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Exposition universelle à Shanghaï : Coralie Latchoumane témoigne

Publié le 29 juin 2010

974 World News, en partenariat avec Le Quotidien : L’actualité mondiale chroniquée par des Réunionnais... Ce « regard réunionnais sur le monde » se fait grâce au réseau de correspondants du site partout sur le globe. Coralie Latchoumane est née à La Réunion où elle a vécu jusqu’à son bac. Elle en est aujourd’hui à son troisième séjour en Chine. En 2004 et 2005 elle a étudié le mandarin à Pékin. De 2007 à 2009 elle a participé à l’organisation des Jeux olympiques de Beijing au sein de l’agence du comité olympique français. Et depuis fin 2009, elle est chef de projet pour l’Expo universelle de Shanghai 2010 chez GL Events, partenaire principal du Pavillon Rhône-Alpes.

pavillon Chine expo universelle

- Quel est votre rôle sur l’Expo universelle ?

- Je suis en charge de la gestion quotidienne du pavillon ainsi que de l’organisation des événements. Ma compagnie gère également d’autres pavillons : Chili, Taiwan, Portugal, Paris, Lille…

- Deux mois après son ouverture, l’exposition universelle de Shanghai rencontre-t-elle toujours un succès populaire ?

- Succès ou pas succès, telle est la question. Avec près de 8 millions de visiteurs pour le premier mois, les organisateurs devraient s’estimer ravis. Or, on est en réalité loin des 21 millions attendus, soit 30% des 70 millions pronostiqués sur toute la période par le Bureau de l’Expo.

- Pourquoi ?

- Plusieurs raisons sont avancées. Selon certains, le tapage médiatique et le prix élevé des tickets auraient entraîné une désaffection des foules. Selon d’autres, les locaux auraient repoussé leur visite pour éviter la queue des premières semaines. Les images de l’ouverture diffusées sur les nombreux écrans de la ville en auraient dissuadé plus d’un. Au vu donc de la baisse de fréquentation et des entrées désertes, sur le site Internet officiel de l’Expo, ils ont subitement cessé d’afficher en temps réel le nombre de visiteurs. En effet, pour atteindre les 70 millions de visiteurs attendus, il faudrait une moyenne de 380 000 par jour. Or, quatre jours après l’ouverture, on ne dénombrait environ que 80 000 curieux. La municipalité a donc multiplié le nombre de tickets offerts gratuitement à ses habitants afin de voiler la face, et d’éviter le gouffre financier. Le coût total de l’événement reviendrait à plus de 120 millions d’euros, et les pertes pourraient s’évaluer à plusieurs milliards de yuans. Pourra-t-on alors parler de succès ?

- Qui en sont les visiteurs ?

- Ils sont composés à 95% de Chinois. L’Expo universelle n’a d’universel que le nom ; elle est entièrement dédiée aux locaux. Dès lors, certains pavillons ne prennent pas la peine de traduire en anglais ; les volontaires quant à eux sont loin d’être bilingues. Les scénographies kitsch, high-tech voire même parfois simplistes et paternalistes sont destinées à un public qui n’a guère voyagé hors des frontières de l’Empire du Milieu, et qui a donc l’impression d’avoir fait un tour du monde en quelques heures…

- Comment est "le stand" français ?

- Certains médias et passionnés de la blogosphère se plaisent à dénoncer le « flop » d’un Pavillon France un peu trop parigo-versaillais, un peu trop classico-simpliste. La France aurait manqué son rendez-vous avec la Chine, clame le Point. Les critiques vont donc bon train. Néanmoins, les avis restent mitigés. Certes, les organisateurs ont privilégié l’image d’un Paris romantique au détriment d’une France moderne et innovante. Il n’en reste pas moins que, malgré les mauvais échos, les Chinois n’hésitent pas à faire deux heures de queue pour admirer le pays de Louis Vuitton et de L’Oréal. Comme dit précédemment, il faut garder à l’esprit que l’Expo 2010 est celle des Chinois, Chinois friands de stéréotypes et autres clichés…

- Qu’était-il prévu pour la journée de la France, le 21 juin ?

- La France a choisi le solstice d’Eté et sa Fête de la musique pour célébrer l’Hexagone. Les organisateurs ont ainsi voulu reproduire le même concept pour la première fois en Chine. Dès lors, de nombreux concerts et autres rencontres musicales sino-françaises ont eu lieu aux quatre coins de Shanghai, avec pour apothéose le concert de M dans une salle de concert de la ville.

- Que connaissent les Chinois de la France ?

- Pour la majorité des Chinois, « La France, c’est romantique » ; la capitale est Paris ; et le symbole, Zidane. Cela n’empêche pas Madame Wang de faire ses courses chez « Jialefu » (Carrefour), et Monsieur Liu de conduire sa « Xue Tie Long » (Citroën). Quant au chauffeur de taxi, il admire Sarkozy, le compare à Napoléon, et lit la presse à scandale sur sa relation avec Carla Bruni. D’autres vous diront qu’ils admirent Alstom et Saint-Gobain…

- ... Et de La Réunion ?

- « La Réunion c’est près de Maurice… Ah ! Vous ne connaissez pas ? Et Madagascar ?... Non plus ?! … Bon alors l’Afrique du Sud, vous arrivez à visualiser ?... Oui c’est ça, le pays de la Coupe du monde… bon alors ce n’est pas très loin. » Notre “Liu Ni Wang”, comme on l’appelle ici, reste un point sur une carte.

LES TROIS HANDICAPS DE LA REUNON

- Les récents matches de foot et de volley France-Chine ont-ils été médiatisés en Chine ? Et est-ce que cela a donné une certaine notoriété à notre île ?

- En effet, les matchs ont été retransmis en Chine, mais rares sont ceux qui savent qu’ils ont eu lieu sur notre île. Même les Français de Chine s’exclament : « Ah bon ?! ça s’est passé a la Réunion ? »…

- En quoi La Réunion peut-elle intéresser les Chinois ? Tourisme, affaires...

- La Réunion est loin d’être une destination touristique pour les Chinois. Primo, elle n’a pas encore obtenu le statut de Destination Touristique Autorisée, essentiel pour les voyageurs individuels. Secundo, le prix du billet d’avion ne rentre pas dans le budget d’un Chinois dont le salaire moyen équivaut à deux cents euros par mois. Tertio, en dépit de l’essor d’une nouvelle classe moyenne, le concept de « vacances » demeure très récent, si bien qu’ils privilégient un premier séjour dans les grandes capitales européennes. Le voyage en France se résume à Paris, voire, avec un peu de chance, aux châteaux de la Loire et aux champs de lavande. Inutile de dire qu’une île perdue dans l’Océan indien n’est pas sur la liste des destinations prioritaires pour un autochtone qui n’a jamais mis un pied hors de Chine…

Par contre, il est vrai que la diaspora chinoise de la Réunion a une telle influence que des échanges commerciaux se mettent peu à peu en place. Mais même cela prendra du temps, le marché chinois étant convoité par tous…

- Quelles perspectives propose la Chine à un Réunionnais qui souhaiterait s’y installer ?

- La Chine demeure une pépinière d’emploi pour les juniors, un véritable Eldorado. Qu’on soit Réunionnais ou Tadjik, on peut trouver son bonheur. Cependant, il faut venir avec des objectifs précis car le parcours ici peut vite s’apparenter à un chemin de croix pour certains qui repartent désabusés. Les expatriés coûtent désormais chers à l’entreprise, en comparaison à des locaux qui ont pour beaucoup fait leurs études à l’étranger, ont acquis une véritable expertise, et sont parfaitement bilingues. La concurrence est de plus en plus accrue, mais les opportunités demeurent pour les plus audacieux.

- Comptez-vous y faire carrière ?

- Après plus de trois ans et demi d’expatriation dans l’Empire du Milieu dont une expérience lors les Jeux Olympiques et une autre sur l’Expo universelle, j’estime avoir plus ou moins déjà fait mes preuves ici. Parler de « carrière » serait exagéré. Toutefois, je ne compte pas repartir de sitôt. En effet, GL Events à Shanghai est à l’heure actuelle spécialisé dans la gestion d’espaces et de centres d’exposition, et souhaite désormais développer son expertise dans l’organisation d’événements corporate. J’aimerais les assister dans ce projet.

- Lire aussi :
Coralie Latchoumane, chef de projet à l’Expo universelle de Shanghai 2010
Expo universelle de Shanghai : le photo reportage de Coralie Latchoumane

Lire les reportages de Coralie (JO de Londres, JO de Pékin, Expo universelle de Shangai et Grippe au Mexique)

Lire sa 1ère interview pour le site reunionnaisdumonde (juin 2007)

Voir le profil de Coralie Latchoumane

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