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Cyclone Nilam : témoignage d’une Réunionnaise en Inde

Publié le 4 novembre 2012

Alors que le monde avait les yeux rivés sur les États-Unis, le cyclone Neelam dévastait dans la semaine la côte sud est de l’Inde, causant la mort d’au moins douze personnes et d’importants dégâts matériels. Installée à Chennai avec son mari expatrié dans une société française, la bénédictine Nadège Aréquiom Fouret décrit la catastrophe de l’intérieur et l’incroyable capacité des Indiens à se relever.

Nadège Aréquiom Fouret

Pouvez-vous vous présenter svp ?

Nadège Aréquiom Fouret, j’ai 48 ans et je suis originaire de Saint Benoit. Je suis auxiliaire puéricultrice et j’ai suivi en Inde mon mari, expatrié dans une société française d’ingénierie. Je vis en Inde depuis quatre ans.

Avez-vous « vu arriver » le cyclone Nilam ?

J’habite à Chennai en bord de mer. Le samedi 27 octobre au matin, en ouvrant mes volets, je me suis rendue compte que la mer était très agitée, comme à la Réunion à l’approche d’un cyclone. J’en ai fait la remarque à mon mari. Les jours suivants, le mauvais temps s’est amplifié : vent et pluie incessants, vagues de plus en plus grosses... Je persistais à dire que nous avions une dépression en vue, mais personne ne me prenait au sérieux… A Saint Benoît, j’habitais près de la mer donc tout est ancré en moi. Sur Internet, je ne trouvais pas d’informations sur un phénomène particulier. Comme nous sommes en période de mousson, pour les Indiens que je côtoie tout était normal. Il faut dire aussi que par nature, ils ne sont jamais inquiets !

Que s’est-il passé ensuite ?

Mardi les choses se sont accélérées. Les autorités indiennes ont ordonné la fermeture des écoles, pour les ouvrir aux sans abri et aux personnes évacuées de leurs maisons… En tant qu’expatriés, nous avons reçu un mail du consulat de France nous informant qu’une dépression arrivait sur nos côtes, avec les consignes de prévention comme à la Réunion. Mercredi, la mer était déchaînée avec une force de vents qui me laissait présager que ce n’était plus une dépression qui était à nos portes. Sur le site du consulat de Pondichéry, j’apprends que la dépression a été requalifiée en cyclone baptisé Neelam, classé 8 sur une échelle de 10. Dans mes souvenirs de la Réunion, les gens restaient chez eux à attendre que tout se passe. Ici je voyais les gens arriver en masse sur la plage, face des vents déjà supérieurs à 90 km/h… C’était hallucinant, comme s’ils venaient voir un spectacle ! Des patrouilles de police ont alors fait des rondes pour ordonner aux gens de rentrer chez eux.

Comment avez-vous vécu personnellement le passage du cyclone ?

Nous avons eu des coupures de courant interminables et des vents de plus 100 km/h. Chez moi l’eau s’est infiltrée par les fenêtres et les portes. Toute la nuit j’ai eu une peur bleue que les vitres de mes fenêtres explosent sous la pression des rafales. Je ne me sentais pas en sécurité… J’avoue que j’ai vraiment paniqué quand les tuiles de ma terrasse sont tombées mais finalement, j’ai eu des dégâts minimes par rapport a ceux qui n’ont rien. Malgré les nombreuses maisons inondées et abîmées par le vent, la vie a très vite repris son cours. Je vis avec une population qui est très optimiste. Les Indiens ne manquent pas de force et de courage. Ils ont beaucoup à nous apprendre, surtout dans leur façon de prendre le meilleur de la vie même dans la pauvreté.

Aimez-vous votre vie en Inde ?

J’aime ce pays où il règne une douceur de vivre, du moins ici dans le Tamil Nadu. Le quartier où j’habite est résidentiel. Le matin je passe et les gens me disent bonjour. Ils me font la conversation en tamil, bien que je ne comprenne pas… Mais l’Inde change à vitesse grand V. La nouvelle génération veut s’habiller comme les occidentaux. Le must pour les filles, c’est de porter des jeans. Je pense que dans quelques années, les saris ne seront portés que pour les fêtes comme chez nous à la Réunion, ce que je trouve regrettable. Comme beaucoup de Réunionnais, mes aïeux viennent de ce beau pays qui maintenant est cher à mon cœur.

En tant que Réunionnaise, qu’est ce qui vous parait le plus proche et à l’inverse le plus éloigné en Inde ?

On retrouve ici les beaux flamboyants qui fleurissent d’août à septembre, la même végétation, les légumes et les fruits. La cuisine est ressemblante, quoi que plus épicée. Il y a beaucoup de différentes ethnies ici dans le Tamil Nadu, je retrouve souvent dans chaque Indien le facies d’un Réunionnais. La diversité religieuse est aussi présente et chose curieuse, on enlève ses chaussures pour entrer dans une église comme dans un temple.
Le plus éloigné pour moi est la solidarité des Indiens entre eux, valeur qui n’existe plus chez nous. Les personnes agées ont une très grande place dans les familles indiennes. Je rencontre souvent le soir des jeunes qui se promènent avec leurs grand-parents main dans la main. J’espère ne jamais voir de maison de retraite en Inde, comme à la Réunion où les gens laissent leurs parents.

Qu’avez-vous pensé du traitement du cyclone Neelam dans les médias ?

Je regarde TV5 monde et il a fallu attendre bien longtemps pour qu’on parle de ce qui se passait ici. Au moment où nous étions inondés par des pluies diluviennes en Inde, la télé nous bombardait d’images et d’infos sur les États-Unis... à croire que le monde ne tourne que de l’autre coté de l’Atlantique. Au fond de moi je suis en colère. Pourquoi un pays plus que l’autre ?

Article paru dans Le Quotidien du 4 novembre 2012


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