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Témoignage du séisme en Haïti 2 : Virginie Hoareau

Publié le 16 janvier 2010

Employée de l’ONG Défi à Port-au-Prince, originaire de Saint-Denis, Virginie Hoareau, 35 ans, a vécu le séisme dans le quartier de Pacot où elle travaillait. Traumatisée, elle a été évacuée mercredi soir en Martinique par les secours français. Jointe par téléphone, elle nous a relaté son calvaire.

Virginie Hoareau

Article paru le 16 janvier 2010 sur le site clicanoo.com - Virginie Hoareau est membre de Réunionnais du monde.

Où étiez-vous au moment du séisme ? Comment l’avez-vous vécu ?

"J’étais au bureau à Port-au-Prince. La terre s’est mise à trembler. Les gens n’ont pas compris ce qu’il se passait car ils ne savent pas ce qu’est un tremblement de terre. Moi et une autre collègue, nous nous sommes immédiatement mises sous des bureaux. C’était effrayant. Ça ne s’arrêtait pas de trembler, tout bougeait. Ça a duré environ 40 secondes mais ça a paru une éternité. Notre bâtiment était aux normes antisismiques mais on voyait les maisons s’effondrer tout autour. Nos collègues haïtiens priaient. Je me suis dit : C’est fini, je vais mourir".

Et ensuite, vous êtes sorti de l’immeuble ?

"Oui, il y avait des gens qui criaient partout, des enfants qui pleuraient. J’ai vu un père qui pleurait son fils qui venait de mourir. J’ai passé 24 heures en enfer, c’était l’apocalypse. On est allé à l’Ambassade de France. Sur le chemin, je n’ai jamais vu autant de morts de ma vie. C’était l’horreur absolue. À l’Ambassade, nous avions à boire et à manger. Mais on entendait les gens à l’extérieur qui criaient et pleuraient. Il y a eu une alerte au tsunami dans la soirée de mercredi. Le niveau de l’eau s’est mis à monter et nous avons entendu un immense mouvement de foule à l’extérieur. Tout le monde courait. On s’est dit : le tremblement de terre ne nous a pas tué mais c’est l’eau qui va le faire."

Quand vous a t-on évacué vers la Martinique ?

"C’était mercredi soir, après l’alerte tsunami. On nous a emmenés en bus à l’aéroport pour prendre l’avion. Et là, on a découvert l’horreur. Il y avait des corps partout. Port-au-Prince est à reconstruire. C’est une ville très animée habituellement. Et là régnait un silence de mort. Le plus difficile c’est de se demander ce que tous ces gens vont devenir."

Avez-vous pu prévenir votre famille que vous étiez en vie ?

"Non, les communications ne passaient plus. À l’Ambassade, une dame a pu joindre quelqu’un aux États-Unis. Plusieurs personnes lui ont donné des noms et des numéros de téléphone pour prévenir les familles. Ma mère, qui habite Sainte-Clotilde, était très inquiète. Elle imaginait le pire. Quand elle a reçu l’appel, elle n’y croyait pas vraiment. Ce n’est qu’aujourd’hui lorsque j’ai pu moi-même la joindre qu’elle a compris que j’étais saine et sauve."

Avez-vous pu repasser chez vous avant de partir ?

"J’habite à Pétionville. On m’a déconseillé de rentrer chez moi. Car le quartier était un cimetière à ciel ouvert. Donc je n’y suis pas allée. Mais j’ai su que ma maison avait tenu le coup. Mais elle a été ouverte et pillée. J’ai absolument tout perdu, je n’ai plus rien, juste les affaires que j’avais avec moi quand je suis partie travailler. Mais ce qui compte, c’est notre santé."

Quand rentrez-vous à la Réunion ?

"Je suis actuellement logée dans un hôtel en Martinique. Nous partons demain -ndlr, aujourd’hui- pour la France où nous sommes attendus par des psychologues. Je rentre à la Réunion la semaine prochaine. J’ai d’innombrables messages sur ma boîte mail. Je n’ai pas encore pu répondre à tous."

Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

"Jamais je n’aurais imaginé vivre quelque chose d’aussi difficile de ma vie. Tout s’est effondré, les supermarchés, des écoles pleines d’enfants. C’était horrible. Je me demande pourquoi le sort s’acharne sur ce pays. Pourquoi eux. Je culpabilise. J’ai le sentiment que nous sommes partis comme des voleurs. On a laissé des gens derrière nous. C’est de la lâcheté. On ne sait pas ce qu’ils vont devenir. Je ne sais même pas si mes amis sont toujours vivants. Je pense que j’aurais besoin d’y retourner d’ici un an ou deux. Aujourd’hui, la situation est explosive. On a l’impression que ça va éclater. Lorsque nous étions à l’Ambassade de France, nous avions à boire et à manger. Mais les Haïtiens, eux, n’ont rien."

Entretien : Frédérique Seigle

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