Publicité

« Vous n’avez pas le type réunionnais » (extrait)

Publié le 14 novembre 2018

Découverte de l’autre et de l’ailleurs, anecdotes, malentendus… Dans son livre « Le Grand Saut », Expédite Laope-Cerneaux raconte les Réunionnais partis vivre en métropole dans les années 70-80. Extrait du chapitre IX : « Vous n’avez pas le type réunionnais ».


« Une de mes vieilles copines d’école était une Ricquebourg, mariée à un ingénieur d’IBM. Un jour il l’a présentée à un collègue. Ce dernier fut surpris. Le lendemain, il dit :

« Dis donc, toi, tu m’as dit que ta femme était Réunionnaise, mais tu racontes des bobards, je l’ai vue, elle n’est pas noire.
— Ben non, elle n’est pas noire, j’ai jamais dit qu’elle était noire.
— Hé les gars, fait l’autre prenant les collègues à témoins, lui là, c’est n’importe quoi ! J’ai vu sa femme hier, elle n’est pas noire !
— Mais j’ai jamais dit qu’elle était noire. J’ai dit qu’elle était Réunionnaise.
— Réunionnaise mon œil ! »
Et il s’agissait bien d’ingénieurs !

En 1979, j’ai mis au monde une petite fille presque blanche à la naissance avec des yeux bridés. J’avais déjà un autre enfant de la même couleur que moi.
J’ai d’abord eu droit aux plaisanteries fines des Gaulois, sur la confiance de mon mari, ou son aveuglement. On m’a même demandé si j’étais sûre que la clinique m’avait donné le bon bébé.

Mais en plus fort était encore à venir.
Mon premier enfant était suivi par la pédiatre de la PMI, j’ai fait de même pour la deuxième. La vieille pédiatre quand elle a vu mes deux enfants ensemble, a levé les bras au ciel en disant que ma deuxième était malade :

« Vous ne voyez pas comme elle est jaune ? Et elle est si petite, à huit mois ! Regardez la grande comme elle est dodue ! Et bien colorée ! Celle-ci, elle ne tient pas assise. Et cette teinte ! ça aurait dû vous alerter ! La belle affaire, elle mange bien, elle dort bien ! Quand vous la comparez à la grande vous devez bien vous rendre compte qu’il y a quelque chose d’anormal ! »

J’étais jeune et sans expérience, je me suis affolée. J’ai accepté que ma fille aille en observation à l’hôpital. On ne lui a rien trouvé. Forcément, elle n’avait rien. Elle était petite et elle l’est toujours aujourd’hui.
Au bout de huit jours, quand je suis arrivée à la visite avec mon mari, le pédiatre de l’hôpital, un homme plus jeune, nous a longuement regardés :

« Est-ce que le Dr X connaît votre mari ? (C’était la pédiatre qui m’avait orientée)
— Non, je vais toujours aux consultations pendant ses heures de travail.
— Excusez-moi, Monsieur, mais vous n’êtes pas très grand.
— Non, et alors ?
— Et vous avez sûrement une ascendance asiatique.
— Oui, mon arrière-grand-mère venait de Malaisie.
— Je crois que si le Dr X vous avait vu, elle aurait compris que votre fille est votre portrait craché et qu’il n’y avait aucune raison de s’affoler. Je vais signer sa sortie, allez prendre votre fille, elle se porte comme un charme. »

Que voulez-vous ! Même 10 ans d’études de médecine ne préparent pas à la bizarrerie des Réunionnais. »

...

Commander « Le Grand Saut » sur le site www.editions-orphie.com/shop/home/797-le-grand-saut-9791029802737.html
Contact : [email protected]


Lire aussi :
Le Grand Saut d’Expédite Laope-Cerneaux
« Tu veux de la z’aile ? » et autres malentendus créole-français
« Le riz, ça se lave pas ! »


Plus d’articles HUMOUR / CRÉOLE RÉUNIONNAIS

Publicité