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Le contact créole français à la Réunion - Gudrun Ledegen

Publié le 17 février 2011

Extrait de l’ouvrage "La Réunion, une société en mutation". Contribution de Gudrun Ledegen, Maître de Conférences en Science du langage du CNRS Université de la Réunion.

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A La Réunion, on parle principalement deux langues : le créole réunionnais et le français. Pendant longtemps, la langue française, largement utilisée dans l’enseignement, les médias, a constitué la langue « haute », la langue officielle, comme dans tout l’ensemble français. A contrario, le parler créole, même pratiqué par la quasi-totalité de la population réunionnaise, a longtemps été considéré comme la langue « basse », cantonnée à la sphère privée en tant que langue de l’intimité, de l’entre soi.

Pour Gudrun Ledegen, cette situation diglossique, qui subsiste bel et bien dans les représentations communes, a cependant largement évolué ces trente dernières années.

La fin des années 1970 voit en effet l’irruption du créole dans l’espace public avec la chanson engagée, interprétée et écrite en kréol ou en français, accompagnée ou non par la rythmique du maloya – et l’importance accordée aux thèmes politiques, sociaux et identitaires. Dans le même temps, le débat sur la question du parler créole comme langue et de son écriture prend de l’ampleur dans les milieux militants et intellectuels. Il aboutit à la publication des premiers dictionnaires (1985-1987), sans toutefois que la question de la graphie soit résolue.

Il reste que, malgré l’action militante des défenseurs de la langue et de l’identité créole, le français a gagné beaucoup de terrain, par la scolarisation et les médias. Mais le français partage de plus en plus la place publique avec la langue créole, encore couramment pratiquée, autant par les anciens que par les jeunes. Bannie jusqu’en 1981, l’expression en créole est aujourd’hui très courante à la radio, mais ne fait que de timides incursions à la télévision. Le créole parlé et écrit est aujourd’hui particulièrement présent dans les publicités (écrites, radio- et télé-diffusées) pour vanter les produits du terroir mais aussi les produits modernes (téléphonie …). Il est également utilisé avec les « nouvelles » technologies de l’information et de la communication et très prisé par les jeunes pour communiquer avec leurs téléphones portables.

Ces situations de contact, dans l’espace privé comme dans l’espace public ont des effets sur la pratique du français standard qui évolue vers un français régional. On constate l’émergence d’un parler réunionnais, d’une dynamique interlectale témoignant de l’hybridation des pratiques langagières à la Réunion.

Les différentes modifications de statut et d’utilisation du créole et du français vont de pair avec une décrispation des attitudes devant les deux langues en présence et devant leur mélange. De fait, la vision historique et dichotomique de la diglossie semble aujourd’hui révolue et La Réunion pourrait, à terme, connaître une coexistence sereine du créole et du français.

La suite dans l’ouvrage "La Réunion, une société en mutation", synthèse actuelle des connaissances sur la société réunionnaise s’appuyant sur des travaux scientifiques de référence dirigée par Eliane Wolff et Michel Watin.

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