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20 décembre 1848 : une date à replacer dans le contexte de l’océan Indien

Publié le 20 décembre 2009

A La Réunion, l’abolition de l’esclavage a eu lieu le 20 décembre 1848. Cette date est fêtée par tous les Réunionnais tous les ans. Mais l’histoire de La Réunion ne peut s’expliquer qu’en analysant de plus près les histoires des autres îles environnantes. Le Réunionnais pourrait ainsi comprendre qui il est, et finir sa quête identitaire, en regardant et en acceptant plus aisément les interférences culturelles qui ont marqué son espace insulaire... Il est peut-être venu le temps de s’intéresser de plus près aux autres îles de l’océan Indien, et non plus, seulement se focaliser exclusivement sur l’histoire de La Réunion.

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Un texte de Tamim Karimbhay, titulaire d’une maîtrise d’histoire médiévale et d’un DEA d’histoire contemporaine, professeur de lettres et d’histoire-géographie.

Il est à préciser que le 24 février 1848, le régime de la Monarchie de Juillet est liquidé. A la demande de Victor Schœlcher datant du 4 mars 1848, un décret du gouvernement provisoire, da-tant du 27 avril 1848, proclame l’abolition de l’esclavage dans les colonies fran-çaises. Nous pouvons remarquer et souligner ici, le laps de temps assez significatif quand même, qui s’écoulait entre la décision prise à Paris, et son application, voire son exécution Outre-mer. Les détails qui me semblent très fascinants à souligner, c’est que la grande île de Ma-dagascar, n’était pas concernée par ce décret, car elle n’était pas encore colonie française. Elle ne le sera qu’à partir de 1896. Par contre, Nosy-Bé est concernée puisqu’elle est française depuis 1841 ! Ces 50 années font de cette île, une île imprégnée par une forte image de la France.

A La Réunion, par ailleurs, l’abolition de l’esclavage a eu lieu le 20 décembre 1848. Cette date est fêtée par tous les Réunionnais, tous les ans. Elle est devenue comme une sorte de fête de tous les peuples dans la fraternité et la bonne humeur. Elle commémore la douleur et la souffrance des milliers d’Africains et de Malgaches qui ont été ramenés par la force des fers, sur cette île pour être exploités, aux XVIIème et XVIIIème siècles. Cette traite va donner une dimension culturelle métissée et colorée à cette île magnifique. La fête du 20 décembre, qui est fêtée dans la joie, la bonne ambiance, est une sorte d’exutoire thérapeutique, pour le peuple créole, dont la quête identitaire n’est pas encore finie et vient de commencer, à mon humble sens.

Les Historiens à la Réunion, devraient d’ailleurs de plus en plus donner une dimension davantage régionale qu’insulaire à leurs recherches. L’Histoire de La Réunion ne peut s’expliquer, qu’en analysant, de plus près les histoires des autres îles, et le Réunionnais pourrait ainsi comprendre qui il est, et finir sa quête identitaire, qu’en regardant et qu’en acceptant plus aisément les interférences culturelles qui ont marqué son espace insulaire... Il est peut-être venu le temps de s’intéresser de plus près, aux autres îles de l’océan Indien, et non plus, seulement se focaliser exclusivement sur l’histoire de La Réunion. Il est peut-être venu le temps de sortir du « nombrilisme culturel et historique » en ce qui concerne les domaines de la recherche historique, ethnologique et géographique, et de s’intéresser davantage, aux autres espaces insulaires de l’océan Indien, dont l’histoire, mérite d’être également connue du grand public.

L’Histoire de La Réunion est très attachante mais, il faut avoir maintenant une vision panoramique, une ouverture régionale et océanique pour pouvoir la comprendre davantage, et mieux l’appréhender. L’ouverture régionale qui fera dépasser l’insularité permettra aux Réunionnais d’aboutir, dans leurs quêtes identitaires et de comprendre enfin qui ils sont, et comment est construite leur His-toire.

J’aime beaucoup l’île de La Réunion, une île qui est ancrée dans l’océan Indien, où baignent, dans le blanc des vagues, entre le bleu de la mer et le rouge du volcan, les peurs des uns, et les espoirs des autres. L’Histoire de cette île splendide, anciennement appelée Bourbon ou île Bonaparte, renferme presque 400 années de chroniques politiques, économiques, sociales, remplies d’événements que chaque Réunionnais natif ou adoptif ne doit plus nier, ni igno-rer. Au contraire, j’incite chaque Réunionnais à connaitre son passé et les « splendeurs et les misères » de l’histoire de son île, car aller sur les traces de son passé, c’est apprendre à se connaître soi-même, pour pouvoir affirmer et com-prendre mieux son identité culturelle, son identité nationale et sa fierté française, sa notoriété et son appartenance européenne en tant que citoyen de région ultra-périphérique européenne, sans pour autant oublier ses racines africaines, malgaches ou ses influences asiatiques, qui contribuent à sa construction identi-taire et mentale, et qui vont lui apprendre à relativiser les échecs, à en tirer les le-çons, tout en persévérant dans ses efforts et prospérant dans ses ambitions et ses rêves pour demain. Le nouvel engouement pour la généalogie, sur les ondes réunionnaises, est un bon début, pour les Réunionnais, dans le cadre, non seulement de la recherche historique, mais aussi et surtout de la quête identitaire, d’aboutir dans l’affirmation et la construction de la personnalité, et dans la compréhension et la tolérance vis-à-vis des autres.

L’Histoire est faite du rapport passé sur présent et, c’est en s’intéressant à son passé, aux richesses liées aux interférences culturelles que l’on peut prépa-rer mieux, et construire avec sagesse et ouverture, son futur. La prise de cons-cience de son ignorance est, pour chacun d’entre nous, un premier pas accompli vers la connaissance, l’intégration, l’acceptation de l’autre aussi différent soit-il, et le début d’une vraie réflexion sur les sens de la tolérance, la fraternité entre les peuples et de la notion d’humanité.

Notons au passage cette petite pensée méthodologique : c’est la vision globale et panoramique large, qui permet de comprendre un point précis et non le contraire. Il faut savoir apprécier les différences, pour pouvoir mieux se connaître et se situer par rapport aux autres. Pour la construction identitaire, pour la compréhension de l’Autre, il est toujours attachant de voir son Histoire, car cela permet de se découvrir soi-même et de se comprendre soi-même, pour construire sa propre identité et de l’affirmer.

Enfin, une dernière chose, que je tiens à dire quand même. Il n’y a pas d’histoires différentes et indépendantes des îles de l’océan Indien. Il y a une grande Histoire de l’océan Indien, dans laquelle s’inscrivent des histoires paral-lèles et interdépendantes des différents pays ou îles de l’océan Indien. Il y a une Grande Histoire coloniale de l’océan Indien, et non, plusieurs histoires indépen-dantes et isolées des différentes îles. Pour comprendre un petit point, il faut s’intéresser à l’ensemble d’abord, en pre-nant évidemment en compte le brassage des populations, les idéologies coloniales des puissances européennes, les flux de populations et les réseaux d’échanges maritimes, les choix politiques et écono-miques heureux ou malheureux, des différentes îles de cet océan, à un moment donné de leur histoire, le contexte international et les pressions décisionnelles des pays anticolonialistes, et enfin, la lutte d’hégémonies et les rivalités colo-niales entre les pays européens.

Pour terminer par un exemple fla-grant, on ne peut par exemple com-prendre, le choix de la France et l’évolution statutaire, politique et écono-mique de l’île de La Réunion qui en découle, sans chercher à comprendre l’histoire de Madagascar, mais aussi celles de l’Inde, de Maurice ou des Sey-chelles, sans oublier, celle de l’île de Nosy-Bé ou encore l’île Sainte-Marie, mais aussi le contexte international, et l’histoire des grandes rivalités pour la lutte d’hégémonie, entre les puissances européennes, des rivalités historiques, géostratégiques et géopolitiques incontestables, qui ne datent pas seulement du XXIème siècle. Ce sont donc, des destinées parallèles, mais surtout intercomplémentaires, pour la compréhension de l’histoire générale de l’océan Indien, dont les flots des vagues et les abysses, ren-ferment à tout jamais les vrais secrets…
la création de la Maison des Civilisations et de l’Unité Réunionnaise est une excelllente chose et une vraie Mémoire pour les générations futures. Les générations à venir pourraient mesurer le chemin parcouru par nos pères.

Marguerite Yourcenar dans son livre « les Yeux ouverts » disait : « Quand on aime la vie, on aime le passé, parce que c’est le présent tel qu’il a survécu dans la mémoire humaine. ». Napoléon Bonaparte, quant à lui, a dit un jour « Une tête sans mémoire est une place sans garnison. » et Ferdinand Foch avait dit « Parce qu’un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir. »

La Mémoire sait essuyer les larmes et les combats d’un cœur, elle sait arborer l’espérance du cœur et afficher le sourire des larmes… Elle permet de se connaître davantage, de relativiser les choses, de tirer des leçons des échecs, et de savourer les réussites. Elle permet de s’interroger sur sa propre personnalité, et d’accomplir un premier pas, sur le long chemin qui mène vers l’Ecole de la Vie…

En tant qu’humains, nous n’avons que deux certitudes sur Terre : Nous naissons et nous mourrons ; et au milieu, il y a la Mémoire d’une Vie. Entre intuition et intellect, entre la passion du cœur, et la logique de la raison, nous devons prendre des décisions et construire la trajectoire de notre Vie ! Une vie magnifique marquée d’épreuves et de combats, de gloire et de réussites, des larmes du cœur et des larmes de joies et qui mérite d’être vécue car toute vie est constructive, et tant que la flamme de l’espérance ne s’éteindra pas, l’humain vivra et combattra toujours ! Honoré de Balzac a dit un jour : « L’espoir est une mémoire qui désire, le souvenir est une mémoire qui a joui. » et, Anatole France achevait « L’amour du passé est inné chez l’homme. Le passé émeut à l’envi le petit enfant et l’aïeule ; le passé c’est notre seule promenade et le seul lieu où nous puissions échapper à nos ennuis quotidiens, à nos misères, à nous-mêmes. Le présent est aride et trouble, l’avenir est caché. Toute la richesse, toute la splendeur du monde est dans le passé. »

Le Réunionnais devra apprendre à faire la synthèse de son Histoire à toutes les échelles (personnelle, familiale, insulaire, régionale, nationale et europenne, mondiale) et à être fier d’être un peuple pluriethnique et cosmopolite...Il faut qu’il soit fier d’être européen, fier d’être français et fier d’être aussi africain et asiatique...un peuple cosmopolite, tolérant et ouvert au Monde...la jonction entre l’Occident et l’Orient est une belle preuve de fraternité réunionnaise. Alors soyons fiers de nos racines européennes, françaises et régionales (pluriethniques). Nous devons apprendre à être fier d’être les fruits de l’HUMANISME EUROPEEN, DES VALEURS ANCESTRALES AFRICAINES et DES PHILOSOPHIES ASIATIQUES. Nous devrions être fiers de ce métissage unique et de cette richesse culturelle !

VIVE LA TOLERANCE, LA PAIX ENTRE LES PEUPLES et L’OUVERTURE DES CONSCIENCES AU DIALOGUE !

Tamim KARIMBHAY
le 20 décembre 2009

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