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Sylvie Maillot, professeur de Français à Bobigny (93)

Publié le 16 octobre 2011

Arrivée en métropole à l’adolescence, originaire de la Chaloupe Saint-Leu, Sylvie se définit comme un professeur de Français de langue maternelle réunionnaise. A 40 ans, elle enseigne à des apprentis en CFA en région parisienne.

Sylvie Maillot

D’où êtes vous à la Réunion ?

J’ai été élevée à la Chaloupe Saint-Leu par mes grands-parents maternels, ma mère étant venue en Métropole pour trouver du travail. Je viens d’un milieu très modeste, mes grand-parents étaient analphabètes.

Dans quelles conditions avez-vous quitté l’île ?

J’avais 14 ans. Au décès de mon grand-père maternel, j’ai souhaité être avec ma mère ici, à Paris. Dans ma valise, j’ai emporté un livre, ""J’ai quinze et je ne veux pas mourir" de Christine Arnothy (seul objet toujours en ma possession), des vêtements et un journal intime que je ne détiens plus.

Quel a été votre parcours ?

J’ai d’abord continué le collège puis je suis allée au lycée. Au collège, j’étais dans le 16è arrondissement de Paris, à côté du Parc des Prince. Le choc culturel fut important, l’intégration difficile et violente. Il y avait certains codes avec lesquels j’avais beaucoup de mal. J’ai très vite perdu mon accent créole pour réussir cette intégration. Au lycée, dans le 14è, le brassage ethnique était un peu plus important et le milieu social des élèves plus modeste. Je m’y suis sentie plus à l’aise et plus intégrée.

Avez-vous quelques anecdotes ?

Au collège à Paris, vers l’âge de 15 ans, j’ai compris pour la première fois ce que signifiait "être juif". A la Réunion, cela ne voulait pas dire grand chose en dehors des pratiques religieuses (j’avais une amie juive qui parlait le créole comme moi) et cela ne constituait pas une différence pour moi, habituée aux "Zarab", aux tamouls et aux catholiques (ma religions de départ). L’entrée dans le monde professionnel, très difficile également, marquée par le sentiment de l’exil et " la galère" a laissé place beaucoup plus tard à un début de confort de vie.

Qu’avez-vous fait ?

Titulaire d’un BTS assistant de direction et de deux licences (Lettres modernes et Sciences de l’éducation), j’ai d’abord travaillé comme assistante de direction, puis en lycée professionnel dans l’Éducation Nationale comme professeur. Aujourd’hui je suis professeur de français auprès d’apprentis en CFA (Bobigny).

Quels sont vos projets ?

J’aimerais travailler à mon compte et m’investir dans un projet culturel. J’aimerais beaucoup que mon identité créole trouve son épanouissement en Métropole, et idéalement pouvoir voyager plus souvent à la Réunion.

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

Les couleurs, le paysage surtout, la beauté des sites naturels. Les cases créoles, la mer. La simplicité, la chaleur et la solidarité de ses habitants.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

Je suis un peu désespérée de voir que les créoles ne se démènent pas davantage pour sortir leurs deux pieds du même sabot et enrichir leur pays. J’aimerais bien que l’île se développe davantage.

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

Avantages : la mentalité, une certaine conception de l’être humain et de la solidarité qui contraste fortement avec l’individualisme de la Métropole. Ce sont des valeurs non négligeables.

Inconvénients : l’histoire et la mentalité. Le Réunionnais a du mal à sortir de la sphère privée, d’où un esprit d’entreprise difficile. L’histoire marquée par la colonisation place souvent le Réunionnais dans une position de subordination vis à vis du "métropolitain". Il a du mal à s’en défaire, je crois. Mon expérience personnelle s’est déroulée ainsi.

Quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses
habitants ?

Je n’aime pas la région parisienne, sa monotonie, la froideur des habitants... et de plus en plus le manque de civisme. Je n’aime ni l’architecture ni le manque criant de nature.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

Dans l’idéal : venir avec un projet professionnel bien ficelé, de préférence avec un organisme qui les aide, maintenir un contact avec l’île et la possibilité de revenir régulièrement à la Réunion.

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?

Je ne le connais pas très bien encore. Je viens de le découvrir en lisant avec intérêt le dossier pédagogique sur le créole et d’autres documents sur le créole réunionnais. Le site est convivial de prime abord. Il donne envie d’être consulté plus en profondeur.

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