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Ras Amadeüs Bongo, chanteur de Reggae en Bourgogne

Publié le 11 novembre 2007

Lancé seul sur les routes de métropole à l’âge de 17 ans, Ras Amadeüs fait une rencontre décisive avec le Reggae qui va changer le reste de sa vie. Musicien autodidacte, il monte son propre groupe et sort en 2005 son premier album, « Le monde est mon village ».

Ras Amadeüs Bongo

D’où êtes vous à la Réunion ?

"Je suis né à St Denis en 1964. Ma mère était ouvrière à l’imprimerie Patel et mon beau père ouvrier en métallurgie dans l’entreprise Jeumont Réunion. J’ai grandi au Chaudron où j’ai fait les 400 coups avec mes camarades. J’ai suivi là-bas ma scolarité à l’école primaire Damas Legros, puis au Collége de la Jamaïque jusqu’à l’âge de quinze ans. Je suis arrivé en Métropole en 1979. Je pense que ma mère voulait me donner un autre choix de vie, car j’étais un adolescent pas facile".

Racontez-nous votre parcours.

"J’arrive en 1979 dans un petit village de Dordogne. Je rentre au LEP de Ribérac pour être remercié au bout d’un an par la haute direction des lieux qui choisit de me mettre à la porte. A cette époque la Réunion me manquait terriblement, j’étais nostalgique, tout était compliqué pour moi : la langue, le climat, l’ambiance…"

Comment expliquez vous cela ?

"La Dordogne est un magnifique endroit mais je ne retrouvais pas cette magie que j’avais laissée au Chaudron. J’adorais notre nature et je me remémorais tous ces moments où je prenais un réel plaisir à la cueillette des fruits : grains de bébé, jamblons, tamarins… Je me souvenais des odeurs, de ces parties de baignades dans l’Océan et les rivières avec mes amis que j’avais laissés derrière moi".

Qu’avez-vous fait ?

"Je décidai de quitter la Dordogne et ma famille pour prendre mon indépendance. A 17 ans me voilà à Lyon dans une ville inconnue. Je découvre les rues, mais aussi les squats. Le système D me permettait de survivre. Ce nouvel environnement fut la transition qui m’a permis d’être ce que je suis aujourd’hui. J’ai beaucoup appris de la rue, de l’humain, de la misère, de la solidarité. Dans ce périple j’ai eu la chance de rencontrer des personnes d’une richesse sans limite".

Que s’est-il passé ?

"Après des mois de galère intense, je fais mes premiers pas dans divers jobs et stages par ci par là. Je me rends compte que je ne suis pas encore prêt à rentrer dans un moule, disons dans un système social défini. Dans une des mes errances nocturnes, je rencontre un professeur d’anglais qui anime une émission de reggae sur une des premières radios libres : Radio Léon. C’est ainsi que je me retrouve à « International Reggae : 1982 ». Là je rencontre des étudiants africains. J’apprécie beaucoup les débats qui émanent de ces soirées radiophoniques, sur la couleur de peau, l’esclavage, la liberté… J’écoute tout cela avec une très grande attention. Je rentre dans une nouvelle famille : le Reggae".

Et ensuite ?

"J’ai commencé à jouer dans différents groupes à Lyon, du séga à l’afro-beat, de la variété, du rock au reggae. De 1985 à 1996 j’ai pas mal bougé avec ces diverses formations,avec des premières parties d’artistes internationaux tels que Nazaré Pereira, Xalam, Burning Spear, L.K.J., Féla Anikulapo Kuti,Yannick Noah, etc. Suite à ce long apprentissage, je décide en 1997 de voler de mes propes ailes avec Sister Laïn, ma choriste et mon frére Lord Chal’Man, bassiste. Dans cette nouvelle aventure, nous avons pu rencontrer La Ruda Salska, Saaba, Faya Dub, Touré Kunda et jouer dans différents festivals comme Notting Hill Carnival, Tuzla Wave (Bosnie Herzegovine) ou le Festival de Vienne en France".

Parlez-nous de votre musique.

"En 2005, je produis mon premier album 12 titres « Le Monde Est Mon Village », dans lequel je choisis d’utiliser ma langue créole dans la quasi-totalité de mes textes pour lutter contre la suprématie de la langue anglo-saxonne. Je ne veux pas mener un combat régressif, c’est à dire stigmatiser cette dernière mais au contraire je pense que l’anglais, le créole et tous les idiomes et cultures doivent avoir leur place et co-exister. Je préfère essayer de sauvegarder cette langue qui vibre en moi, qui représente mon identité et le patrimoine laissé par mes ancêtres".

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

"Aujourd’hui, je suis auteur, compositeur, interprète, producteur et président de mon association. J’ai aussi une deuxième passion : les arts martiaux. J’ai commencé par le Karaté et le Nunchaku. Ensuite j’ai rencontré le Taiji Quan. Pour moi la pratique de ces différents styles m’apporte l’équilibre et la discipline dans ma vie. C’est la voie de la non-violence et mon reggae s’inspire aussi de ces valeurs zen".

Ras Amadeüs Bongo

Quels sont vos projets ?

"Je me suis structuré en association pour mener mes projets à bien. L’activité principale de « Natapé Mizik Association » sera de manager mes activités musicales : concerts, radios, enregistrements… J’ai aussi un département festival que j’ai intitulé le Roots Océan Indien Reggae, festival annuel qui se déroulera à Tournus (Bourgogne). Je veux apporter mon humble contribution aux artistes de l’Océan Indien. Sans aide et sans subvention, la première édition a eu lieu le 19 mai 2007. L’île Maurice était à l’honneur, représentée par Rénald (seggae), frère aîné de Kaya. Il y avait aussi le jeune Yakolo Sound System".

Que vous apporte l’expérience de la mobilité ?

"Cela m’a permis de voyager à travers pas mal de pays et aussi de me construire. Quand on pousse la porte d’une autre culture avec sincérité, elle s’ouvre toujours sur des liens fraternels et laisse une empreinte indélébile dans notre façon de penser. On a vite conscience que malgré nos différences, nos aspirations sont les mêmes. La mobilité permet aussi de vaincre l’ignorance, car vivre toujours dans son clan est ce une bonne chose ?"

Qu’est ce qui vous manque de la Réunion ?

"Je ne suis pas dans le manque car les parfums, la culture et la beauté de mon île sont gravés au plus profond de moi, malgré ma passion pour d’autres cultures. Ces petites pépites d’or que j’ai amassé dans mon village m’ont enrichi et permis d’apprécier ma propre culture à sa juste valeur. Le plus important pour moi est que je sais d’où je viens. Je suis un Réunionnais citoyen du monde".

Ras Amadeüs Bongo

Quels ont été les avantages/inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

"Je me suis rendu compte de la réalité humaine avec sa face yin et yang. J’ai été confronté au racisme, au délit de faciès, mais aussi aux mains tendues, au partage… Avoir des papiers français m’aide certainement, car ce qu’on entend aujourd’hui de nos dirigeants n’est pas réconfortant. Au lieu d’apaiser les gens afin de faciliter le ciment social, ils optent pour « le diviser pour mieux régner » en installant les gens dans une peur permanente, en montant les uns contre les autres".

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

"J’ai quelques contacts avec des Réunionnais d’ici et de là bas. Dans la majorité des cas cela a débuté par un contact professionnel, puis avec le temps une amitié réciproque s’est installée. De 1993 à 1996, j’ai collaboré avec Mr Georges Ah Tiane au sein de l’Association Art’s Réunion, ce qui m’as permis à cette période de rencontrer un certain nombres d’artistes réunionnais : Jean-Pierre Boyer, Claire Fontaine, Patrick Marcellin, Monique Agenor et bien d’autres. J’ai une correspondance régulière avec monsieur André Maurice depuis 1995.Enfin en 2004 j’ai rencontré Ti Rat et son épouse, une famille généreuse et passionnée de musique".

Quelle est l’image de la Réunion là ou vous vivez ?

"L’île de la Réunion a l’image d’un pays chaleureux et multiracial sans problème notoire, à part bien sûr notre sacré moustique qui a mis pendant une période l’île au centre des discutions. Une majorité de gens situaient l’île aux Antilles mais le Chikungunya a donné un cours de géo".

Vous même quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

"La Bourgogne est une très belle région avec ses vignobles, ses églises romanes, ses grottes archéologiques et sa tranquillité. La population est plutôt réservée, mais si on ose pousser les portes pour s’investir, cela débouche sur de grandes rencontres humaines. Là est le sel de la vie. Je n’ai pas eu de problème car là où je suis je me trouve bien".

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes ?

"De ne pas avoir peur de tordre le coup à nos préjugés sur nos autres frères. Avec un cœur apaisé on pourra vivre pleinement sa vie et apprécier le monde dans sa diversité. Le monde a besoin d’équilibre, de couleurs et de différences. C’est en acceptant ces cadeaux du cœur qu’on entre dans notre grande famille universelle et qu’on devient libre. Que serions-nous sans les autres ?"

Que pensez-vous du site Réunionnais du monde ?

"Le site est bien pensé, j’espère pouvoir partager de grands moments avec les Réunionnais du monde. Je lance d’ailleurs un appel aux personnes qui souhaitent devenir mes ambassadeurs là où ils résident afin de développer mes différents projets. Qu’ils n’hésitent pas à me contacter. Je trouve que vos informations sont éclectiques et que notre diaspora ne se porte pas trop mal à travers le monde. Vous serez le cœur, la voix de ce grand mouvement".

Le site de Ras Amadeüs Bongo

Retrouvez la Fiche Artiste de Ras Amadeus Bongo sur Akout.com

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