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Regard sur l’actualité : Caroline Gaujard-Larson en Russie

Publié le 12 mai 2013

Correspondante indépendante pour Radio France et Les Inrockuptibles à Moscou, Caroline Gaujard-Larson a travaillé au Quotidien en 2009 et 2010. Cette jeune journaliste de 28 ans, tombée amoureuse de son pays d’adoption, nous offre un aperçu de l’actualité mouvementée en Russie.

A visiter : le site ladamedepique.ru

Caroline Gaujard-Larson en Russie
Sur un pont de Moscou, près du parc Gorki.

Pouvez-vous vous présenter s’il-vous-plaît ?

Diplômée en littératures françaises (master 2) de l’université de Paris-Sorbonne, je suis correspondante indépendante pour Radio France et Les Inrockuptibles à Moscou, mais aussi pour d’autres médias, qu’il s’agisse de quotidiens, magazines, de radio, de tv ou encore presse spécialisée. Par ailleurs, je viens de créer une société enregistrée en France qui édite un magazine web culturel dédié à toute la Russie, en français (également disponible en russe à la rentrée). La publication débute le 21 mai à l’adresse suivante : ladamedepique.ru. J’ai vécu et travaillé à La Réunion (Saint Pierre) en 2009 et 2010, comme journaliste de presse écrite au Quotidien. Je reviens au moins une fois par an sur l’île, pour rendre visite à mes amis réunionnais auxquels je reste très attachée et parfois pour des reportages. La Réunion et la Russie sont pour moi les deux destinations très marquantes qu’il m’a été donné de découvrir.

Qu’est ce qui vous a décidé à poser vos valises en Russie ?

J’aime le côté imprévisible de ce pays, son énergie, son développement fulgurant. Moscou est la plus grande ville d’Europe et la plus peuplée, mais beaucoup de choses sont encore à faire. D’après ce que les Russes me disent, la ville a changé du tout au tout en l’espace de 20 ans, depuis la chute de l’URSS : architecture, commerces, qualité de vie... Avec les travers que peut comporter un développement si rapide, notamment les inégalités criantes entre les très riches et les très pauvres. De manière générale, j’aime les excès de la Russie, l’euphorie qu’elle provoque et son peuple. Ces gens gagnent à être connus, froids ou distants au premier abord mais généreux comme jamais lorsque l’on a gagné leur confiance.

Fait-il bon vivre en ce moment en Russie ?

La vie est chère à Moscou mais sa qualité y est réelle, à condition d’avoir un salaire qui permette de profiter de ce qu’offre la capitale russe. Hormis la pollution et les embouteillages, c’est une ville très agréable, surtout pour une population jeune. Tout y est accessible 24h/24 et la ville ne dort jamais. Ses parcs sont immenses. J’ai notamment été surprise par la qualité de la gastronomie russe et des restaurants, qu’il s’agisse de cuisine locale, européenne ou asiatique. Et bien sur, par le somptueux et très pratique métro moscovite.

Quelle est la situation économique du pays ?

Le chômage est très bas en Russie, rien de comparable avec l’Europe de l’ouest. Beaucoup d’opportunités existent dans tous les domaines, en particulier d’un point de vue professionnel. Néanmoins les salaires sont encore parfois peu élevés, surtout compte tenu de la vie chère. La croissance a été fulgurante (encore de 4,5% l’année dernière), même si elle s’est ralentie en 2013, sans doute à cause des difficultés économiques que connaît l’Union européenne. La crise se répercute forcément sur la Russie d’une manière ou d’une autre.

Caroline Gaujard-Larson en Russie

La presse occidentale dénonce régulièrement les dérives antidémocratiques du régime Poutine. Quelle est votre perception sur le terrain ?

On ne peut nier les dérives antidémocratiques de la Russie, qui se sont accentuées depuis le retour de Vladimir Poutine au Kremlin il y a un an. Ce qui a d’ailleurs donné lieu à un réveil citoyen et aux grandes manifestations d’opposition que l’on sait. Même si un nombre non négligeable de Russes le soutiennent toujours et apprécient sa poigne et son expérience, environ 60 % de la population ne souhaite pas qu’il soit réélu à l’issue de son troisième mandat, si l’on en croit les sondages.

Qu’en est-il de la liberté de la presse ?

La presse en Russie n’est pas si muselée que ce que l’on peut entendre parfois. Bien sur, il ne fait pas bon fourrer son nez dans de grandes affaires de corruption pour un journaliste russe par exemple. Beaucoup d’assassinats sont à déplorer ces dernières années. Quant à moi et mes collègues non russes, on ne peut pas dire que nous soyons inquiétés ou victimes d’intimidation. Mais nous sommes étrangers, et nous ne nous adressons pas aux Russes...

Quelle est l’image de la France et des Français en Russie ?

Auprès des Russes rencontrés au quotidien, elle est très bonne. Cela est surtout dû au mythe qui s’est créé autour de la culture et de la gastronomie française. France = raffinement dans leur esprit. La langue française est d’ailleurs encore assez présente en Russie. Mais c’est surtout aux 18e et 19e siècle qu’elle était beaucoup parlée par les Russes dans les cercles intellectuelles et aristocratiques.

Comment voyez-vous l’évolution du pays dans les prochaines années ?

Dans l’ensemble, les Russes sont très désabusés. Beaucoup sont en total désaccord avec leur gouvernement qui est en train d’accentuer la répression et malmène les libertés individuelles. Ils aiment leur pays, mais disent ne pas se faire d’illusions quant à l’évolution des choses. Ils sont souvent surpris quand ils rencontrent un étranger qui apprécie leur quotidien, leur langue, et décide de rester alors que beaucoup de jeunes ne pensent qu’à partir en Europe de l’ouest ou aux États-Unis. J’ai l’impression que les changements importants, notamment politiques, n’auront pas lieu tout de suite. Même les opposants au régime croisés sur les manifestations espèrent ce changement mais n’y croient pas. Mais il semble que la forte croissance de la Russie soit condamnée à ralentir. Si d’importantes difficultés économiques surviennent, il sera alors plus difficile pour le président russe de « tenir » le pays.

Article paru dans Le Quotidien du 12 mai 2013

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Caroline Gaujard-Larson en Russie
Devant la cathédrale Saint Basile sur la Place Rouge à Moscou.
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