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Christophe Barret, 55 ans, assistant social en Nouvelle Calédonie

Publié le 7 juin 2010

Après un long parcours de mobilité non désirée aux PTT en métropole, Christophe Rodier Barret a pris la direction de Tahiti puis de Nouméa. A la conquête de ses origines et de l’histoire de la Réunion, il réalise régulièrement des exploits sportifs à l’occasion du 20 décembre ou de la commémoration de l’abolition de l’esclavage le 10 mai. Christophe occupe le poste d’Assistant de service Social au Centre Hospitalier
Territorial de Nouméa en Nouvelle Calédonie.

Christophe Barret

D’où êtes-vous à la Réunion ?

Je suis né à la Plaine des Grègues dans un milieu très
modeste. J’ai vécu sur ces hauteurs de Saint-Joseph, aux Lianes Bel-air, jusqu’à l’âge de 16 ans, avant d’aller à l’internat au CET de Saint-Louis, puis de migrer en France, et de devoir faire face au choc culturel…

Dans quelles conditions avez-vous quitté l’île ?

Mon cursus est particulier dans la mesure où j’ai été confronté à l’échec
scolaire. J’ai préparé un CAP au CET de Saint-Louis de 1970 à 1973. Un mois avant l’examen, j’avais à peine 19 ans, et je n’étais pas encore majeur. J’embarquais pour la France après avoir passé et réussi le concours de Préposé aux PTT. Il y a donc trente sept ans, comme beaucoup de jeunes Réunionnais qui gagnaient la France pour aller travailler à la SNCF, Chez Peugeot, Renault, Citroën, ou aux PTT, j’embauchais comme facteur à Paris 16e, un emploi que j’ai assuré pendant quinze ans, jusqu’en 1988.

Comment cela s’est-il passé ?

Ce fut une longue période de difficultés, pour un petit gars qui
venait des hauts de St Joseph, pas du tout préparé à la vie d’adulte. En 1988, suite à mon remariage et dans le cadre d’une mise
en
disponibilité accordée par La Poste, je suis rentré à La Réunion avec un
enfant de huit ans à charge. Je n’avais
aucune qualification, et n’étais pas trop débrouillard. J’ai été embauché
comme auxiliaire de remplacement à La Poste de Saint-Denis pendant trois ans. Pendant ces années de galère, je restais à l’affût
de tout ce qui pouvait se présenter pour me permettre de m’en sortir.
C’est
ainsi que je me suis présenté au concours d’entrée à l’Ecole d’Assistant Social
de Saint Denis pour une formation de trois ans. En 1994, j’ai obtenu mon Diplôme d’Etat d’Assistant Social.

Et ensuite ?

Il y a quatre ans, à nouveau j’ai décidé de partir de La Réunion pour Tahiti,
avec ma famille, ma femme et mes deux enfants de 12 et 6 ans restant à
charge.
Ma femme a demandé sa mutation, et moi aussi, avec l’intention de
chercher
du travail sur place. C’est ainsi que pendant trois ans, j’ai exercé le
métier d’Assistant Social au Centre Hospitalier de la Polynésie Française. Au terme de ces trois ans et dans le cadre d’une séparation conjugale je
migrais à nouveau, cette fois, pour la Nouvelle Calédonie où je suis
depuis
un an, et ou j’exerce à nouveau le métier d’assistant social au Centre
Hospitalier Territorial de Nouméa.

Quel bilan tirez-vous sur votre parcours ?

Depuis ma naissance jusqu’à mon retour à la Réunion à l’âge de 34 ans, j’ai subi un peu ma vie. J’étais mal dans ma peau, parfois sans
vraiment
m’en rendre compte, mais d’autres fois dans de réels et graves tourments.

Petit à petit, durant ces vingt dernières, je suis allé vers une
certaine reconquête de moi-même, passant par une réappropriation de mon
histoire et arrivant actuellement à une certaine paix intérieure.
Laquelle histoire, je peux la dire, lorsque j’en ai l’occasion. C’est ainsi
que depuis quelques années, tous les 20 décembre, et chaque 10 mai, je
mène
une action en faveur de la commémoration de l’abolition de l’esclavage. Le 20 décembre dernier, pendant 24 heures, j’ai couru et marché autour de
Nouméa, parcourant la distance de 145 km. Le 10 mai 2010, à nouveau j’ai fait un double marathon en 12 H. Passionné de la poésie de la négritude, à chaque fois que j’ai l’occasion,
je dis les textes d’Aimé Césaire, de Léopold Sédar Senghor ou d’autres auteurs.

Christophe Barret
Les Nouvelles
Calédoniennes du 10 mai 2010.

Quels sont vos projets ?

A court terme, je rentre à la Réunion pour trois semaines au mois de
juillet prochain. A moyen terme, je pense rester encore neuf ans loin de La Réunion. Bien
entendu, je la représenterai partout où je me trouverai. Le 18 octobre 2019 au plus tard, je pense rentrer à La Réunion. En
effet le 20 décembre 2019 je prendrai la route, et à pied, je quitterai La
Réunion pour rejoindre La France, avec l’idée de faire la route de
l’esclave, via Maurice, Madagascar, l’Afrique du Sud puis de l’Est. Ensuite
passer à l’Ouest au niveau de la Tanzanie, du lac Tanganyika puis le golf de Guinée, le Sénégal, le Mali, l’Algérie, le Maroc l’Espagne et la France,
jusqu’au parlement européen de Strasbourg.

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

Ma dernière expérience de mobilité est choisie. Je la vis plus
paisiblement, même si est la cause d’une remise en question en moi. En effet, lors de mon arrivée à Tahiti en 2006, je me sentais un peu
étranger et l’on me disait étranger. Il m’appartenait donc d’avoir une
certaine retenue, de prendre le temps de l’adaptation et le temps de
comprendre ce qui se « joue » là où l’on se trouve. C’est une remise en
cause quasi-totale de soi-même. Depuis mon arrivée ici en Nouvelle Calédonie, moi le créole, je me retrouve « zorey ». C’est à nouveau un repositionnement complet. Comme le dit
Aimé Césaire dans son « Cahier d’un retour au pays natal » dans le texte « Partir », chaque départ nous oblige à un repositionnement.

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

En fait, rien ne me manque de La Réunion car cette île, son histoire et
sa géographie, je les porte en moi en permanence. De plus, ici on peut
trouver pas mal de choses que l’on trouve à La Réunion. Je dirais que le plus dur
est peut-être de se faire un réseau relationnel. Pour cela les
associations réunionnaises peuvent être un bon support lorsqu’elles
existent comme ce fut le cas à Tahiti lorsque j’y étais. En Nouvelle Calédonie, malgré la présence d’un nombre
important de réunionnais, il n’y a pas d’amicale en place pour l’instant.
Mais il est possible que dès mon retour de La Réunion, où je dois passer
trois semaines en juillet 2010, je tente l’expérience d’en créer une…

Quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses
habitants ?

La Nouvelle Calédonie, comme Tahiti, me semble présenter beaucoup de
similitudes avec La Réunion, notamment un positionnement identitaire parfois
difficile
de ses habitants. Mais chacun de ces territoires a des
difficultés spécifiques : Tahiti assume très bien le signe identitaire que
représente le drapeau de la Polynésie Française, alors qu’en Nouvelle
Calédonie, il n’y a pas eu d’accord
sur
un drapeau. Quant à La Réunion, je ne sais pas trop où elle en est de ce
point de vue. Mais pour ma part je possède un drapeau que j’ai fait faire
lorsque j’étais à Tahiti. Parfois, il y a aussi une grande ambiguïté dans les relations que les
locaux
peuvent mettre en place avec les Français. On peut en effet assister
parfois à des comportements réactionnels, tout comme d’autres se montreront par trop obséquieux.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

Partez, allez vous confronter au monde, vous ne reviendrez que
plus
grands. Allez vivre votre réunionité ailleurs. Laissez là vos idées
reçues,
vos préjugés, vos aprioris. Vous grandirez aussi dans votre dimension
réunionnaise.

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?

C’est une très bonne idée, un peu comme une petite fenêtre réunionnaise
ouverte sur le monde. Cela peut aussi contribuer à démystifier l’autre ou
l’ailleurs, pour les Réunionnais prêts au départ.

Voir le profil de Christophe Barret

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Christophe Barret
La Dépêche de Tahiti du 10 mai 2008.
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