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Christine Dutreuil, 41 ans, mère de famille à Houston - Texas

Publié le 3 août 2006

Originaire du Port, Christine a quitté l’île à 20 ans pour la métropole où elle a rencontré son mari, employé d’une grande société pétrolière. Avec leurs deux enfants, ils parcourent le monde au gré des mutations : Libye, Russie, Maroc, Hollande et aujourd’hui les Etats-Unis.

Christine Dutreuil
Nos projets ? Revenir à la Réunion dans 5 ans pour ouvrir un cabinet de consulting. On pense que l’île a un réel potentiel économique dans la région.

D’où êtes-vous à la Réunion ?

"Je suis née au Port, dans un milieu très modeste, de père "cafre" et de mère "yab" la Rivière Saint-Louis. Un bon métissage... J’ai quitté l’île en 1987, dans l’année de mon bac, à la fin du premier trimestre. A cette époque, j’étais un peu dégoûtée de la Réunion. Mes conditions d’études étaient insupportables. Il n’y avait pas de transport scolaire et mes parents n’avaient pas les moyens de payer les aller-retours : bus jusqu’à Saint-Pierre et taxi jusqu’au Tampon. Il fallait se débrouiller par les moyens du bord, "lèv le doigt fait stop"."

Qu’avez-vous fait ?

"Comme j’avais de la famille en métropole, je suis partie "décrocher la lune". J’ai quitté la Réunion avec le billet d’un métro qui vendait son retour à 700 francs. J’ai décroché mon Bac en candidate libre (F8 médico-social), puis direction la Fac de sciences à Pau (deux ans) et un an à l’école d’éducateur. J’ai préféré travailler très vite pour avoir mon indépendance. Et puis j’ai rencontré mon futur mari qui préparait son doctorat de géologie. On s’est marié et on a eu deux enfants. J’ai cessé mon activité professionnelle pour le suivre dans sa carrière"."

Racontez-nous votre parcours.

"Mon mari travaille pour une grande société pétrolière et on voyage pas mal. Nous avons passé trois ans à Tripoli en Libye, un très beau pays. Kadhafi n’est pas aussi dictateur qu’on le dit. Là-bas, on me demandait d’où je venais, on me parlait souvent arabe, on me prenait pour une Nord-Africaine. Je disais que je venais d’une île française, la Réunion et on m’accueillait à bras ouverts ! En France, si on dit qu’on est français, on nous demande "de quelle origine ?". Il y a toujours "anguille sous roche". Maintenant, je dis que je suis réunionnaise. Je pense que notre "batarsité" prête confusion à tous les Réunionnais, mais nous sommes riches en culture".

Quels sont vos projets ?

"Peut-être revenir dans cinq ans et ouvrir un cabinet de consulting en management. Mon mari voudrait s’installer. On pense que la Réunion est un carrefour économique dans l’océan indien".

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

"Une ouverture d’esprit, une tolérance, l’humilité, des connaissances culturelles... J’adore raconter aux gens que je rencontre mes aventures de voyages. Je parle aussi de la Réunion, un joli petit pays quelque part dans le monde. Souvent je remarque des ressemblances et des similitudes lors de voyages, des paysages, des gens, des images... En fait la Réunion c’est le monde rassemblé !"

Christine Dutreuil
La famille de Christine.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

"La Réunion a un très grand potentiel par sa situation géographique. L’île peut devenir un carrefour professionnel et économique, à la croisée de grands pays comme l’Afrique du Sud, les pays du Golfe et le continent asiatique (l’Inde est en train d’exploser économiquement). Pour que la Réunion s’ouvre et évolue, il faudrait un changement des mentalités et un renouvellement des politiques. "Tire mallol dan’ zyeux réunionnais". Beaucoup de jeunes partent et ne reviennent plus, car ils ne trouvent pas de travail sur l’île".

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours professionnel ?

"L’avantage, quand tu cherches un boulot et que tu dis que tu viens de la Réunion, ils rêvent tous. L’entretien est plus facile, ils ne parlent que de ça".

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

"Ici à Houston, j’ai rencontré une Réunionnaise. Son mari travaille dans la même boîte que le mien. Sinon il y a des Malgaches. Je compte faire une soirée réunionnaise bientôt à Houston".

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

"Ils ne connaissent pas du tout. Les Américains, à part l’Amérique... Comme on dit ici, "L’Amérique c’est le monde". Ils étudient leur état et comment saluer le drapeau... Le patriotisme quoi ! Mais j’en parle beaucoup. Bientôt vous les verrez débarquer ! "

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

"N’hésitez pas à partir ! N’ayez pas peur de quitter papa maman et cari avec le grain. Il y a tellement à voir dans le monde. Vous acquerrez l’expérience et beaucoup de richesses !"

Réunionnais du Monde - 03-08 2006

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