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Sébastien Payet, attaché parlementaire d’un sénateur canadien

Publié le 18 novembre 2011

Extrait du N°2 du magazine Bat’Carré - Sébastien Payet est parti vivre au Canada en rêvant de grands espaces. Il se considère aujourd’hui pleinement intégré dans la société canadienne et profite, depuis maintenant six ans, d’une expérience enrichissante au Sénat en tant qu’assistant exécutif d’un parlementaire canadien. Mais le Québec, est surtout pour lui le lieu de rencontre de son âme sœur, mère de ses deux enfants. En 2011, il obtient la nationalité canadienne. C’est l’envie de s’intéresser aux autres, et de se découvrir lui-même, qui lui a permis de s’immerger aussi rapidement. Il garde de sa Réunion natale les souvenirs heureux de son enfance, le goût des bonnes choses, et un humour rafraîchissant.

Sébastien Payet, attaché parlementaire d’un sénateur canadien
Sébastien en famille au Canada.

Propos recueillis par Francine George

Quel est ton parcours ?

Je suis né à la Réunion en 1977 – l’année du décès d’Elvis Presley ! Ce que ma mère me racontait toujours avec un sourire sachant que mon père en était un grand fan… J’ai passé mon Bac ES en 1996 et, poussé par l’envie de découvrir de nouveaux horizons, je suis parti à Marseille faire une école de Commerce. Je me suis retrouvé très vite face à moi-même, avec les angoisses d’un étudiant dans un environnement inconnu et l’obligation de m’ouvrir aux autres. Suite à mon stage programmé de six mois à La Réunion, j’avais encore deux années d’études à faire pour obtenir mon diplôme. Je quitte alors mon île pour le Canada.

Pourquoi le Canada ?

J’avais une envie de grands espaces, de déconnexion complète avec La Réunion. Un rêve secret de paysages comme dans la Petite maison dans la prairie où coule la rivière...

Au début, ça s’est passé comment ?

En fait, tout est allé très vite pour moi : décembre 98, soit quatre mois après mon arrivée, j’ai rencontré l’âme sœur, celle qui deviendra la mère de mes enfants. Au début, j’ai été très déçu par l’atmosphère de Hull (maintenant Gatineau)…ville universitaire en bordure de rivière portant. Je suis arrivé dans un groupe de jeunes, nous étions une vingtaine, fiers de notre identité française, qui nous poussait à « moukater » gentiment notre environnement d’accueil. En 2000, il ne restait plus que deux Créoles, deux amis. Et, c’est là où j’ai appris à écouter, à apprécier la musique de la langue. Car voyager c’est aussi çà. Au-delà des paysages, il faut s’ouvrir aux autres, écouter leur histoire. Voyager c’est l’aptitude à vouloir écouter l’autre.

Ton premier boulot.

En 2003, je fais mon entrée sur la colline parlementaire d’Ottawa pour collaborer aux travaux d’un député fédéral québécois. Quelle excitation et quel stress de se retrouver là ! J’ai tout de suite ressenti le besoin d’apprendre sur le pays, son histoire, sa géographie, son économie… et occuper ma place dans cette société.

Et maintenant ?

En 2004, naissance de ma fille. Je sais dorénavant que le Canada est plus qu’une porte d’entrée vers une nouvelle expérience, c’est ma vie. Je deviens citoyen canadien en mars 2011 et je porte maintenant fièrement mes deux nationalités.

Je suis depuis 2005 attaché à un bureau de Sénateur. Nous partageons mon ami et moi (deux Réunionnais au Sénat !) les réflexions de cet homme politique de grande expérience dont le souci est de construire le genre de société qui permet, entre autres, d’accueillir et intégrer en son sein des petits créoles soucieux de bâtir un avenir loin de leurs origines. Le plus gratifiant de cette expérience reste la recherche pointue et l’attention constante qui nous est demandées. Je ne me considère pas pour autant « politisé », au sens premier du terme, mais je comprends aujourd’hui beaucoup mieux ce milieu et l’investissement dévoué d’une grande majorité de ses acteurs.

J’observe aussi, à distance pour être bien honnête, le dynamisme de la vie associative des réunionnais au Québec. Réunionnais du Québec Nou lé là ! en est le parfait exemple, association qui est très active. Eh oui, la Réunion fait son chemin là-bas, notre patrimoine s’exporte !

Bat Carré 2
Lire l’intégralité du N°2 de Bat Carré sur le site batcarre.com

Ton impression sur le Canada

Pour les grands espaces, je ne suis pas déçu. Les gens sont très chaleureux. La langue, l’accent, ça m’a tout de suite plu. J’habite une ville, qui une fois apprivoisée, n’est pas dénuée de charmes : espaces verts, pistes cyclables, rivière qui coule et nous sépare d’Ottawa, la capitale fédérale. Sur chaque rive une langue différente domine : français, rive québécoise, et anglais, rive ontarienne…mais les deux sont reconnues officiellement par la Constitution du pays !

Le pays s’installe profondément en moi. Oui, j’éprouve de plus en plus l’envie de le découvrir avec mes enfants, ma conjointe, même si jusqu’à présent je ne profitais que du passage de mes parents pour le faire. J’y suis bien avec ma conjointe et mes deux enfants… c’est notre monde.

Qu’est-ce qui te manque de La Réunion ?

Le créole na point retrouv’ son carry ! Les odeurs m’ont beaucoup manqué et me manquent encore. Le géranium, le vétiver, le parfum de ma grand-mère dans ses vêtements ; les couleurs aussi, le flamboyant à Noël. Cela va paraître sûrement un peu « niaiseux » (ridicule), mais je me suis quelquefois surpris à pleurer en écoutant Mon Île de Jacqueline Farreyrol. Je me suis même empêché quelque temps d’écouter cette chanson, sinon c’était le spleen assuré ! Ma famille m’a évidemment beaucoup manqué au début et puis ça s’est estompé un peu quand j’ai commencé à construire la mienne. Autre date importante dans ma vie, 2008, la naissance de mon fils.

Ton regard sur La Réunion quand tu y reviens ?

Je conserve de mon île des sensations fortes, Saint-Gilles, la plage, les filaos, la chasse aux oursins. Même si l’urbanisme a rasé quelques-unes de mes places favorites et que l’asphyxie me guette, je reste définitivement attaché à mes racines. Quand je vais me promener dans les hauts, à Mafate par exemple, c’est encore plus vivace. La Réunion du patrimoine UNESCO, c’est La Réunion de mon enfance.

Et si c’était à refaire ?

J’ai eu beaucoup de chance, j’ai un ami qui « veille sur moi » et j’ai tout de suite trouvé l’âme sœur. Jamais, je n’ai été oppressé par la différence culturelle. Le plus dur a été l’adaptation au froid. La première année, c’est marrant, mais la deuxième, quand il faut une heure de temps pour déneiger la voiture...

Quels conseils donnes-tu aux jeunes Réunionnais qui veulent partir ?

Il faut partir avec un plan d’étude et se poser la question « d’après ». Les doutes arrivent très vite. Diplôme reconnu en France ? Partir seul ?... À La Réunion, il existe déjà quelques organismes qui aident à organiser un « plan de voyage » au Canada, mais pas un « plan de vie » !

Lire l’intégralité du N°2 de Bat Carré sur le site batcarre.com

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