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Coralie Nativel en Suisse : la Présidentielle française vue de l’étranger

Publié le 15 avril 2012

Installée dans le Canton du Tessin depuis dix ans, la Réunionnaise Coralie Nativel suit les débats qui agitent la campagne présidentielle française depuis sa tranquille Suisse. Cette Possessionnaise de 33 ans enseigne le français et collabore comme journaliste pour des revues de la région de Lugano.

Coralie Nativel

Pouvez-vous vous présenter s’il-vous-plait ?

Je viens de la Possession où j’ai grandi et vécu jusqu’à mon bac. Diplôme en poche, je me suis envolée pour Paris pour les études en 1996. J’y ai vécu huit ans et l’aventure suisse a commencé ensuite. J’enseigne le français dans un collège et aussi dans différentes écoles privées à des adultes, et je collabore comme journaliste pour des revues locales. Je vis à Lugano dans le canton du Tessin au sud, où la langue officielle est l’italien. On est plus près de Côme et Milan que de Zurich et Genève…

Quel est le regard porté par les Suisses sur les élections présidentielles françaises ?

La Suisse est un petit pays, mais avec des différences régionales bien marquées. Vu de mon canton italophone, la France semble bien lointaine. Mais dans les médias suisses romands (francophones), les élections françaises sont suivies de très près : débats, reportages, micro-trottoirs radio et télé sur les marchés de l’hexagone sont régulièrement diffusés. La fiscalité des « riches » et le secret bancaire sont des thèmes récurrents du débat ici. L’hostilité déclarée aux paradis fiscaux des principaux candidats français a fait couler pas mal d’encre et a créé des inimitiés avec notre voisin. La Suisse, ces dernières années, a subi beaucoup de pressions des pays européens et des Etats-Unis et sa place financière est quelque peu ébranlée. Sur ce point la campagne présidentielle française est bien relayée.

Y-a-t-il d’autres sujets sensibles ?

Un autre sujet qui a eu un écho très fort ici a été la remise en question des accords de Schengen par Nicolas Sarkozy il y a un mois. Une déclaration quelque peu surprenante vue de Suisse, la Suisse ne faisant pas partie intégrante de l’Union Européenne mais étant entrée après beaucoup de débats dans l’espace Schengen fin 2008. L’annonce de Nicolas Sarkozy a fait l’effet d’une bombe, d’autant qu’en Suisse le principal détracteur de ces accords est l’UDC, le parti d’extrême-droite qui monte. La Suisse se sent donc un peu le bouc-émissaire de la campagne, la mal-aimée de l’Europe en ce moment.

Comment expliquer l’intérêt des Suisses pour cette campagne ?

La Suisse est au cœur de l’Europe, donc difficile de ne pas être concernée par l’actualité des voisins... Avec la crise, les Suisses ont plutôt tendance au repli. Beaucoup se félicitent d’avoir résisté à l’entrée dans la zone euro. Vu d’un canton italien, la France demeure quelque peu lointaine avec les clichés habituels sur les Français vus par des étrangers : l’arrogance, la saleté des villes, l’image chic des marques de luxe, du champagne ou d’une bouteille de Bordeaux ou encore l’élégance des Françaises. Vu des Cantons romands, la France est le pays où de nombreuses familles suisses vont faire leurs courses (prix plus compétitifs). C’est aussi la mère de tous les maux à cause du trafic pendulaire engendré quotidiennement par les frontaliers. C’est la grande sœur à la fois chérie et détestée.

Comment vivez-vous personnellement cette période électorale ?

Vivant à l’étranger, je ne me sens pas vraiment au cœur des débats. Le jour de l’élection est intéressant, car c’est l’occasion de croiser des compatriotes et de se rendre compte qu’on n’est pas seul ! Etant inscrite aux registres des Français à l’étranger, ma boite emails est envahie des mailing des candidats. Cependant, je suis la campagne de loin, d’autant que les discussions prennent souvent des colorations « anti-tout » qui me dérangent. On croirait parfois que la France oublie qu’elle fait partie de bien plus grand qu’elle. Mes origines ultramarines me rendent plus attentives aux débats sur l’immigration, ou encore aux multiples promesses des candidats divers pour la Réunion et l’outre-mer en général. Certains de mes collègues par exemple ont découvert où était la Réunion grâce à la visite de Sarkozy qui a été très relayée ici.

Voyez-vous des ressemblances entre la Réunion et la Suisse ?

Des similitudes entre la Réunion et la Suisse, étrangement je trouve qu’il y en a beaucoup. Par exemple il y a beaucoup de sentiers balisés pour les randonnées et des refuges en montagnes où passer la nuit, un peu comme à la maison ! La ville où je vis se trouve entre lacs et montagnes, l’eau et les reliefs sont omniprésents. Bien sûr ce n’est ni l’océan Indien ni les montagnes réunionnaises, mais on retrouve aussi un peu ici le sentiment de « l’insularité ». Le Tessin est le canton « défavorisé » de la Suisse (salaire et niveau de vie plus bas qu’à Zurich ou Genève), mais en même temps on y trouve des paysages somptueux qui en ont fait la Riviera de la Suisse. C’est un peu les mêmes thématiques que l’on retrouve entre la Réunion et la métropole. D’ailleurs les Tessinois affublent les Suisses Allemands du sobriquet de zucchini (courgettes). Une différence majeure tout de même est la propreté - ici, pas de déchets qui traînent au détour des sentiers - et le sentiment de sécurité. Je me balade souvent à vélo et je n’ai jamais utilisé d’antivol !

Article paru dans Le Quotidien du 15 avril 2012

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