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Vincent Abadie, responsable logistique à la Direction du Travail de Marseille

Publié le 14 mai 2006

C’est l’histoire d’une famille "voyageuse". Après plusieurs années dans la Marine nationale où il parcourt le monde, Vincent rencontre sa future femme à Tahiti. Un mariage, trois enfants et un retour sur l’île manqué plus tard, toute la famille s’est installée à Paris puis, plus près du soleil à Marseille. Il nous raconte ce périple.

Vincent Abadie
"La ville de Marseille offre pas mal de facettes qui me font penser au pays".

D’où êtes-vous à la Réunion ?

"Je suis né à la Saline il y a 52 ans, issu d’une famille de quatre frères et sœurs. J’ai fait ma scolarité à la Saline, au Port et à Saint-Paul (1ère génération à inaugurer le C.E.S. de Saint-Paul dans les années 1971-72). Contrairement à ce qu’on peut penser et dire, ce n’était pas plus facile pour les jeunes en ce temps là que de nos jours ! L’orientation et la formation faisant défaut".

Qu’avez-vous fait ?

"J’avais besoin d’espace et de « voir le Monde ». J’ai décidé de tenter le concours d’entrée dans la Marine Nationale. C’est ainsi qu’un beau jour d’octobre 72, une première étape me conduit à Madagascar pour quelques jours, puis vers les brumes métropolitaines et Bordeaux. Par la suite, au gré des mutations et après diverses formations, j’ai exercé mon métier à Rochefort, Lorient, Tahiti, Toulon, Brest, en Afrique et en Extrême-Orient. Au fil de ces pérégrinations, j’ai eu la chance de rencontrer celle qui allait devenir mon épouse à Tahiti, une fille née dans les îles comme moi. De cette union sont nés trois enfants qui ont respectivement 29, 27 et 22 ans".

Vous avez tenté un retour à la Réunion...

"Après plus de 20 ans d’absence, voulant faire un retour aux sources et montrer aux enfants la vie aux îles, nous tentons en 1993 une reconversion : mon but était de créer une petite entreprise... Amère désillusion, je n’ai pas trouvé le soutien nécessaire. Après tant d’année, on n’est plus chez soi. Déçu par l’accueil, retour vers la mère patrie en 1995. Installé à Créteil pendant cinq ans, j’exerce des activités administratives au Ministère de la Santé. Mon épouse, qui s’était mise en disponibilité, demande sa réintégration à la Poste de Paris Louvre (un reportage télévisuel a été réalisé et diffusé sur RFO en 1996 intitulé « une valise dans le cœur » sur notre périple)".

Et ensuite ?

"Las des brumes parisiennes, quoique au demeurant ville magnifique sur le plan culturel, nous décidons de retrouver un peu de soleil. Au gré d’une demande de mutation de mon épouse, elle se retrouve à Carry-le-Rouet, patrie de Fernandel, dans les Bouches-du-Rhône à 25 km de Marseille. Je la rejoins six mois plus tard. Nous habitons une petite maison à Saint-Henri. C’est un quartier de Marseille pas loin de la mer, d’où l’on peut voir les bateaux au loin, qui peut-être un jour nous verra partir vers d’autres horizons…"

Quels sont vos projets ?

"Pour l’instant nous avons posé nos valises à Marseille. Le projet immédiat, c’est d’assurer l’entrée dans la vie active de note dernier fils qui effectue des études de sport à Aix".

Qu’est ce qui vous manque le plus de la Réunion ?

"Ce que l’on ne retrouve pas ailleurs : Cette diversité culturelle, religieuse et ethnique qui pour moi est une des forces de la Réunion. Cette faculté de passer d’un paysage à un autre en l’espace d’un instant. Les kabars d’antan où l’on dansait pieds nus sur la terre battue, les maloyas et ségas au son des percussions (djembé, bob, kayambe), et cela malgré l’interdiction de ma mère. Pour le reste, la ville de Marseille offre pas mal de facettes qui peuvent nous rapprocher par la pensée du pays".

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

"La mobilité m’a permis de m’ouvrir sur le Monde, de développer mon esprit critique et ma faculté de jugement. On ne revient pas avec le même regard de contrées comme l’Inde, le Bangladesh ou les pays d’Afrique. Etre soi-même, ne pas fuir devant l’adversité, prendre les problèmes un à un et essayer de les résoudre : on y arrive toujours avec le temps et de la patience".

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

"L’alternative pour la Réunion passe à mon sens par un investissement plus approfondi sur le bassin Indien, entouré par des pays du Commonwealth, tant dans le domaine des échanges économiques, culturels et touristiques. Il existe un fort potentiel de savoir-faire que les jeunes diplômés des universités réunionnaises peuvent apporter. Nos politiques locaux doivent plus investir dans ce sens et ne pas juste regarder vers « l’Etat Providence », car ce dernier connaît une crise existentielle et a tendance à oublier ses enfants éoignés…"

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

"Ici à Marseille la communauté comorienne est plus visible. Néanmoins auprès de mes relations de travail, collègues, entreprises, la Réunion véhicule une image toute positive pour ceux qui ont eu le loisir d’y passer des vacances ou d’y exercer une activité".

Quel conseil donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

"A n’en pas douter de quitter leur île pour s’ouvrir vers d’autres horizons. L’hexagone n’est pas la seule alternative. Le Canada est toujours un pays d’avenir, l’Afrique du Sud est à proximité, il y a aussi l’Australie et la Nouvelle-zélande, même si pour les pays anglo-saxons, nous (les Français) restons quand même un pays de paradoxes. Nos relations avec eux varient toujours entre amour et haine, mais nous sommes quand même les bienvenus".

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