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Ils font le tour du monde : Rodolphe et Nirina, l’interview

Publié le 5 décembre 2010

Quatre mois dejà que nous suivons les aventures de Rodolphe et Nirina à travers une chronique, “Le jour où…”, qui nous fait voyager avec ce couple de Réunionnais sur toute la planète. L’occasion de revenir dans une interview sur leur histoire personnelle, leurs motivations et le message qu’ils souhaitent transmettre. "J’espere que notre histoire inspirera les gens à vivre plus intensément cette précieuse existente, déclare Rodolphe. N’attendons pas une seule seconde de plus pour vivre, découvrir et donner”.

copyright : Rodolphe Sinimalé
Partis de la Réunion en 2006, Rodolphe et Nirina ont parcouru plus de 160 000 km autour de la terre !

D’où êtes-vous à la Réunion ?

Nirina et moi même vivions ensemble en 2006, partageant un charmant petit deux pièces à Saint Denis. Bien que née à Madagascar, Nirina a grandi à Saint Pierre. Si sa mère est originaire de la Grande Ile, son père est quant à lui libanais… et italien ! Avec un tel métissage, Nirina était déjà vouée au voyage. Quant à moi, je suis né en métropole, le seul de toute ma famille puisque frères et mère sont nés à La Réunion et mon père a vu le jour à La Saline. Je suis revenu dans l’île à l’âge de neuf ans suite au décès de ma maman, emportée par une leucémie foudroyante. Je me permets de mentionner cela puisque, je le sais aujourd’hui, cette tragédie a définitivement façonné ma vision de la vie et la façon dont je souhaite la mener.

Que faisiez-vous avant de quitter votre île ?

En 2006, Nirina finissait ses études à l’IAE de Saint Denis. Elle possède une licence en marketing et parle aujourd’hui français, espagnol, anglais, malgache… A 26 ans, elle a voyagé plus de 20% de sa vie ! Moi, je travaillais sur une mission économique de réinsertion en partenariat avec la Mairie de Saint Denis. Je suis titulaire d’un MBA en Human Resources Management, un troisième cycle d’une Ecole de Commerce parisienne, l’ESG.

Dans quelles circonstances avez-vous décidé ce grand voyage ?

Toute cette aventure est partie d’une urgence : celle de vivre nos rêves. Car personne ne peut vivre nos rêves si ce n’est nous même, n’est ce pas ? Nous nous retrouvions, Nirina et moi, dans le même désir de connaissance de soi et d’ouverture aux autres. Nous avons donc tout quitté et tout vendu au début du mois de juillet 2006. Nous avons trié, organisé, donné… A la mi-juillet, il ne nous restait plus sur terre que :
- Un sac à dos chacun, d’une quinzaine de kilos, plus un autre petit sac pour les documents importants type passeport, carte bleue etc.
- Une couette
- Une guitare
- La collection de chaussures de Nirina
- Une malette de 300 Cds, parce que j’aime beaucoup la musique, vous voyez…

Etiez-vous déjà au point ?

Imaginez seulement arriver avec tout ce barda par les transports en commun dans n’importe quelle grande métropole du monde, en plein été et à une heure de pointe, et vous saurez qu’il n’est pas possible de voyager ainsi… Après quatre années autour du monde, nous nous sommes donc adaptés : nous sommes passés de 40 kilos chacun de bagages en soute à moins de 10 kilos à deux en cabine. Ces deux sacs sont tout ce qu’il nous reste aujourd’hui, si ce n’est quelques vêtements, photos ou papiers importants laissés au fil du temps aux quatre coins de la planète. Un conseil : si vous voulez voyager loin, voyagez léger !

Copyright : Rodolphe Sinimalé
Australie, 2009

Si vous deviez résumer votre périple…

Voila une question pour le moins compliquée. Notre slogan, “No plan is the plan” (“Pas de plan, c’est notre plan”), résume bien notre aventure. Nous voyageons toujours sans préparation, laissant ainsi la porte des rencontres et des opportunités grande ouverte ! Le fil conducteur – apprendre, partager et grandir spirituellement – nous a toujours guidé dans nos choix. Par ailleurs, Nirina et moi avons parfois suivi des chemins différents, surtout lorsque je pars en retraite méditative : s’assoir des heures durant et faire face à son propre esprit, très peu pour elle ! Elle préfèrera s’asseoir sur un banc, au milieu d’une belle place et écrire de magnifiques poèmes.

Quels moyens de transports avez-vous utilisé au cours de votre voyage ?

Que ce soit en avion, en train, en ferry, en bus, en voiture électrique, en 4x4, en tuk-tuk, en rickshaw, en vélo ou… à pieds, nous avons parcouru plus de 160 000 km ! De tous, la marche est la plus fantastique : quel moyen extraordinaire de découvrir une ville ou une région ! Outre le bénéfice physique global – car voyager (sans moyen) nécessite une excellente complexion – cela permet de voir, d’entendre, de sentir une foule de détails impossible à percevoir lorsque l’on choisit des moyens de locomotion plus rapides. Cela permet, aussi et surtout, d’aller plus aisément à la rencontre de l’autre.

Avez-vous vécu des moments difficiles ?

Je ne peux pas dire qu’il y a des moments insurmontables dans une telle aventure. Il n’y a que des moments où l’on se “défait”, pour reprendre l’expression de David Le Breton. Ces moments nous obligent, parfois brutalement il est vrai, à sortir de notre référentiel, sortir de notre zone de confort et grandir. Bien sur, lorsque nous avons frôlé la mort, nous avons pensé à nos proches. Comme la fois où je me suis fait attaquer par une bande de singes sauvages réellement féroces à Dharamsala, en Inde, seul au milieu de nulle part. Ou encore lorsque nous nous sommes fait arrêter par une fausse milice armée à Tananarive, pendant les élections présidentielles. L’un des “soldats” devait avoir à peine 15 ans. Mais en ayant frôlé la mort, nous nous sentons paradoxalement plus en vie, plus à même d’expérimenter cette précieuse existence. Nous nous sentons capables d’apprécier le présent, avec ses moments infinis de quiétude.

copyright : Rodolphe Sinimalé
Saigon en scooter !

Avez-vous été découragés à certains moments de votre périple ?

“Perte d’argent, perte légère. Perte d’honneur, grosse perte. Perte de courage, perte irréparable.” – Goethe.
Outre des moments de vrai danger physique, nous ne pouvons pas dire qu’il y ait eu du découragement. De la peur, de la fatigue, oui.
Car voyager sans plan ni budget nécessite une très grande énergie (aller toujours de l’avant), une puissante capacité d’adaptation (les différences culturelles peuvent être tout bonnement invraisemblables), ainsi que beaucoup d’imagination !
Ce fut ainsi le cas à Tokyo, un soir de tempête, nous ne savions où dormir. Il était 18h00 et je me souviens de Nirina envoyant un message d’urgence sur Facebook : “Quelqu’un connait-il quelqu’un pour nous héberger ce soir ?” Aussi incroyable que cela puisse paraître, nous avons été entendus ! C’était moins une ! Et nous avons ainsi fait de superbes rencontres, dont Minami et Kiyoko, de formidables Tokyoites qui deviendront nos meilleures amies. Nous sommes en pleine négociation pour qu’elles viennent visiter La Réunion très prochainement !

Justement, quel regard portez-vous sur la Réunion, votre île d’origine ?

La Réunion, c’est un vrai paradis. A l’échelle mondiale, nous avons eu le privilège de visiter des endroits merveilleux, des plages de sable blanc bordées par la somptueuse mer d’Andaman à l’ensorcelante et historique ville de Rome, en passant par les criques secrètes et désertes de l’ile sud de la Nouvelle Zélande… Mais lorsque je me baigne dans le bassin naturel de Manapany, à La Réunion, le bleu de la mer disputant avec le vert de la montagne, la magie du lieu m’ôte toujours autant le souffle ! Quelle beauté !

Et pour la première fois, à Noël dernier, j’ai pu poser un autre regard sur l’île : celui du voyageur qui ne juge pas mais apprend a chaque instant. Sans cette vision, il est très facile de s’enchainer aux divers dysfonctionnements de La Réunion - paradis oh combien insulaire (au niveau géographique mais pas seulement) - et perdre ainsi de vue tout le reste, c’est à dire l’essentiel.

Comment imaginez-vous la fin de ce périple ?

C’est une grande et délicate question. Tout d’abord, il y a l’urgence physique de se poser.
Nous avons eu la chance d’avoir accès à un check up complet dans une clinique chiropratique de Chicago. Résultat : porter un sac à dos pendant quatre ans n’est pas bon pour la santé. Ensuite, il y a l’envie, urgente, de partager tout ce que nous avons vécu, même si le virus du voyage est encore en nous. Je souhaite pour conclure rendre hommage à l’un de mes meilleurs amis, Sully, un autre grand voyageur réunionnais rencontré en Australie, en Thaïlande et en Espagne. Lorsque je lui ai demandé s’il voulait rentrer à la Réunion et y vivre, il m’a répondu : “Gars, lo monde c’est mon caze, la Renyon sa mon chamb’. Ou sa pa reste tout’ la journée enfermé dann out chamb’, si ?”

Lire aussi :
Aventuriers réunionnais de la mobilité : ils font le tour du monde…
- Episode 1 : Le jour où... Nous avons traversé le Japon sans un rond
Episode 2 : Le jour où… Nous avons fêté l’Independance Day à Chicago
- Episode 3 : Le jour où… J’ai fait une retraite dans un monastère bouddhiste thaïlandais
- Episode 4 : Le jour où… Nirina a fêté son anniversaire au Mont Cook en Nouvelle Zélande
- Episode 5 : Le jour où... Nous avons conduit un scooter à Saigon
- Episode 6 : Le jour où… Nous avons appris à faire des pizzas en Italie
- Episode 7 : Le jour où… Nous avons partagé des gâteaux dans la rue à Barcelone
- Episode 8 : Le jour où… J’ai dormi chez un chauffeur de taxi en Inde
- Episode 9 : Le jour où… Nous avons rencontré un couple de Réunionnais en Australie
- Episode 10 : Le jour où… Nous nous sommes faits arrêter par une fausse milice à Madagascar
- Episode 11 : Le jour où… Nous nous sommes faits arrêter par une fausse milice à Madagascar 2/2
- Episode 12 : Le jour où… J’ai rencontré ma famille mondiale (1ère partie)
- Episode 13 : Le jour où… J’ai rencontré ma famille mondiale (2e partie)
- Episode 14 : Le jour où… Nirina partagea un moment lyrique
Les secrets du voyageur : sourires, réseaux et partage

Joindre Rodolphe et Nirina : [email protected]

« Aujourd’hui c’est fait : nous avons franchi et l’Océan Pacifique et l’Océan Atlantique. Nous avons réalisé « le tour du monde »… C’est une sensation étrange, sentiments mêlés de fierté et d’humilité, de gratitude et de joie pour nous, les deux “ti marmailles La Renyon”. »

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