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Nathalie Astruc, 23 ans, étudiante en journalisme à Paris

Publié le 25 septembre 2006

Après une adaptation difficile à la vie parisienne, Nathalie a trouvé sa vocation professionnelle. En dernière année de l’ISCPA institut des médias, elle a pour projet d’effectuer son stage de fin d’études à Madagascar.


Nathalie Astruc

Racontez-nous votre parcours.

"J’ai eu mon bac L au Lycée de la Possession. A cette croisée des chemins dans ma vie, j’avais le choix entre une prépa lettres au Lycée Leconte de Lisle ou un DEUG de Lettres modernes en Sorbonne à Paris. J’ai choisi de partir".

Pourquoi ?

"Je sentais que je tournais en rond. J’avais besoin d’espace. Partir après le bac a été un moment très important pour moi. Couper le cordon ombilical, c’est très difficile mais nécessaire. De plus, les voyages forment la jeunesse ! Par la suite, mon parcours a plutôt été semé d’embûches".

Comment s’est passée votre arrivée ?

"Je suis arrivée sur Paris le jour de mes 18 ans. Je me souviendrai toujours de ce temps gris, de ces grandes cheminées, de ce froid. Mon père était là pour m’installer. Et puis je me suis retrouvée effroyablement seule. Les événements du 11 septembre ont secoué le monde entier quelques jours après mon arrivée et la psychose contaminait toute la capitale. J’ai été traitée de "sale arabe", les gens me regardaient bizarrement avec mon sac à dos, alors que j’allais simplement en cours".

"J’ai eu divers problèmes personnels qui m’ont donné un aperçu du gouffre dans lequel les jeunes Réunionnais peuvent tomber. C’était très difficile, surtout en étant seule. Je suis passée par les services sociaux qui ne m’ont pas vraiment aidés. Et puis, il y a un moment où on est tellement au fond que la seule chose que l’on puisse faire, c’est donner un coup de talon pour remonter".

Qu’avez-vous fait pendant cette période ?

"Après quelques mois de cours, j’ai lâché la fac. J’ai travaillé à temps plein comme agent d’accueil à l’ANPE. J’ai repris les cours à la Sorbonne l’année scolaire suivante. J’ai changé de voie pour m’inscrire en Lettres modernes spécialisées (spécialisation médias et audiovisuel). J’ai raté mon Deug à quelques points et j’en ai eu assez. J’ai tenté un concours d’entrée dans une école de journalisme privée, l’ISCPA, où Je vais bientôt entamer ma troisième et dernière année".


Nathalie Astruc

Quels sont vos projets ?

"J’entame donc ma dernière année de journalisme. A l’issue de cette année, je dois réaliser un stage de dernière année de cinq mois. Je compte morceler ce stage : partir à Madagascar pour faire du journalisme humanitaire, essayer de faire la même chose au Népal et enfin, effectuer la dernière partie en Australie. Après mes études, les projets restent assez flous. Je reviendrai en métropole pour acquérir une expérience et je pense que je partirai pour l’étranger ensuite (Québec)".

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

"Tout. La caresse de la brise marine, le soleil, le ciel bleu, l’air pur, mes parents, la nourriture, les odeurs, entendre le pilon le dimanche matin..."

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

"Dans toutes ces galères, j’ai pu rencontrer quelques personnes bien. Cette mauvaise expérience m’a forgé et même endurci. Tout cela est derrière moi maintenant et j’avance. Par contre, je compte quitter Paris dès que je pourrai. Je ne supporte plus cette ville".

Quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

"J’ai eu beaucoup de mal avec les parisiens stressés, méfiants, méprisants au début. A Paris, si on ne fait pas partie d’un groupe, on ne viendra pas spontanément vous parler ni même vous porter secours. Mais j’ai tout de même rencontré des parisiens sympas ! En ce qui concerne la ville, Montmartre est mon refuge. J’y vais quand je ne me sens pas très bien. Je déambule près du Sacré-Coeur, dans les rues de la butte... Après avoir vécu dans plusieurs arrondissements de Paris (11e,15e et 17e), j’ai quitté la capitale pour la banlieue verte : Viroflay, juste à côté de Versailles. Les gens sont beaucoup plus cool et il y a plus de brassages".

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

"L’île a pris un gros coup dans l’aile avec la crise du chikungunya. J’ai vu le phénomène de près, étant envoyée sur le terrain en qualité d’apprentie journaliste. Ajoutons à cela les mauvaises publicités comme les chiots-appâts et les attaques de requins... Je pense que les Réunionnais devraient être sensibles au fait que les subventions de l’Etat français ne sont pas éternelles et construire l’avenir politique de la Réunion".

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

"Venir de la Réunion n’a pas vraiment influé sur mon parcours professionnel. Je me suis souvent retrouvée seule en tant que personne de couleur, que ce soit en amphi à la Sorbonne ou dans mon école de journalisme. On encourage beaucoup les jeunes à partir mais pour moi, le problème, c’est les structures à la Réunion. La Réunion est tout de même plus qu’un département, c’est une région. A ce titre, je pense qu’elle pourrait bénéficier de davantage de structures pour l’éducation. Je me suis rendue compte que si mes parents n’avaient pas pu m’aider, je n’aurais pas pu poursuivre mes études ici. Les aides ne sont pas toujours attribuées (ou des mois après) et certains rentrent après quelques mois passés en métropole".

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

"L’image est souvent très réduite et déformée. On nous place souvent aux Antilles et on parle d’aller "en réunion". Mais j’ai compris, après des années de révolte et de lutte contre des supposés principes racistes, que le problème venait de l’éducation. Si nous étions un peu plus présents dans les manuels à l’école primaire, je pense qu’il y aurait moins d’amalgames".

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