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Révolution des chemises rouges en Thaïlande : Olivier Robert témoigne

Publié le 26 avril 2010

La rubrique 974 World News réalisée en partenariat avec Le Quotidien donne la parole à des Réunionnais qui témoignent de l’actualité dans leur pays d’adoption. D’un père réunionnais et d’une mère métropolitaine, Olivier Robert a passé toute sa scolarité à La Réunion jusqu’à ses 20 ans. Il a ensuite poursuivi ses études dans une école de commerce en France puis à l’étranger. Habitant de Bangkok, là où les révolutionnaires tiennent plusieurs quartiers, il ne se sent pas particulièrement en danger mais il se dit « préparé à tout ».

Olivier Robert

Depuis quand êtes-vous basé à Bangkok et que faites-vous là-bas ?

Je vis à Bangkok depuis 2005 et je travaille en tant que développeur informatique. Je suis aussi marié depuis presque deux ans avec une Thaïlandaise.

Le soulèvement des chemises rouges a-t-il été spontané ou, au contraire, y a-t-il longtemps que la révolte menaçait d’éclater ?

En fait depuis le dernier coup d’état en 2006, la population est habituée à une instabilité politique constante. Les premiers ministres ne duraient pas plus que quelques mois. Avant les chemises rouges, les chemises jaunes avaient bloqué et envahi une partie de Bangkok et l’aéroport. La population Thaï s’attend toujours à des turbulences politiques et y est préparée.
Quant aux chemises rouges, ils étaient déjà apparus il y a exactement un an contestant la légitimité du premier ministre actuel. Puis plus rien jusqu’au verdict judiciaire concernait Thaksin Shinawatra en début d’année. Le verdict avait été annoncé depuis la fin de l’année 2009 et tout le monde s’attendait à un mouvement des chemises rouges. C’était donc un mouvement bien préparé.

Comment expliquez-vous le soulèvement ? Pourquoi les gens se révoltent-ils ?

Les chemises Rouges se révoltent en grande raison pour le retour de l’ancien premier ministre Thaksin Shinawatra et pour un plus grand partage du pouvoir politique.

Avez-vous été mêlé de près ou de loin aux manifestations antigouvernementales ?

Non pas du tout. Il est d’ailleurs interdit légalement aux étrangers d’y participer ! Mais je me tiens très au courant de la situation et je connais des gens qui y participent.

Vous sentez-vous menacé ?

Non je ne me sens pas menacé. C’est un mouvement qui concerne uniquement les Thaïs et qui reste concentré à quelques quartiers de Bangkok. C’est une ville immense et la plupart des habitants n’ont vu les chemises Rouges qu’a la télévision.

Quelles conséquences les événements de Bangkok ont-ils sur votre vie quotidienne ?

Pas de conséquences pour la vie quotidienne. Les habitants, tout comme moi, évitent les zones occupées pas les chemises rouges. Pour le reste on peut tout faire normalement. Même le fameux trafic urbain est normal. Ce qui n’était pas le cas durant le mouvement des chemises jaunes qui avaient paralysé tout une partie de Bangkok.

Comment les Thaïlandais que vous côtoyez vivent-ils cette période trouble ?

La plupart des Thaïlandais ne parlent pas de politique de façon générale. Les journaux télévisés ne parlent des chemises rouges que très brièvement. Les journaux internationaux en parlent beaucoup plus. Et comme je vous le disais plus tôt, les Thaïlandais sont habitués à l’instabilité politique. Thaksin Shinatra a été le seul premier ministre à terminer son terme de 5 ans !

Y a-t-il un risque d’embrasement général ou pensez-vous que les manifestations vont se cantonner à quelques quartiers de Bangkok ?

On ne peut être sûr de rien. Tout peut basculer en quelques heures. Mais les manifestations des Chemises Rouges durent depuis plusieurs mois déjà et sont restées limitées à quelques quartiers.

Quelle issue voyez-vous à cette crise ?

Le gros problème, c’est qu’on n’en voit aucune ! Même si le premier ministre cède et que des nouvelles élections sont tenues, les Démocrates risquent de perdre et les proches collaborateurs de Thaksin Shinatra risquent de gagner. A ce moment-là, les chemises jaunes remplaceront les chemises rouges, et ainsi de suite. Il y a un sentiment général que l’on est dans une impasse.

Conseilleriez-vous à des touristes de venir passer leurs vacances en Thaïlande malgré tout ?

Oui mais seulement à ceux qui sont préparés à tout, comme à la possibilité de ne pas repartir si les routes et l’aéroport sont bloqués. La Thaïlande reste un pays très sûr et ne présente pas de risques immédiats si les touristes évitent les zones occupées par les chemises rouges.

Est-ce que le pays reste une bonne destination pour faire carrière ?

Il y a des opportunités pour des personnes a hautes qualifications ou spécialisées. Mais le marché du travail est très règlementé. Certaines professions sont interdites aux étrangers et les démarches administratives pour les permis de travail deviennent de plus en plus difficiles.

Envisagez-vous d’y rester longtemps ?

Je suis marié et je viens d’emménager dans ma maison. Donc j’ai fait de la Thaïlande mon pays d’adoption et je m’y sens très bien. A moyen terme je compte y rester mais mon épouse et moi restons aussi ouverts à l’idée de vivre autre part.

Vous sentez-vous un homme libre en Thaïlande ?

Oui, je n’ai pas de contraintes morales ou légales. Les étrangers restent des « invités » en Thaïlande et à part. Il y a des sujets à éviter, comme celui de la famille Royale, dans les discussions publiques et privées et certains comportements sociaux sont proscrits. Mais cela relève de l’adaptation au pays. Comme partout, si on ne cherche pas de problèmes, on n’en aura aucun.

Interview réalisée par Franck Cellier parue sur lequotidien.re

Lire la 2e interview en Thaïlande : En direct de Bangkok : Olivier Robert témoigne 2/2

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