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Violences urbaines : un Réunionnais d’Amiens témoigne

Publié le 19 août 2012

Originaire de Saint André, Bertrand Molière vit à Amiens depuis 2008. Ce jeune dessinateur projeteur de 23 ans donne son avis sur des troubles qui ont touché un quartier qu’il connaît bien. Diplômé d’un D.U.T Génie Civil obtenu à l’I.U.T d’Amiens (Université de Picardie Jules Verne), Bertrand Molière a travaillé en 2011 sur la construction du nouveau C.H.U d’Amiens.

Bertrand Molière

Où vivez-vous par rapport aux quartiers touchés par les violences de ces derniers jours ?

Je n’habite pas Amiens nord, mais je fréquente le quartier assez régulièrement. J’y ai des amis, et c’est là-bas qu’on trouve ce qu’on ne trouve pas en ville : la plupart des produits tropicaux, le plus grand marché de la région et tous les petits "business", taxi-phone, déblocage de portable, vendeurs de contrefaçons... C’est aussi à Amiens nord que se trouvent la majorité des logement sociaux, les grandes cités HLM et les quartiers réputés difficiles. Même si on n’en parle pas dans les médias nationaux, les quartiers nord d’Amiens ont depuis bien longtemps des problèmes d’insécurité. Cela ne date pas d’hier !

Que s’est-il passé cette semaine à Amiens ?

Tout est parti de la mort d’un jeune des quartiers nord qui s’est tué à moto la semaine dernière aux abords des cités. Le jour de son enterrement, il y a eu un contrôle de la B.A.C qui a mal tourné... Les médias ont mis cela à la une, dans un contexte politique qui oppose le bilan de Nicolas Sarkozy et le nouveau mandat de François Hollande. Tout le monde attend de voir ce que va faire le nouveau gouvernement par rapport à l’ancien.

Quelle est votre explication de cette explosion de violence ?

Les habitants ont été choqués par la mort de ce jeune dans un quartier où tout le monde le connaissait de prés ou de loin. Il était entièrement responsable de sa mort. Les rodéos de motos en tous genres sont courants, avec des machine modifiées, débridées ou non homologuées pour la route. Cela se passe souvent dans les parkings et dans les voies de bus. Je pense que les familles se sentent un peu coupables de voir leurs enfants mettre leur vie en danger, et même de la perdre comme pour ce jeune qui avait à peine plus de 20 ans. Cela s’est passé en plus en pleine période de ramadan. Le coeur de ces personnes saignait à vif. Ce n’était pas très délicat de faire une intervention de police à ce moment là, mais après tout il faut bien qu’elle fasse son travail.

Bertrand Molière

Est ce que ces événements vous étonnent ?

Personnellement quand je vais dans les quartiers nord, j’ai l’impression qu’on est là-bas au dessus des lois, dans un lieu de non-droit où tout est permis. On se gare comme on veut (sans payer), les jeunes roulent en moto n’importe comment et sans casque... Il n’est pas rare de voir des poubelles brûlées ou carrément une voiture. Lorsque la police doit faire une intervention, même la plus simple, il n’est pas rare des les voir en tenue anti-émeute... Bref ce qui s’est passé à Amiens nord ne m’étonne pas vraiment.

Selon vous, quelles sont les différences entre la situation dans les quartiers difficiles d’Amiens et la situation dans les quartiers difficiles de la Réunion ?

Les causes profondes restent les mêmes dans tous les quartiers défavorisés : le manque de moyens pour les familles, la rupture sociale, la précarité, la stigmatisation des populations par rapport à leurs origines, le manque de communication entre les populations et les forces de l’ordre... A la Réunion certains de ces problèmes sont encore plus accentués, à cause du coût de la vie trop et du taux de chômage qui sont plus élevés. Mais à la Réunion, on n’a pas ce problème de conflit culturel qui existe dans les cités de métropole. Le fait que les Maghrébins et les Africains subsahariens amènent leur culture dans un pays de culture occidentale crée un conflit de cultures. Malgré des origines différentes, tous les Réunionnais ont un socle de traditions et une culture commune, exception faite peut-être pour les Mahorais. Et c’est sur ce point que nous Réunionnais et Mahorais de la Réunion devons faire des effort d’intégration : pour ne pas ajouter un nouveau problème dans la balance.

Article paru dans Le Quotidien du 19 août 2012


Le profil de Bertrand Molière

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