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Yohann Guérin, coordinateur culturel à l’Alliance Française de Pondichéry

Publié le 25 janvier 2018

A 29 ans, ce Saint-Paulois occupe un des postes de Volontaire de solidarité internationale à pourvoir régulièrement dans l’océan Indien et ouverts à des Réunionnais : « Le mode de vie ici me rappelle beaucoup celui de La Réunion ou de Maurice, ce qui n’est pas étonnant puisque qu’une grande partie des engagés indiens ayant immigrés dans les îles venaient de la côté Coromandel et du Tamil Nadu... »


Pouvez-vous vous présenter ?

Yohann Guérin, 29 ans. J’ai grandi dans la commune de Saint-Paul. J’ai commencé mes études de Lettres Modernes à l’Université de la Réunion, avant de les poursuivre à Montréal et à Paris, jusqu’à obtenir une maîtrise en Littératures francophones. Ayant commencé à travailler dans le secteur de l’événementiel culturel pendant mes études, j’ai décidé de m’orienter dans cette voie professionnelle. J’ai alors intégré un master professionnel en Communication Interculturelle et Ingénierie de Projets, à la Sorbonne Nouvelle, à Paris : une formation qui prépare aux carrières du champ culturel, notamment dans la conduite de projets de développement interculturels. Voilà un an que je travaille en Inde à l’Alliance française de Pondichéry, en tant que Volontaire en Solidarité Internationale avec France Volontaires.

Quel a été votre parcours de "mobilité" ?

Ma toute première expérience à l’étranger fût lors d’un voyage linguistique effectué au collège, à Exeter, une petite ville du sud-ouest de l’Angleterre. Un premier dépaysement réussi car j’ai vite compris que je voulais continuer à voyager. J’ai « sauté la mer » à nouveau quelques années plus tard pour étudier un an à l’Université de Montréal, au Québec, où j’ai achevé ma licence de Lettres Modernes. Les six mois d’hiver canadien m’ont préparé à affronter ensuite la grisaille parisienne pendant six années, durant lesquelles j’ai achevé mes études à la Sorbonne et commencé à travailler. L’Inde du sud constitue aujourd’hui une nouvelle étape dans ce parcours. Retour aux sources avec un climat tropical !

En quoi consiste votre mission ?

J’ai un poste de coordinateur culturel, en appui au département Culture et Communication de l’Alliance française. Ma mission se décline en deux volets. J’assiste à l’organisation des activités culturelles programmées tout au long de l’année à l’Alliance française. En ce moment, nous travaillons notamment sur les événements du festival Bonjour India, un événement annuel national de trois mois (18-nov.17 / 25-fév.18) qui célèbre dans toute l’Inde l’amitié franco-indienne, à travers des projets de collaborations pluridisciplinaires. Parallèlement à ce travail, je suis également en charge de projets de coopération culturelle entre l’Inde et La Réunion, à travers notamment la mise en œuvre de collaborations entre des artistes indiens et réunionnais.

Quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

Pondichéry est une ville très agréable à vivre. Ce n’est pas une mégalopole indienne qui fourmille de monde et de trafic. C’est davantage une petite ville de province (avec quelques 250 000 âmes tout de même). Le mode de vie ici me rappelle beaucoup celui de La Réunion ou de Maurice, ce qui n’est pas étonnant puisque qu’une grande partie des engagés Indiens ayant immigrés dans les îles venaient de la côté Coromandel et du Tamil Nadu (cf. Moutoussamy & fils…). J’ai moi-même des origines indiennes et de Pondichéry du côté de ma famille maternelle à l’ile Maurice. C’est assez drôle, du coup, de se retrouver ici aujourd’hui ! Je dois dire que je ne suis pas trop dépaysé. On retrouve ici la même nature qu’à La Réunion, les palmiers, les cocotiers, les bougainvilliers ; j’achète même du chouchou et des margozes au marché ! Sans parler du climat tropical et de la présence de la mer…


J’ai beaucoup plus été dépaysé en allant dans le nord de l’Inde, qui est bien différent du sud. On dit qu’il vaut mieux commencer par découvrir l’Inde du sud avant l’Inde du nord… Le choc culturel est moins fort. Ce qui est sans doute vrai. Dans le nord – notamment dans les grandes villes – le mode et le rythme de vie indien sont beaucoup plus prenants et intenses, on n’est sans cesse sollicité par le bruit, le monde, le trafic. Les gens sont plus entreprenants aussi, ont une approche plus directe, parfois trop insistante (notamment lorsqu’on est pris pour cible touristique). Ce qui peut vite transformer le fameux choc culturel indien en une mauvaise expérience…

Cela est moins le cas dans le sud, j’ai l’impression, où même une mégalopole comme Chennai reste agréable à vivre. Il y a une douceur de vivre dans le sud de l’Inde ; le climat tropical… Je trouve aussi les Tamouls très humbles et réservés, parfois presque pudiques dans leurs relations. La confiance des gens ici ne se gagne pas à travers la parole ou les beaux discours, mais surtout dans l’attitude, la manière de se comporter. J’aime bien ce trait culturel. Mais attention, cela n’empêche pas qu’à Pondichéry, le la di la fé soit aussi présent qu’à La Réunion !

Que vous apporte l’expérience du volontariat solidaire ?

Sur le plan personnel, c’est une richesse inouïe de pouvoir voyager et vivre dans un pays étranger, au contact d’une culture différente. On apprend beaucoup sur nous-même en étant confronté à l’inconnu et à la différence. Ça permet de prendre un certain recul vis-à-vis de ce qu’on a toujours connu, de sortir de ses zones de confort. Les expériences à l’étranger forgent de toute évidence notre caractère et notre ouverture d’esprit. On doit s’adapter à d’autres codes, respecter d’autres valeurs, et surtout dépasser nos différences vis-à-vis de l’autre.

Sur le plan professionnel, être volontaire dans un pays étranger est tout simplement un atout et une plus-value considérable. Evoluer dans un contexte interculturel vous oblige à souvent vous surpasser, pour diverses raisons, et à mettre en avant certaines compétences souvent négligées. Je pense notamment aux « soft skills », comme le sens de la communication, de l’observation, de la diplomatie ou de l’adaptabilité, qu’on développe et perfectionne particulièrement en contexte interculturel. Ce sont des compétences essentielles qui permettent de gagner en professionnalisme.


Je suis heureux que la Région Réunion et les Fonds Européens accompagnent des structures comme France Volontaires en soutenant ces engagements volontaires et solidaires. C’est essentiel que le volontariat solidaire existe car il permet aux jeunes réunionnais de bénéficier d’une opportunité d’insertion professionnelle, mais aussi une occasion de développer un savoir-être.

Quels sont vos projets post-volontariat ?

Si l’occasion se présente, j’aimerais continuer à travailler dans le réseau culturel français à l’étranger, à évoluer en termes de poste et de responsabilités. Je ne serais pas contre une autre expérience en Alliance française ou dans un Institut français dans la zone océan Indien ou dans un pays asiatique (le Japon m’attire beaucoup !). Mais, j’ai aussi d’autres projets que j’aimerais mener à La Réunion. Je pense de toute manière revenir m’installer sur l’île à un moment donné, fort de mes expériences à l’étranger et surtout avec l’ambition de monter mes propres projets dans le secteur culturel.

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

Les Indiens connaissent très peu notre ’île encore. Ils ont généralement du mal à visualiser ou à se représenter une île française au beau milieu de l’océan Indien, qui plus est des attaches culturelles et identitaires avec l’Inde... Pour l’anecdote, j’ai rencontré à mon arrivée un jeune couple de Bombay, qui visitait Pondichéry. Après leur avoir expliqué où se situait La Réunion et décrit notre île dans ses grandes lignes habituelles (plages, nature, volcan...), en les incitant à y aller en vacances un jour, le mari me demande si nous avons aussi des villes industrialisées, des autoroutes et des centres commerciaux... Touché dans mon orgueil, je lui montre immédiatement les quelques – pauvres – images qu’on peut trouver sur Google.in du développement urbain de La Réunion. Les voilà un peu rassurés. Et tous deux de m’avouer en rigolant que lorsque j’ai parlé d’une île volcanique, ils ont tout de suite imaginé une île comme dans... Jurassic Park ! Mais il y a quand même beaucoup de gens à Pondichéry (des franco-pondichériens notamment) qui connaissent bien La Réunion. Beaucoup de Réunionnais ont des relations ou des connaissances ici, et beaucoup de musiciens réunionnais, aussi, sont venus se produire à Pondichéry. La musique réunionnaise y trouve un bon public !


Quel conseil pourriez-vous donner aux futurs volontaires ?

Pa kapab lé mor san eséyé ! Ce n’est jamais évident quitter son pays et sa famille, mais si c’est ce que vous voulez, il ne faut pas vous poser de question et le faire. Il faut se dire que La Réunion était une île inhabitée à l’origine et qu’elle ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui sans toutes ces personnes qui ont dû, à un moment donné elles aussi, traverser les océans... Que ces gens l’aient fait de leur plein gré ou en y étant contraints, c’est à eux qu’on doit aujourd’hui de vivre sur une île aussi belle. C’est donc un juste retour des choses, je me dis, que de partir à notre tour et aller à la rencontre de l’inconnu. Aucune société n’est faite pour vivre repliée sur elle-même. Et puis dites-vous qu’on ne se sent jamais autant Réunionnais que lorsqu’on on est à l’étranger, et qu’on rencontrera toujours à l’autre bout du monde un autre Réunionnais avec qui partager un bon rougail saucisse ! 

Portrait chinois de l’Inde


Si l’Inde était…

Un personnage célèbre : Gandhi bien sûr, qui reste le père de la nation indienne. L’anniversaire de sa naissance est célébré chaque année le 2 octobre : Gandhi Jayanti, qui est d’ailleurs une des trois fêtes nationales de l’Inde.

Un animal : La vache – sacrée – sans hésiter ! Il y en a à tous les coins de rue… Une fois j’ai retrouvé ma mobylette coincée entre deux vaches venues se nourrir aux abords du marché de fruits et légumes. C’est un Indien m’a aidé à la récupérer – sans déranger les vaches bien sûr !

Une couleur : L’orange, ou plutôt le safran, couleur présente sur le drapeau indien. Elle est souvent liée à la spiritualité. Les sâdhus qu’on voit souvent dans la rue portent des vêtements de cette couleur.

Une chanson : A défaut de vous citer la dernière chanson de Bollywood du moment, je citerais plutôt une jeune musicienne indienne : Mohini Dey, bassiste d’une vingtaine d’années, une véritable prodige qui a déjà joué avec les plus grands musiciens indiens et internationaux !

Un sport : Le cricket, sport national, aussi populaire que le football en Europe !

Un livre : Mohini ou l’Inde des femmes, de Rose Vincent, un livre qui date de 1977, que j’ai trouvé à la bibliothèque de l’Alliance, de 1977. A travers le récit d’une amitié entre une occidentale et une indienne, il retrace l’histoire de quatre générations de femmes, en mettant en relief la place de la femme dans la société indienne, et son évolution à travers le passage d’une Inde traditionnelle à une Inde moderne. L’auteure, qui a vécu quatre ans en Inde auprès de ces femmes, en dresse un portrait subtil et plein de finesse, sans tomber dans les raccourcis ou le jugement occidental qu’on a souvent sur le sujet. On comprend mieux toute la complexité de la culture traditionnelle indienne, notamment le poids de la pression familiale et sociale qui repose en grande partie sur les femmes. L’auteure arrive même à remettre en question les (in)certitudes de la femme occidentale à travers le miroir de la femme indienne, de ses combats et son émancipation, à trouver des résonnances au sein même des différences qui opposent ces deux figures. Un récit vraiment éclairant, qui reste d’actualité bien qu’il ait été écrit il y a plus de quarante ans déjà.


Voir : LES OFFRES DE MISSION FRANCE VOLONTAIRE DANS L’OCEAN INDIEN

Basé sur l’île, France Volontaires propose toute l’année des missions indemnisées de 12 à 24 mois en Afrique Australe et dans l’Océan Indien. Plus de 40 Volontaires de Solidarité Internationale originaires de La Réunion sont en permanence en mission dans des pays de la zone, en appui à des structures locales œuvrant pour la coopération régionale. Sur quels postes, dans quels pays et comment postuler ? Cliquez ici pour en savoir plus : De la Réunion, France Volontaires recrute toute l’année pour l’océan Indien

D’autres infos et portraits de Volontaires réunionnais dans l’océan Indien / La page Facebook

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