction de 50 % du droit d’accises », soit d’une économie de 868,29€ par hectolitre d’alcool pur. Selon les chiffres fournis par ce douanier le rapport entre la fiscalité d’accises hors CSS n’était pas du simple au double mais d’un à douze.

Dans un premier temps, je n’y ai tout simplement pas cru. Je pensais que mes droits, et notamment mon droit à la sécurité et mon droit à la santé, étaient les mêmes que ceux de mes sœurs et frères citoyens français résidant en métropole. Je comprenais la logique d’un avantage fiscal sur le marché national en faveur de nos rhums, face à des produits aux coûts de production de 3 à 4 fois moins élevés – en raison de normes environnementales et de protection sociales inférieures. Mais il n’était pas envisageable à mes yeux que les droits de consommation sur l’alcool ne s’appliquent pas à nos productions locales. Il ne pouvait s’agir que de complotisme ou d’une erreur de virgule. C’est d’ailleurs à décharge que j’ai mené mes premières investigations.

En premier lieu, j’ai été surprise par le nombre de personnes à haut niveau de responsabilité liées à ces questions qui s’avouaient, en toute bonne foi, incapables de me répondre. Ils m’ont réorienté, entre autres, vers la Direction générale des Outre-Mer. C’est le silence de mon interlocuteur qui m’a mis sur la piste. Tout en reconnaissant le caractère public de ces informations, mais « étant donné la sensibilité actuelle du dossier » (de mémoire, je n’avais pas encore installé l’application d’enregistrement d’appel)il refusait de répondre à ma demande. Puis son soulagement de pouvoir dialoguer ouvertement lorsque je l’ai rappelé, au bluff, une heure plus tard, en lui disant que ses supérieurs hiérarchiques avaient confirmé l’information.

Le dimanche suivant j’ai rappelé mon ami qui a, cette fois de manière explicite et enregistrée, confirmé l’ensemble de ces nouveaux éléments et surtout expliqué les raisons de tant de mystère. Rien à voir avec des enjeux de santé publique : en 1993, au moment de l’instauration du marché unique, la France n’a pas déclaré – de façon probablement involontaire d’ailleurs – que les droits de consommation ne s’appliquaient pas aux rhums et spiritueux des DOM consommés dans les DOM. Dès lors, chaque nouveau gouvernement en place, chaque nouvel élu, chaque nouveau ministre, pouvait difficilement prendre sur lui d’en informer Bruxelles.

Je ne pense pas qu’ils aient été dupes de la manipulation dont ils faisaient l’objet. Malgré ce qu’en disent les membres du Cabinet Bareigts, le risque d’une demande de remboursement rétroactif de ce qui est une aide indirecte et une atteinte aux règles de la concurrence applicables sur le territoire européen n’est qu’un épouvantail, utilisé par les producteurs de rhum et repris à leur compte par nos femmes et hommes politiques pour justifier leur inaction. Et je compatis pour avoir vécu, au cours de ces dernières semaines, le tourment de devoir prendre une décision dont la portée dépasse celle de notre propre personne, alors que je ne suis même pas en mesure d’expliquer le mécanisme juridique qui permet ces dérogations, ni de prévoir les conséquences de leur révélation et de leur abrogation.

Je doute que Madame Bareigts soit fière d’avoir négocié avec les producteurs de rhum avant de produire une proposition timorée et inutile d’une hausse progressive de la cotisation de sécurité sociale. Il est établi que seule les augmentations brutales et significatives (supérieures à 10%) des prix ont une répercussion sur les volumes de consommation. Je ne sais pas où elle a trouvé la force de se modérer, d’aborder sans rage cette discrimination violente, basée sur une fiscalité anachronique et la condescendance entre hommes colonialistes et hommes colonisés.

Certes, je suis sensible aux autres inégalités qui touchent nos départements, mais je ne pense pas qu’il ait été judicieux ni même légitime de la part du Ministère des Outre-Mer en place de négocier la création d’un dispositif parallèle au lieu d’exiger tout simplement l’abrogation de l’article L758-1 du Code de la sécurité sociale et l’application du droit commun dans nos départements. L’obstination à négocier que les bénéfices de l’augmentation de la CSS dans les DOM soient réaffectés à des problèmes spécifiques au DOM, en matière de logement social notamment, relève, à mon sens, au mieux d’une mauvaise évaluation des priorités, au pire d’un sabotage. En janvier dernier, le Ministère des Outre-Mer a raté une occasion d’augmenter le prix de l’alcool dans nos départements et donc d’en réduire un tant soit peu les dommages.

Mais il est difficile, lorsque l’on est un citoyen lambda, de mesurer l’ampleur des contraintes rattachées à l’exercice du pouvoir politique. Surtout dans le contexte insulaire, chacun est enchaîné par des loyautés et services rendus, des liens familiaux, amoureux ou amicaux. Comment intervenir alors que toutes ces personnes que l’on admire et que l’on respecte étaient au courant et ont choisi de laisser faire ? Que ceux qui profitent des largesses de la France ne sont ni plus ni moins que la plupart des lettrés d’entre nous, des héritiers du bon côté du système. C’est sans doute à ce dilemme que sont confrontés nos élus ultramarins.

Les mêmes loyautés, au fond, que celles qui enferment les personnes dépendantes. Comment s’admettre à soimême, sans être submergé par la soif, qu’il n’y a plus que du mépris dans les regards de sa compagne et de ses enfants ? Qu’on ne sera jamais autre chose qu’un chômeur, qui n’oubliera plus de pointer à pôle-emploi ? Comment s’inscrire en faux par rapport à son père, son grand-père, ses frères, ses camarades ? Entrer en conflit avec les seuls qui nous ont acceptés tels que nous sommes ? Comment ne pas leur renvoyer une image de décadence et de mort en leur tournant le dos, vers le désir d’autre chose ?

Les hommes, surtout, ont besoin d’une excuse, d’un prix hors d’atteinte, pour justifier leur désir de cesser de boire, sans renoncer à leur existence sociale et à leur virilité. Comme nos élus locaux, de l’intercession d’une instance supérieure, pour ne plus avoir à trancher entre un mode de vie prospère et des perspectives de carrière d’une part, leurs idéaux et leur intégrité morale de l’autre. 5 Je reconnais qu’il est difficile, dans le feu de l’action, d’identifier les urgences. Des hommes saouls, on en voit du matin au soir à La Réunion, comme des chiens au bord de la route. Peut-être que certains s’habituent. Plus probablement chacun compose. Il y a les traites à payer, les enfants qui vont bientôt entrer à l’université.

Des préoccupations étrangères à la plupart d’entre nous, mais qui doivent être bien agréables. Je comprends que l’on ne risque pas sa carrière pour un clochard, qui n’avait d’abord qu’à pas commencer. Et qui, de toute façon, est déjà moitié mort. Il ne s’agit pas toujours de carrière ou de corruption, de la peur de perdre un siège ou le soutien d’un parti, mais peut-être celle d’avoir mal évalué les risques pour le bien commun qui découlerait d’un alignement des taxes sur les alcools aux rhums et spiritueux produits et consommés dans les DOM. 

Ce que je sais, en revanche, c’est que sur la base d’un différentiel fiscal de 1 427,17 €/HLAP, Monsieur le Docteur David Mété estimait que 80 décès pourraient être évités chaque année grâce à notre droit à l’égalité devant l’impôt. Il se trompait de 1 200 €/HLAP environ. La situation des DOM français est une aberration législative. L’alignement de la fiscalité sur les rhums et spiritueux produits et consommés dans les DOM avec celle appliquée à l’ensemble des autres spiritueux revient à la multiplier par 10. Et leurs prix par 3.

La plupart des études portent sur des augmentations fiscales de l’ordre de 10%. La méta-analyse menée en 2010 par Alexander Wagenaar, Amy Tobler et Kelli Komro a observé que la multiplication par deux de la fiscalité sur l’alcool diminue la mortalité de 35%, les accidents mortels de la circulation de 11%, la transmission d’infection sexuellement transmissibles de 6%, la violence de 2% et les crimes de 1,4%. Aucune étude n’a jamais été réalisée sur un différentiel d’une telle ampleur. Mais au fond, qu’importent les chiffres ? Une mort évitable est toujours une mort de trop.

Pour revenir aux risque d’une demande de remboursement du trop-perçu indirect, j’ai vérifié auprès des instances concernées, qui ont – petit scoop au passage – lancé au moins deux enquêtes suite à nos brefs échanges. La rétroactivité depuis 1993 est peu probable. En revanche le coup d’arrêt de cette pratique illégale, à la fois sur le plan commercial et des droits de l’Etre Humain n’est plus qu’une question de temps. A ce jour, je n’ai trouvé personne capable de m’expliquer pourquoi les droits de consommation sur l’alcool ne s’appliquent pas dans les DOM. L’hypothèse m’a été proposée qu’ils font partie du territoire douanier de l’Union Européenne mais n’appartiennent pas à son territoire fiscal. De mon côté, je soupçonne que ce droit préexistait à la Loi de Départementalisation, qui ne concerne que les « lois nouvelles » ; le Préambule de la Constitution de 1946 n’ayant pas valeur juridique sous la IVème République. Ce n’est qu’une piste.

Je suis très loin d’avoir démêlé l’empilement de lois et d’exceptions qui permettent à ce système de fonctionner au bénéfice d’une poignée – informée, avisée, conseillée et organisée. J’ai besoin d’aide – nous avons besoin d’aide – de vos réflexions de vos actions, de vos suggestions. C’est dans ce cadre que je vous adresse la présente synthèse ainsi qu’à plusieurs organismes, administrations, juristes, laboratoires de recherches, médias et associations. N’hésitez pas à transmettre ce message à des collègues ou connaissances éventuellement en mesure d’y apporter un nouvel éclairage.

Je vous suis vivement reconnaissante de votre attention, et de vos éventuels retours et suggestions.

Stephanie Marqui - http://nobargain.org / www.facebook.com/Equal-rights-equal-taxes-1894478810780017

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