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Regard sur l’actualité : La crise islandaise vue de l’intérieur

Publié le 20 mai 2012

Alors que l’Islande est régulièrement citée dans les médias pour sa gestion démocratique de la crise financière (gel de la dette après référendum, nationalisation des banques, poursuite des banquiers en justice), la perception de Vassanta Idmont sur place est différente. Réunionnaise installée sur cette île nordique depuis cinq ans, Vassanta a fondé sa famille avec un Islandais et y élève ses deux enfants avec un poste de Pédicure podologue.

Vassanta Idmont

Pouvez-vous vous présenter svp ?

J’ai 34 ans et mon cursus est assez varié. J’ai travaillé dans des hotels, dans des bureaux en tant qu’opératrice de saisie intérimaire, en tant qu’éducatrice spécialisée avec un enfant autiste, j’ai été hôtesse de l’air... J’ai vécu en Angleterre, en France et maintenant en Islande depuis cinq ans. Je m’y suis installée car mon compagnon est Islandais. Mon projet actuel est l’ouverture d’un cabinet de Pédicurie Podologie en juillet.

Candidate à l’Union européenne, l’Islande est le premier pays à avoir subi la crise financière en 2008. Comment a-t-elle été vécue dans la population ? 

En 2008, nous avons vu les prix augmenter... de plus en plus vite. Je venais d’avoir mon premier enfant à l’époque, et je peux vous dire que le paquet de couches le moins cher est passé de 650 couronnes islandaises (kr) à 990kr en un mois, puis à 1200kr trois mois plus tard. Aujourd’hui il reste à 1500kr. Le pays a connu des licenciements à tour de bras et de nombreuses diminutions de salaires. Il y a eu une grande panique durant ces années, mais aussi beaucoup d’entreaide. Des personnes se sont retrouvées avec leur carte de paiement sans provision en main, en caisse. Les gens autour d’elles ont offert de payer pour leur courses, parfois même les caissières... Beaucoup de familles ont perdu leurs maisons, beaucoup d’Islandais ont émigré vers les autres pays scandinaves.

Quelle a été la réaction des autorités ?

Voici quelques mesures prises par le gouvernement pour empêcher la fuite "des riches" et "aider" la population : 
interdiction des transactions bancaires hors pays
plafonnement des retraits (même en cas de déménagement hors Islande, il était parfois impossible d’accéder à ses propres fonds !)
possibilité de payer en euro / dollar dans tous les magasins du pays
impossibilité d’envoi d’argent par Western Union ou autre
gel (temporaire et sélectif) des crédits bancaires, car les familles perdaient absolument tout ce qu’elles avaient : toit, voiture, salaire avec pour certains un retour chez les parents
possibilité de retirer un certain pourcentage de pension de retraite pour aider les ménages à vivre.
Parallèllement, les impôts ont augmenté et de nouvelles taxes sont apparues, plus farfelues les unes que les autres. Par exemple, une taxe sur les radios que tout le monde doit payer !

Où en est-on en 2012 ?

Aujourd’hui, la situation est meilleure dans le sens où l’économie a un peu repris. Le taux de chômage a baissé, même si l’ insécurité de l’emploi reste très présente. Nous pouvons depuis quelques mois être en contrôle de notre compte bancaire et faire des transactions hors du pays. Malgré tout, les prix et les taxes demeurent très élevés. Dans mon foyer, nous faisons très attention aux dépenses comme tout le monde et nous essayons d’économiser là où c’est possible. 

Pensez-vous que les médias occidentaux comprennent ce qui se passe en Islande ?

J’ai récemment entendu parler d’un reportage français qui disait que l’Islande était un pays modèle dans cette crise et qu’il y avait un « secret » islandais. Je peux vous dire qu’il n’y a pas de secret : augmentation de 200% (même 300%) des prix et des taxes, diminution des aides sociales et gel des augmentations de salaire... Voilà le secret s’il y en a un.

Voyez-vous l’avenir avec optimisme ?

Les créanciers étrangers ont été très durs envers l’Islande, au risque de mettre le pays en faillite. L’Islande est une toute petite île de 350 000 habitants. Comment imposer à une petite île de rembourser la dette d’une de ses banques en gelant tous les biens de cette banque, l’empêchant de les vendre pour effectuer un remboursement ? Nous subissons toujours cette dette, de même que la génération de mes enfants devra la subir.

Article publié dans Le Quotidien du 20 mai 2012

Le profil de Vassanta Idmont

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