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Cases créoles : préserver le patrimoine de Saint-Denis

Publié le 6 août 2012

Nous voulons dans la zone patrimoniale de Saint-Denis, œuvrer à la restauration d’un « quartier créole » comme on parle du « Carré français » de la Nouvelle-Orléans. Nous pourrions restaurer nos cases créoles avec leurs varangues, leurs barreaux, leurs jardins, leurs guétalis, leurs fontaines ? Ne serait-ce pas là une belle contribution au patrimoine de l’humanité ? Lorsqu’en 2012, un promoteur fait table rase d’une maison créole à coup de bulldozer, les longères en moellons qu’il abat abritaient la vie de tout un peuple modeste. C’est l’histoire de tous les Réunionnais qui disparaît.

Un article de Robert Gauvin

cases créoles saint-denis

D’aucuns nous accusent d’être des passéistes, des rétrogrades, des égoïstes arc-boutés sur leurs privilèges, nous qui voulons défendre le patrimoine architectural réunionnais ? C’est assurément une manière un peu simpliste sinon caricaturale de voir les choses, car pour nous, défendre le patrimoine, c’est prendre le parti de ce qui fait la beauté, l’originalité de nos villes et qui est bien menacé ; nous voulons par exemple dans la zone patrimoniale de Saint-Denis, œuvrer à la restauration d’un « quartier créole » comme on parle du « Carré français » de la Nouvelle-Orléans. Nous pourrions pour cela nous inspirer de ce que des villes et villages du monde entier, en France, en Allemagne, en Italie ont su faire ; nous pourrions restaurer nos cases créoles avec leurs varangues, leurs barreaux, leurs jardins, leurs guétalis, leurs fontaines ? Ne serait-ce pas là une belle contribution au patrimoine de l’humanité ?

Défendre notre patrimoine, c’est aussi, bien sûr, un moyen de connaître notre histoire et ceux qui nous ont précédés : la case créole, par exemple, révèle bien des choses sur les relations sociales, sur un certain art de vivre, sur la capacité de s’adapter au climat, sur le sens esthétique de ceux qui avaient les moyens d’en faire construire une, mais la case créole est aussi la preuve vivante du génie de nos artisans, de nos charpentiers, bardeautiers, tailleurs de pierre. L’architecture créole est le patrimoine commun de tous les Réunionnais.

(Il est à ce sujet une idée propagée par certains, qui nous paraît complètement stupide en ce 21ème siècle, qui tenterait de dresser les uns contre les autres le peuple et les nantis, les « gros-blancs » contre les « ti-métis » et vice-versa . Que répondre à ceux-là ? D’abord que les cases créoles appartiennent aujourd’hui à des gens qui sont loin d’être des nantis du sucre et de l’import-export et les « grands blancs » qui les possèdent ont souvent toutes les couleurs de notre arc-en-ciel créole. En outre, lorsqu’un promoteur fait table rase d’une maison créole, il a encore plus vite fait de renverser à coup de bulldozer les longères (1) en moellons qui abritaient la vie de tout un peuple modeste. Bref c’est l’histoire de tous les Réunionnais qui disparaît.)

cases créoles saint-denis
Ce qui reste de la longère de la maison De Palmas.

La défense du patrimoine architectural va également pour nous dans le sens de l’économie de notre île. Quel intérêt aurait le touriste à visiter un Saint-Denis privé de ses cases créoles, une ville ressemblant à s’y méprendre à une quelconque banlieue impersonnelle comme il en est tant de par le monde ? Cet intérêt serait bien mince assurément ! Ce que les touristes recherchent dans une ville, c’est ce qui fait son charme, son originalité, ce qui les fait rêver. Nombre de villes ont su en tirer profit matériel dans le Périgord, au Pays basque, en Corse, en Alsace et ailleurs… Elles ont compris en effet, comme l’a si bien dit John Ruskin, que le rôle de« l’architecture d’une ville est d’émouvoir et non d’offrir un simple service au corps de l’homme » (2)

Passéistes nous ? Autant nos villes feraient bien de respecter leur patrimoine, autant elles auraient intérêt à se lancer dans une architecture d’avant-garde, quand les lieux s’y prêtent : pourquoi ne pas aborder une opération comme celle du Pôle Océan en faisant preuve d’audace ? Il faut en finir avec le médiocre et l’étriqué : il est des villes comme Sydney dont le seul nom fait surgir l’image de son opéra, vaisseau cinglant toutes voiles dehors. Saint-Denis n’est pas Sydney ni Dubaï, sans doute ! Mais il faut ouvrir un concours d’architecture au niveau international et prendre le meilleur projet, car la ville de Saint-Denis a besoin d’une image de marque, d’une « figure de proue », d’un signal fort qui la fasse exister dans le réel et dans l’imaginaire collectif. Le maire de Saint-Denis s’honorerait en voyant grand et laisserait son nom et son œuvre à la postérité. Il créerait ainsi le patrimoine de l’avenir.

Robert Gauvin

(1) Bâtiments de forme basse et allongée situés au fond des cours.

(2) Il y a effectivement une urgence cruciale, c’est de loger décemment des milliers de familles réunionnaises, mais à notre connaissance ce n’est pas le souci premier des promoteurs en centre ville ; il serait d’ailleurs particulièrement instructif de connaître le prix d’un F2 dans une construction comme celle projetée au 157 rue Juliette Dodu.


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