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Spécial retour : Julien Pagnac, consultant chez Aster Conseil à la Réunion

Publié le 21 janvier 2013

Comment rentrer travailler à la Réunion après une période de mobilité ? Quelles sont les difficultés rencontrées sur le marché de l’emploi ? Cadre chez Renault au Brésil, Julien a quitté une situation professionnelle confortable et pris le risque de tout reconstruire à la Réunion avec sa femme et sa fille… Il est aujourd’hui consultant chez Aster Conseil, société d’études dans le domaine de l’action publique (aménagement, transport, économie, tourisme, ...) et du management basée à Saint-Leu.

Julien Pagnac
"Mariage avec ma femme Brésilienne"

Pouvez-vous nous rappeler votre parcours svp ?

Originaire de l’île de la Réunion, ma réussite dans les études supérieures fut loin d’être une évidence. En effet, loin de l’excellence des lycées parisiens et des opportunités offertes en métropole, les choix étaient très restreints : l’incontournable STAPS, les trop populaires Facultés d’anglais, d’AES et de droit.
Dernière solution pour les plus téméraires, la classe préparatoire. Ce fut mon choix, une classe préparatoire HEC, mais à l’île de la Réunion, pour ne pas couper trop vite le cordon avec la famille.
A la suite des concours, malgré le handicap de notre insularité, j’intègre une grande école de commerce, L’ESC Rouen. Par la même j’arrive à obtenir à l’arrachée une bourse de la part du Conseil Régional de l’île de la Réunion qui financera l’intégralité de mes études au sein de cette école de commerce.

Comment se sont passées vos études ?

Mes années d’études à l’ESC Rouen seront riches d’enseignements personnels et professionnels. Un échange au Brésil dans une université très réputée d’Amérique Latine, un poste usant de trésorier du Bureau des élèves, des stages au sein d’entreprises de premiers plan, me mènent à effectuer un Volontariat international à l’étranger pendant près de deux ans en Hongrie. En charge de la mise en place d’un projet, je coordonnais alors des équipes de cultures très différentes.
Suite à cette expérience, je décide de faire une autre formation, un Master of Public Affairs, pendant du MBA pour les affaires publiques. Dès lors, je me mesure au système de sélection anglo-saxon : course au GMAT, maîtrise du TOEFL, lettres de motivation, lettres de recommandation, bulletins de note, tout y passe...

Et ensuite ?

Je suis reçu avec succès au double diplôme entre la London School of Economics et Sciences-Po Paris. Se pose alors un problème de taille : les frais de scolarités qui sont tout simplement indécents car étalonnés sur les standards des universités américaines. 40 000 euros de doutes se présentent à moi avec leur air guingois. De coups de téléphones en e mails incessants, je parviens à obtenir une aide de la part du Conseil Régional de l’ile de la Réunion et de la LSE qui réduisent de moitié se montant absurde. J’ai enfin pu souffler et réaliser mon rêve sans me livrer à une faillite certaine. Au sein de cette formation, je côtoie une élite globale issue de l’IVY League américaine et des meilleures universités mondiales et profite à plein des opportunités qui me sont offertes. Après des expériences à Londres, au Sénégal, à Paris, en Hongrie, j’ai vécu trois ans au Brésil où j’ai travaillé pour le groupe Renault. J’étais manager des Relations avec le gouvernement et je travaillais sur la mise en place du Véhicule Électrique, un tache difficile au pays du roi Éthanol !

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à rentrer à la Réunion ?

La naissance de ma petite fille a changé mes priorités. La Réunion est alors devenue une évidence tant pour des raisons familiales que professionnelles. Il s’agissait d’offrir une enfance privilégiée à mes enfants, mais également au niveau professionnel, de participer au déploiement de notre île et utiliser mon expérience professionnelle internationale pour rendre un peu à cette île qui m’a tant donné. En effet, on parle souvent de fuite des cerveaux. Je voulais pour ma part rendre à cette île qui m’a permis de faire un parcours si riche.

Julien Pagnac
Julien en compagnie de sa femme et de l’ancien president du Brésil Fernando Henrique Cardoso.

Dans quelles conditions votre retour s’est-il déroulé ?

La réintégration professionnelle à la Réunion des membres de la diaspora est problématique. Pour ma part, il m’a fallu de nombreux allers et retours infructueux avant de trouver finalement une opportunité de travail motivante. J’ai ainsi rencontré de nombreux acteurs, mais il est vrai que quand on cherche de loin, les chances de réussite sont réduites. La Réunion est un territoire où le contact humain et la proximité sont privilégiés.

Décrivez nous votre état d’esprit à l’atterrissage à Gillot.

Une foule d’émotions contradictoires ! Tout d’abord une grande excitation, qui commence dès que l’on aperçoit du hublot les montages de notre île chérie... Une jubilation au moment des applaudissements à l’atterrissage. Un plaisir sans nom lors de la première bouchée du premier samoussa pei !

Avez-vous eu des difficultés (professionnelles ou autres) à vous réinstaller ?

Après viennent les doutes ! J’ai quitté une situation professionnelle confortable et pris le risque de tout refaire à la Réunion avec ma petite famille… La responsabilité est lourde et je remercie encore le support et l’adhésion à ce rêve de mon épouse. Pour ma petite fille, les premiers temps ont été difficiles, d’autant plus que sa chambre et ses jouets étaient encore en train de voguer dans un container au détour de Djibouti quand nous sommes arrivés… La perte de repère est importante.
Professionnellement, j’ai la chance de travailler avec quelqu’un qui a connu le même type de parcours et connaît les difficultés de réintégration. Mon arrivée en a donc été facilitée. Par ailleurs, nous traitons au sein d’Aster Conseil des problématiques passionnantes liées au développement de l’île. Nous sommes donc au contact des acteurs de cette stratégie de développement ce qui est très stimulant.

En tant que Réunionnais expatrié de retour sur son île, avez-vous ressenti un « avantage concurrentiel » ?

Le marché du travail est assez déprimé sur l’île, cependant les diplômes et l’expérience internationale sont un plus, c’est certain. Il est indéniable que le fait d’être Réunionnais est un atout… Pour le recruteur, le retour est un gage d’attachement à l’île, nous ne sommes pas de passage.

Plus généralement, qu’avez-vous trouvé de changé à votre retour à la Réunion ?

Etant originaire de Piton Saint Leu, j‘ai eu du mal à reconnaître les lieux. La ville s’est fortement urbanisée et la population a drastiquement augmentée. Cependant certaines instances n’ont pas évolué… La poste de Piton Saint Leu cristallise ce décalage entre population grandissante et infrastructures figées. D’un autre côté, je trouve que nous avons grandement gagné en mobilité. Vivant à Saint Leu, je peux désormais facilement voir mes amis de Saint Denis grâce à la route des Tamarins (si la route du littoral, notre talon d’Achille le permet). Par contre, notre isolement aérien semble hélas n’avoir pas changé d’un iota ! La continuité territoriale est saluer et rend le coût de cet éloignement moins insupportable. Dans ce contexte, les difficultés d’Air Austral, qui est garante d’une plus grande compétitivité entre les opérateurs aériens, est d’autant plus préoccupante.

Quels sont les points de satisfaction / déception de votre retour ?

Les gens ! Je retrouve à la Réunion la même joie de vivre et chaleur de la population qu’au Brésil.
Par contre la situation économique de l’île m’inquiète, notamment pour les jeunes entrants sur le marché du travail qui sont une variable d’ajustement des cycles économiques.

Avec le recul, tirez-vous un bilan positif de votre expérience de mobilité ?

Avoir voyagé aux quatre coins du monde est la meilleure chose qui me soit arrivée… J’ai beaucoup appris et intensément vécu en rencontrant des paysages et des gens uniques.

Aujourd’hui quels sont vos projets ?

Réussir professionnellement avec Aster Conseil en participant activement au succès de notre île.

Quels conseils donneriez-vous aux Réunionnais qui comme vous souhaiteraient rentrer sur l’île ?

Contacter des acteurs locaux et surtout venir les rencontrer. C’est un investissement, mais il est essentiel pour se réinsérer ici. A part quelques très grands groupes internationaux qui recrutent sur Paris, être sur place est crucial.

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Lire aussi : Julien Pagnac, cadre chez Renault au Brésil (itw 2010)


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