Publicité

Yann Vigile Hoareau, 26 ans, psychologue cognitiviste, chercheur à Paris 8

Publié le 20 septembre 2007

Originaire des hauts de Saint Joseph, élevé avec sa sœur par sa mère seule, Yann Vigile a été emploi jeune avant de se lancer vraiment dans les études. Encouragé par ses professeurs à persévérer, il est aujourd’hui titulaire d’un DEA et réalise une thèse en psychologie à l’Université Paris 8. Il travaille aussi comme chercheur vacataire pour le laboratoire CHArt (Cognitions Humaine et Artificielle) de l’Ecole Pratique de Hautes Etudes.

Yann Vigile Hoareau
Yann Vigile à la Maison des Amériques Latines, le jour de la remise de la Bourse Edouard Glissant dont il est Lauréat 2007.

Racontez-nous votre parcours.

"Je viens de Parc à Moutons, un village des hauts de Saint Joseph. Je viens d’un milieu très modeste. Ma mère célibataire nous a élevé moi et ma soeur avec les petits boulots et le RMI. J’ai voulu quitter l’île pour passer un Deug en pensant que l’herbe était plus verte ailleurs. La psychologie était surtout un prétexte à ce moment".

Que s’est-il passé ?

"Je suis arrivé à Lyon une semaine après mes 18 ans. J’ai connu des moments de disette. J’ai aussi appris l’anglais dans les bars avec des amis venant d’un peu partout dans le monde. Amis que je retrouve parfois ici et là malgré les années. Après mon Deug, je suis rentré à la Réunion. J’ai trouvé un poste d’Emploi Jeune, en tant qu’assistant social à la mairie de Saint Joseph pendant deux ans. Puis ne voyant pas d’issue, j’ai décidé de terminer mes études pour être psychologue. Au fil des années, mes professeurs ont félicité mes efforts et m’ont encouragé à m’orienter vers la recherche".

Quels sont vos projets ?

"Je travaille pour intégrer un poste de chercheur en psychologie cognitive au sein d’un Institut de recherche national. Je pense aussi rentrer un jour à la Réunion. Cela signifiera hélas tracer un trait sur ma carrière. J’espère avoir la force de le faire un jour..."

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

"Ma mère et ma soeur me manquent. Mon cousin disait "Parc Mouton, c’est mon fruit". C’est le mien aussi".

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

"Je n’aime pas ce concept de "mobilité"... La mobilité n’apporte rien en soit. Ce n’est pas le fait d’être "mobile" (ça fait penser à la pub de Richardson !?) qui compte. Ce n’est pas le fait de bouger qui compte, mais plutôt l’expérience que l’on vit quand on bouge. On envoie beaucoup de Réunionnais en France, où tout ce qu’ils découvrent, c’est que la misère à plusieurs peaux..."

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

"Mon regard sur la Réunion est très coupant. Je viens d’un milieu modeste et j’ai ensuite travaillé dans le social. Je sais que des gens souffrent à la Réunion. Je sais que des mères de famille ne mangent pas le midi quand les enfants sont à la cantine pour faire quelques économies et réussir à faire subsister le foyer avec leur peu de ressources. Je sais aussi qu’il ne fait pas bon se plaindre à la Réunion et que ces vérités ne parviennent que rarement aux oreilles de ceux qui mangent le midi.
Je sais aussi que les écarts entre riches et pauvres se sentent plus à la Réunion qu’en France. Question d’anonymat, on souffre moins de n’être pas vu avec le dernier téléphone à la mode à Paris. C’est moins vrai à La Réunion. Je sais enfin qu’on vend la mobilité comme médicament magique et je n’aime pas cette réduction simpliste. Les seuls endroits de la planète où les gens quittent chez eux, c’est les endroits où les gens sont malheureux : Afrique, Asie, etc. Dans tous les cas, je crois qu’on doit prendre soin de ses rêves..."

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

"Dans le domaine de la recherche, on retrouve des chercheurs et des doctorants de toutes les origines. C’est un des rares endroits où l’on peut dire que l’origine n’est ni un avantage, ni un inconvénient..."

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

"Celle qu’on a "des îles" : soleil et cocotiers, parfois celle de soulards au coin de boutiques. Ca reste des clichés assez grossiers".

Vous même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

"J’adore Paris, j’y suis par choix. Musique, spectacle, amis du monde... rencontres et rencontres. Tout ça est très bon pour moi !"

Voir le profil de Yann Vigile

Publicité