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Regard sur le monde : la vie d’un Réunionnais à Dubai

Publié le 6 mai 2012

Originaire de Sainte-Clotilde, Samuel Galbois est titulaire d’un MBA de la prestigieuse London business School. A 31 ans, ce conseiller en stratégie est chargé de proposer des politiques de développement à Dubai, afin de réduire la part des revenus pétroliers dans son économie.

Samuel Galbois
Devant le fameux Burj Al Arab à Dubai.

A quoi ressemble la vie dans l’un des pays les plus riches du monde ?

Le niveau de vie des expatriés est très élevé à Dubai, notamment grace à l’absence d’imposition dans l’Emirat. Mais ce qui échappe souvent aux touristes de passage, c’est l’abondance de main d’œuvre à bas coût. Venant principalement d’Inde, du Bangladesh et des Philippines, ces immigrés sont les petites mains qui font tourner l’activité économique 24H/24. Les expatriés occidentaux se concentrent sur les métiers à forte valeur ajoutée, généralement dans les services, tandis que les autres corps de métier (serveur, ouvrier, technicien de surface, nounou, etc.) sont occupés par ces émigrés pour des salaires dérisoires. Il faut cependant noter que ces salaires sont plus élevés que ce que les
migrants pourraient toucher dans leur pays d’origine.

Y-a-t-il un prix à payer pour toute cette richesse ?

Oui, c’est la liberté d’expression. La vie politique est régie d’une main ferme par l’Emir, Mohammed ben Rachid Al Maktoum, et gare à ceux qui osent troubler l’ordre public ! Cela équivaut à un renvoi direct vers le pays d’origine, en passant par la case prison... Mais ce qui me touche et me révolte le plus, c’est le sort réservé à certaines nounous philippines, totalement dépendantes des familles qui les emploient et « sponsorisent » leur visa de résidence. Privées de leur passeport, à peine payées, travaillant parfois 7 jours sur 7 et souvent battues, il n’existe que peu de ressources légales pour celles qui se font abuser ou ouvertement exploiter. Cette forme d’esclavage moderne est malheureusement assez commune dans toute la région, de l’Arabie Saoudite jusqu’au Liban.

Le « Printemps arabes » pourrait-il gagner Dubai ?

Je ne pense pas que le « Printemps Arabe » puisse toucher à court terme
Dubai. Une des différences fondamentales par rapport à l’Egypte ou à la
Tunisie est la taille de la population locale. Les Emiratis représentent
environ 15% de la population de Dubai, soit moins de 300 000 personnes. Il est donc plus facile à l’Émir de Dubai de garantir un niveau de vie élevé
à cette population : gratuité des soins et de l’éducation, prêts à taux
préférentiel, augmentation régulière des salaires, etc. Une partie de la
richesse créée à Dubai est ainsi redistribuée en de nombreux avantages aux
Emiratis. Il ne faut pas oublier que la misère et le chômage ont été les
principaux déclencheurs du « Printemps Arabe ». Avec un PIB par habitant
supérieur à $US 50,000, le niveau de vie des Emiratis est très différent
de celui du Tunisien ou de l’Egyptien moyen.

Samuel Galbois
Remise de diplôme à la London business School.

La crise économique mondiale a-t-elle aussi touché Dubai ?

Certains des projets pharaoniques qui ont placé Dubai sur l’échiquier des grandes villes mondiales sont aujourd’hui arrêtés. L’exemple le plus frappant est « The World », cet archipel d’îles artificielles en forme de continent censé être un ghetto de luxe pour les grands de ce monde. Aujourd’hui, il n’en reste que des îles sablonneuses et désertes, s’enfonçant lentement dans le golfe persique. Mais si ces projets ont failli pousser l’Emirat vers la faillite, ils ont eu le mérite de donner à la ville une des meilleures infrastructures au monde. Autoroutes, aéroports, port en eaux profonde : tous ces projets gigantesques et moins médiatisés ont été entrepris pendant les « années folles ». Aujourd’hui, Dubai est devenu un gigantesque hub logistique grâce à ces infrastructures qui lui permettent d’exploiter sa position géographique, au carrefour des échanges entre l’Europe, le Moyen Orient et l’Asie.

Que pensez-vous de la volonté de Dubai de s’imposer en tant que centre culturel mondial ?

Dubai essaie de diversifier au maximum ses sources de revenus et je pense que c’est une sage stratégie. Disposant de ressources limitées en pétrole, l’émirat a été le premier à se lancer dans une politique massive de diversification économique. Pour jouer dans la cour des grandes mégapoles internationales telles que Paris, Londres ou New York, il faut que la ville développe son offre artistique et en musées. La concurrence sera néanmoins rude avec l’émirat voisin d’Abu Dhabi qui a de grandes ambitions et des projets de musées, tels que le Guggenheim ou
le Louvre, qui sont déjà bien avancés. Il faudra aussi compter avec le Qatar qui dispose de revenus quasi illimités grâce à ses réserves de gaz naturel et qui a remporté l’organisation de la coupe de monde de football en 2022.

Voyez-vous des points communs entre Dubaï et la Réunion ?

Le point commun qui me saute aux yeux est la diversité : « chinois », « malbar », « zoreil »... toutes les nationalités sont représentées à Dubai et vivent en harmonie. Le vieux Dubai me fait d’ailleurs beaucoup penser à certains quartiers du centre-ville de Saint Denis : de petites boutiques de tissus tenues par des Indiens, des marchands ambulants de samossas et autre douceurs du sud de l’Inde… Bref, un Réunionnais ne se sentirait pas dépaysé !

Article publié dans Le Quotidien du 6 mai 2012

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