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Mickaël Fontaine, 28 ans, ingénieur doctorant en simulation numérique à Lyon

Publié le 15 novembre 2006

Après une math sup au lycée Leconte de Lisle, Mickaël quitte l’île pour un périple qui le conduit à Toulouse, Marseille, Lyon, en passant par les Etats-Unis, le Québec et Londres. Titulaire d’un DEA de mathématiques appliquées, il achève actuellement sa thèse de mécanique des fluides dans l’entreprise lyonnaise Fluorem, éditrice de logiciels de simulation numérique.

Mickaël Fontaine

D’où êtes vous à la Réunion ?

"Je ne viens pas d’un milieu aisé, mais je n’ai jamais manqué de rien. J’ai grandi à Saint Paul, avec mes deux frères et ma sœur, mais mes parents sont originaires de L’Etang Salé pour ma mère et de Saint Louis pour mon père. C’est pour le travail de ma mère (infirmière) que nous avons quitté l’Etang Salé pour Saint Paul. Mon père, agriculteur, a dû arrêter de travailler pour nous élever".

Racontez-nous votre parcours.

"Après un Bac S (mention bien) au lycée Louis Payen à Saint Paul en 1996, j’ai décidé d’intégrer la classe préparatoire aux grandes écoles(math sup’) du lycée Leconte de Lisle. Faute de pouvoir continuer à la Réunion (à l’époque il n’existait pas de classe de mathématiques spéciales sur place), j’ai atterri à Toulouse".

Dans quelles conditions avez-vous quitté l’île ?

"Depuis très jeune je savais que je voulais devenir ingénieur, même si mes parents auraient préféré me voir rester à la Réunion et embrasser une carrière d’enseignant. En choisissant la voie des grandes écoles, je savais qu’il me faudrait partir pour la métropole. Même si cela n’a pas été simple au début, je ne regrette pas du tout ce choix. Aujourd’hui je fais le métier qui me plait".

Racontez-nous votre arrivée en métropole.

"Je n’ai pas de famille sur place, mais je ne suis pas arrivé complètement seul à Toulouse : un copain ’zoreil’ de ma classe math’ sup’ de la Réunion était arrivé peu avant moi, et connaissait déjà un peu le coin. Mais dès le début j’ai eu quelques galères : à l’aéroport de Toulouse, j’ai appris que tous mes bagages étaient restés bloqués sur Paris... Résultat je suis arrivé dans ma chambre universitaire sans une brosse à dent ou un vêtement de rechange pendant deux jours !"

Quels ont été les points positifs ?

"Ce qui m’a beaucoup aidé à mes débuts, c’est la présence d’autres Réunionnais dans la résidence universitaire. Ce genre de soutien compte beaucoup quand par exemple, votre nouveau professeur vous accueille en vous annonçant que tous les Réunionnais qu’il a eu dans sa classe ont toujours eu des lacunes par rapport aux autres élèves et qu’aucun n’a réussi les concours la première année ! Ca a donc été très difficile au début.
Hormis la charge de travail, les choses se sont quand même bien passées. Les gens ont été très accueillants et d’un bon soutien. En y réfléchissant, je pense que le plus dur a été de passer Noël tout seul. Lorsque toute la famille est à la Réunion, et que faute de moyen on ne peut pas rentrer, on a vite fait d’attraper un gros coup de blues. J’ai des copains du lycée qui ont craqué à cause de cela : ils sont rentrés à la Réunion !"

Parlez-nous de vos études.

"Après deux ans de math’ spé et différents concours aux écoles d’ingénieurs, j’ai intégré l’école supérieure de mécanique de Marseille (devenue aujourd’hui l’Ecole Centrale de Marseille). Trois ans d’école plus tard, j’ai obtenu un DEA de mathématiques appliquées. Après un bref retour sur Toulouse (un an) en tant qu’ingénieur d’étude pour un centre de recherche, on m’a proposé d’effectuer un doctorat en mécanique des fluides à Lyon. Aujourd’hui, je suis en train de terminer ce doctorat, fruit de trois ans de collaboration entre l’Ecole Centrale de Lyon et la société Fluorem, éditrice de logiciels de simulation numérique".

Quels sont vos projets ?

"Actuellement je prépare déjà "l’après thèse" en cherchant un poste de consultant dans une société de services (SSII). Pour le moment, je souhaite rester encore en Métropole : je commence à peine ma vie active, et j’ai bien l’intention de faire une petite carrière en métropole. Ensuite, fort de l’expérience acquise ici, je pourrai développer ma propre activité à la Réunion. Pour le moment je ne sais pas encore dans quel domaine, c’est pour cela que je me donne encore un peu de temps".

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

"Ma famille ! Même si aujourd’hui un de mes frères est en métropole, les autres membres de la famille sont tous à la Réunion. Et ce qui est difficile, c’est surtout de ne pas voir grandir les plus jeunes : j’ai une petite nièce qui "pousse" à vitesse grand V et qui ne me connaît que par l’intermédiaire de photos et d’une voix au téléphone ! La cuisine aussi me manque, surtout que j’ai un papa qui adore cuisiner. Ses petits plats me manquent beaucoup, et à chaque fois que j’ai l’occasion de rentrer, il se fait un devoir de préparer mes plats préférés (le cari bichique surtout)".

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

"Elle m’a énormément fait évoluer : à la Réunion j’étais dans un petit
cocon familial protecteur. C’est très agréable, mais, ça n’aide pas beaucoup à affronter la vie ensuite. Partir m’a donc permis d’affronter moi-même les difficultés, de m’enrichir des différentes relations humaines et donc de grandir".

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

"Ce qui m’attriste, c’est de voir à quel point l’île est dépendante de l’aide de la métropole et à quel point il est difficile pour une jeunesse réunionnaise, pourtant qualifiée de réussir à la Réunion. Pourtant ce ne sont pas les atouts qui manquent : potentiel touristique, université compétitive, positionnement central dans la zone océan indien, etc".

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la
Réunion dans votre parcours ?

"Je ne dirais pas qu’être réunionnais m’a avantagé ou désavantagé, mais en tout cas, d’avoir grandi au milieu d’une telle mixité culturelle m’a beaucoup aidé à m’adapter que ce soit en métropole ou ailleurs : Québec, Etats Unis au cours de mes études, Londres récemment".

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

"A mon arrivée en métropole j’ai été effaré de l’amalgame fait entre la Réunion et les Antilles. Les gens qui savaient situer l’île avaient surtout en tête une image idéalisée d’île aux plages infinies de sable blanc. Je m’efforce donc de leur faire connaître les autres beautés naturelles de l’île : les randonnées en montagne, son volcan, sa cuisine !"

Vous-même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

"Je vis à Lyon, et je trouve que c’est une ville très agréable. Malheureusement je ne rencontre que très peu de Lyonnais d’origine : je me rends compte que les gens les plus accueillants et les plus ouverts ne sont pas pour la plupart originaires de la région lyonnaise. J’ai l’impression que c’est propre à toutes les grandes villes".

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?

"Je trouve ce site très enrichissant et très utile. A l’époque où je suis parti de l’île, j’aurais vraiment aimé avoir de tels témoignages d’expatriés, au moins pour rassurer ma famille".

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