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Priscilla Payet, 20 ans, étudiante à l’école d’infirmière de Nancy

Publié le 15 janvier 2007

Originaire du Tampon, Priscilla a quitté l’île juste après le bac, avant ses 18 ans. « Mon parcours universitaire a commencé par deux années de médecine non validées. Faute au numerus clausus restreint, je n’étais pas classée en rang utile, mais j’ai tout de même eu une validation des acquis pour passer en deuxième année de licence Sciences de la santé. J’intègrerai l’Institut de Formation en Soins Infirmiers à la rentrée de février 2007 ».

Priscilla Payet

D’où êtes vous à la Réunion ?

"Je viens du Tampon, ma chère petite ville fleurie où les rond-points ne manquent pas (petit clin d’œil aux usagers de la route). Je dirais que ma famille fait partie des Réunionnais "moyens" : mon père est adjoint administratif au GHSR de Saint Pierre et ma mère est femme au foyer".

Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter l’île ?

"Mon départ de la Réunion s’est organisé tout au long de mon année de Terminale. J’ai envoyé mes dossiers d’inscription à de nombreuses écoles de l’Est de la France, du fait de la proximité de la famille. Tout était plus ou moins coordonné pour que je quitte la Réunion avec mon bac scientifique en poche et que je sois accompagnée par des personnes de mon entourage à mon arrivée à Nancy… même si, du fond du cœur, je voulais rester auprès de ma famille. J’ai quand même décidé de partir en métropole afin de faire, dès ma première année universitaire, la coupure avec la famille et ne pas être perturbée dans ma scolarité. Il existe une première année de médecine à la Réunion, mais il aurait fallu partir après".

Comment s’est passée votre installation ?

"C’est en août 2004 que mes parents et moi sommes arrivés pour m’installer à Nancy. Il faisait beau, assez chaud, un semblant de chaleur dans ce "Péi la frai". Depuis la Réunion, la plupart des formalités administratives étaient déjà faites, il ne manquait que quelques paperasses au niveau de la fac et l’aménagement de mon appartement : grosse galère ! En effet, j’étais à trois mois de ma majorité, je ne pouvais ouvrir aucun abonnement sans signature de l’un de mes parents. Lorsqu’ils sont partis, le dépaysement a été total : moi, fille unique, face à mon petit ménage, la tête souvent dans les étoiles à penser à ma famille et à verser quelques larmes en se remémorant combien plus de 10 000 km c’est loin (même si on a tout de même les pieds sur le territoire français !)"

Quels sont vos projets ?

"Je compte décrocher mon diplôme d’état d’infirmier, et selon ma motivation future, continuer les études en me spécialisant encore deux ans dans un domaine bien défini. Ou bien après deux années d’exercice professionnel, intégrer un Institut de Formation des Cadres de Santé".

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

"La famille me manque en premier. Nous sommes très soudés, caractéristique qui est présente dans la plupart des familles réunionnaises ! Je reconnais aussi que la plage et surtout le soleil manquent à Nancy. Enfin, les bons petits caris de mes grands-mères, aller "bat’ carré" au marché forain de Saint Pierre avec un sachet de samoussas ou de "bonbons miel" à la main, restent toujours des souvenirs culinaires inoubliables pour mes papilles !"

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

"Cette expérience m’a apporté beaucoup de maturité et j’essaye de relativiser davantage vis à vis des aléas de la vie quotidienne. Je me suis rendue compte que jusqu’à mes 18 ans, je vivais sans le savoir dans un paradis terrestre. Vivre loin de chez soi, ça nous « rapproche » quelque part, on a une autre vision de l’île, encore plus belle que ce que l’on imaginait auparavant".

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

"La situation socio-économique de l’île me laisse un peu perplexe. Par mode ou par diffusion, la délinquance juvénile se fait sentir, certes pas autant que dans certains quartiers « chauds » de métropole, mais on ne peut pas le cacher ! Je retiens que de plus en plus de fruits comme l’ananas victoria sont exportés dans certaines régions françaises. C’est une très bonne initiative de faire connaître et apprécier les douceurs de la Réunion loin de l’île. Ce serait une bonne idée de penser à ravitailler les supermarchés lorrains de gourmandises réunionnaises… à bon entendeur !"

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

"Je tire en majorité des avantages d’être réunionnaise. J’ai pu voir d’autres horizons et observer combien la métropole est riche en diversité sur le plan universitaire. Notamment Nancy est avant tout une ville étudiante dans toute son ampleur. Les gens sont toujours curieux quand ils savent que je viens de la Réunion. En général c’est le parler créole qui fait sourire, d’ailleurs le « mi aim a ou » fait l’unanimité !"

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

"J’ai des amis réunionnais qui habitent à quelques kilomètres de Nancy. A vrai dire ce sont plus que de simples amis, c’est une deuxième famille. Ils m’ont beaucoup épaulée au tout début. J’ai une amie réunionnaise qui s’est installée à Nancy pour continuer son cursus, et à mon tour, je suis là pour la soutenir. Rien ne vaut la présence et l’appui de personnes de notre entourage pour se sentir au moins « un petit peu » chez soi !"

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

"Il y a plusieurs catégories de personnes. Certains perçoivent la Réunion comme l’île intense, avec ses fruits tropicaux et le soleil à profusion, une destination de rêve à ne pas rater. D’autres ne savent même pas localiser l’île sur la mappemonde et ne conçoivent pas de vivre sur une terre entourée d’eau. Enfin, quelques personnes croient que les Réunionnais font partie de tribus, vont à la chasse pour se nourrir et n’ont ni électricité, ni eau courante ! (eh oui ça existe et ça me fait sourire !)"

Vous-même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

"J’ai constaté à mon arrivée à Nancy que les Lorrains n’étaient pas aussi chaleureux que les Réunionnais. Mais il suffit d’aller un peu vers eux pour « dégeler » l’atmosphère. Ce n’est pas le même mode de vie qu’à la Réunion, les gens sont toujours « speed » et je me surprends parfois à l’être aussi ! Avec du recul, même s’il fait froid la moitié de l’année, je dirais que la Lorraine est une très belle région, pleines de richesses culturelles. Je crois que je l’ai adoptée pour encore quelques années, même si j’aimerais beaucoup rentrer à la Réunion après l’obtention de mes diplômes".

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

"Je leur dirais d’ouvrir leurs horizons pour leur avenir professionnel, que c’est une expérience très enrichissante, même si la nostalgie du pays refait parfois surface. Il faut se donner les moyens de réussir et pourquoi pas, représenter pleinement son île et lui faire honneur".

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?

"Je trouve que ce site permet de suivre agréablement l’évolution de la population réunionnaise. Je lis souvent les portraits de toutes ces personnes qui font la fierté de notre île. Je suis contente de voir à quel point de nombreux Réunionnais n’oublient pas leurs origines !"

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